Pour beaucoup d’athlètes, les Jeux olympiques sont l’aboutissement d’une carrière. Pour Gwyneth ten Raa, c’est tout l’inverse. Pour la jeune (16 ans) skieuse d’Erpeldange (près de Wiltz), le rendez-vous olympique de Pékin n’est qu’un commencement. Le commencement d’une carrière qu’elle et ses proches espèrent riche.
Voici quelques semaines encore, elle était une parfaite inconnue dans le petit monde du sport luxembourgeois. «C’est simple, il y a trois mois, on n’aurait nous-mêmes jamais imaginé qu’elle irait à Pékin», confesse Roger, son papa.
Trois mois? Cela nous ramène donc juste avant l’ouverture de la saison de ski. Et avant quelques résultats marquants réussis par Gwyneth ten Raa sur le circuit secondaire international, ceux-ci ayant mis la puce à l’oreille du COSL, le Comité olympique et sportif luxembourgeois, et lui ayant surtout permis de rentrer dans les critères de sélection fixés pour ces 24es JO d’hiver. Une surprise qui n’en est pas complètement une. Dans la mesure où ses parents se rendaient bien compte du talent de leur fille. Mais s’ils évoquaient une participation aux JO, c’était plutôt ceux de 2026 – qui auront lieu à Milan et Cortina d’Ampezzo – qu’ils visaient. Pas ceux de Pékin.
«Gwyneth devait avoir 3 ans la première fois qu’elle est montée sur des skis. Et, à 6 ans, elle a pris la troisième place de la première compétition à laquelle elle a participé», reprend le papa, originaire de Rotterdam (aux Pays-Bas), mais arrivé au Luxembourg à 28 ans, avec juste son sac sur le dos. Passé chez Fortis Assurances, marié à une Luxembourgeoise, il est aujourd’hui director sales pour le nord de l’Europe chez Bâloise.
4 jours de ski par semaine en Suisse à 10 ans
«Au début, nous allions skier tous les week-ends à Grindelwald, en Suisse. Puis, Gwyneth, comme sa sœur aînée Joyce, s’est montrée tellement enthousiaste qu’on s’est dit que deux jours, c’était trop court. Et nous avons commencé à partir dès le mercredi après-midi», continue Roger. Ainsi, ses filles pouvaient s’entraîner les jeudi et vendredi, avant de prendre part à une compétition le samedi et/ou le dimanche. Puis de revenir vers le Luxembourg. La famille ten Raa avalant donc plus de 10 heures de route hebdomadaires pour profiter de la neige helvétique, tout en louant un appartement sur place de décembre à mai.
Cela coûte une fortune. Entre les entraînements, le matériel, les voyages, les hébergements, etc., il faut compter 30.000 euros par an. Et il en est ainsi depuis quatre ou cinq ans…
Une situation rendue possible par le fait que «mon épouse a arrêté de travailler pour s’occuper de nos trois filles. Tandis que, de mon côté, je pouvais bosser à distance, étant d’ailleurs souvent en déplacement.»
Cela a duré quatre années, jusqu’aux 14 ans de Gwyneth. Ses performances lors des compétitions suisses («elle finissait pratiquement toujours dans le top 3», dixit son père) étant alors suffisamment marquantes pour qu’on lui propose de rejoindre le cadre de l’équipe nationale helvète. Où elle performa pendant deux ans, faisant partie intégrante du top 5 «suisse» de sa génération. Mais tout ça s’arrêta voici quelques mois, quand on lui signala que, vu qu’elle n’était pas Suissesse, il n’était plus possible de la garder.
Avec les entraîneurs de Lindsey Vonn
Son père se mit donc alors en chasse d’un plan B afin de permettre à sa fille de continuer à progresser. Et il le trouva en Italie, avec l’International Ski Racing Academy (Isra), une académie de haute performance réservée aux athlètes féminines. Gwyneth y côtoie désormais Alice Robinson (20 ans), l’une des plus belles promesses du ski alpin mondial qui pourrait bien revenir de Chine parée d’or d’ici quelques jours. Mais aussi Chris Knight et Jeff Fergus, deux entraîneurs qui ont permis à une certaine Lindsey Vonn d’être la meilleure skieuse sur la planète durant plusieurs années.
C’est vrai que si elle avait été Suissesse, Française ou Italienne, tout aurait été plus simple. Ce sont des pays où la formation est organisée, où les jeunes sont bien encadrés.
«En tout, elles ne sont qu’une petite dizaine de filles dans ce groupe d’entraînement, pour cinq entraîneurs. Le cadre est donc idéal», reprend Roger. Ce dernier loue désormais un appartement à Soraga di Fassa, dans les Dolomites. Gwyneth, elle, continue ses études à distance, via l’Athénée royal de Bastogne.
Un coût de 30.000 euros par an
Mais tout cela coûte évidemment cher. «Une fortune même», sourit Roger ten Raa. «Entre les entraînements, le matériel, les voyages, les hébergements, etc., il faut compter 30.000 euros par an. Et il en est ainsi depuis quatre ou cinq ans. En rigolant, je dis souvent que si elle avait joué au football, tout aurait été beaucoup moins cher.»
Si ses filles (qui ont la double nationalité, luxembourgeoise et néerlandaise) étaient nées dans un autre pays aussi. «C’est vrai que si elles avaient été Suissesses, Françaises ou Italiennes, tout aurait été plus simple. Ce sont des pays où la formation est organisée, où les jeunes sont bien encadrés. Pour tenter d’arriver au plus haut niveau, il faut se frotter aux meilleurs, vivre à leur contact. Et tout cela coûte de l’argent. Avant, le COSL ne la connaissait pas. Aujourd’hui, c’est différent. On verra si cela peut nous apporter quelque chose.»
En attendant, Gwyneth ten Raa commence à intéresser quelques sponsors, dont le plus important se nomme… Bâloise. «Je me suis assuré que ce n’était pas à cause de moi qu’elle avait obtenu ce sponsoring», assure son papa. Atomic, une des plus grandes marques de matériel de ski, s’est aussi associée à elle.
S’il ne faut rien attendre d’elle sur ces JO de Pékin (elle a abandonné lors de la 1re manche du slalom géant et participera au slalom), si ce n’est d’y prendre du plaisir, la jeune Wiltzoise est très ambitieuse pour la suite de sa carrière. «Elle voudrait prendre part à des manches de Coupe d’Europe (soit l’antichambre de la prestigieuse Coupe du monde, ndlr) dès cette année. Puis à des épreuves de Coupe du monde l’an prochain», confesse encore son père. «Quand elle était toujours en Suisse, l’entraîneur national helvète disait qu’elle en avait le potentiel, notamment au niveau mental. De mon côté, la seule chose que je lui demande, c’est de faire les choses sérieusement. De les faire à 100%, histoire de ne pas avoir de regret.» Après, advienne que pourra…