Julie Noirhomme, co-présidente d’HRCommunity.lu, association des professionnels des ressources humaines au Luxembourg. (Illustration: Maison Moderne)

Julie Noirhomme, co-présidente d’HRCommunity.lu, association des professionnels des ressources humaines au Luxembourg. (Illustration: Maison Moderne)

Pour recruter, alors que les talents se font rares, les entreprises doivent plus que jamais renforcer leur marque employeur et explorer de nouvelles approches de gestion des compétences. La fonction RH doit pour cela évoluer. Plus stratégique que jamais, elle doit s’appuyer davantage sur les outils numériques.

C’est dans un contexte structurel de pénurie de candidats qu’évoluent les entreprises, quel que soit leur domaine d’activité. «L’économie luxembourgeoise reste très dynamique et exprime un fort besoin en ressources humaines pour grandir. Cependant, le taux de chômage n’a jamais été aussi bas, à l’échelon national comme dans les régions avoisinantes. De cette situation découle une intensification de la guerre des talents, au cœur de laquelle chacun cherche à attirer et à fidéliser les meilleurs collaborateurs, à développer les bonnes compétences», explique Julie Noirhomme, co-présidente d’HRCommunity.lu, association des professionnels des ressources humaines au Luxembourg. La problématique concerne aujourd’hui tous les profils, qualifiés ou non, aussi bien dans le domaine financier que dans le secteur de la construction.

L’économie luxembourgeoise reste très dynamique et exprime un fort besoin en ressources humaines pour grandir.
Julie Noirhomme

Julie Noirhommeco-présidenteHRCommunity.lu

Nouveaux besoins, attentes variées

«Les entreprises ont des besoins de plus en plus précis. Les candidats, d’autre part, ont des attentes personnelles élevées et variées, qui touchent aussi bien à la rémunération qu’au sens de la mission, à la culture d’entreprise et aux valeurs, aux conditions de travail, à la flexibilité… L’enjeu, pour les RH, est de parvenir à concilier l’ensemble. Pour cela, la fonction doit évoluer, s’élever pour se placer aux côtés du business, poursuit Julie Noirhomme. Nous sommes plus que jamais sollicités, aussi bien pour agir dans le contexte de crise que nous avons connu que dans la gestion des compétences et des collaborateurs.»

Le Luxembourg, c’est une chance, reste particulièrement attractif. Le pays figure dans le top 10 du Global Talent Competitiveness Index, établit par Insead, qui classe les pays selon leur capacité à attirer et à retenir les talents. «Le niveau de salaire aide à attirer les talents, tout comme les prestations sociales et le système de pension, qui sont avantageux», poursuit Julie Noirhomme. «Malgré ces atouts, les entreprises font face à un turn-over important. Beaucoup sont confrontées à des vagues de démissions dans un contexte post-Covid, avec des difficultés importantes à garder les équipes mobilisées et à les faire revenir au bureau.»

L’importance de la marque employeur

Quelles réponses les responsables RH peuvent-ils apporter face à ces enjeux? L’un des principaux défis, aujourd’hui, est de développer et renforcer la marque employeur, en travaillant notamment davantage avec le numérique. «La communication est plus importante que jamais», ajoute Julie Noirhomme. «Il faut soigner son image sur les réseaux, faire évoluer sa communauté, quantifier le nombre d’abonnés. Au-delà, c’est la manière d’entrer en relation avec les candidats, de créer du lien et d’entretenir une certaine proximité avec les talents présents dans la communauté qui évolue. Notre métier s’est considérablement transformé avec le numérique. Le Covid, particulièrement, a renforcé cette dynamique.»

L’amélioration de la marque employeur ne se limite pas à un profil impeccable sur les réseaux. Elle se traduit dans l’environnement de travail, à travers les collaborateurs, dans l’approche managériale. «Pour les jeunes, les valeurs et l’environnement de travail proposés sont des éléments particulièrement importants. Pouvoir répondre à leurs attentes implique de mettre en œuvre d’autres approches managériales. Il s’agit de proposer un cadre de travail épanouissant», explique Julie Noirhomme.

Investir dans le développement des compétences

Considérant les nouveaux besoins en compétences, un autre enjeu réside dans le reskilling ou l’upskilling des personnes déjà présentes dans l’entreprise. Pour la co-présidente d’HRCommunity.lu, si des initiatives sont prises dans ce sens par certains acteurs luxembourgeois, l’approche reste timide au Luxembourg. «C’est certainement un axe sur lequel il faut investir davantage à l’avenir. Considérant les besoins spécifiques qu’elles rencontrent et le marché de l’emploi actuel, les entreprises n’auront pas d’autres choix que d’investir elles-mêmes dans le développement des compétences», explique Julie Noirhomme. «L’on-boarding des talents, à ce niveau, pourrait être revu, avec dès le départ des programmes de formation facilitant l’intégration dans l’entreprise et l’acquisition de compétences spécifiques.»

L’humain, plus que jamais, est au centre de l’entreprise. Parce qu’un collaborateur heureux est plus performant.
Julie Noirhomme

Julie Noirhommeco-présidenteHRCommunity.lu

L’humain plus que jamais au centre

En matière de développement des compétences, un autre défi sera de pouvoir répondre aux enjeux techniques tout en étant attentif aux aspects comportementaux ou émotionnels. «L’humain, plus que jamais, est au centre de l’entreprise. Parce qu’un collaborateur heureux est plus performant, il faut être plus attentif que jamais au bien-être de chacun. La crise a particulièrement mis ces aspects en lumière. La gestion des émotions est un élément clé», explique Julie Noirhomme. «Il faut consacrer plus d’énergie à mesurer les émotions, à les comprendre, à les gérer. Dans cette optique, on peut aussi donner les moyens aux collaborateurs de mieux les comprendre et les appréhender, afin de leur permettre d’être mieux dans l’exercice de leur fonction.»

Au-delà des émotions, d’autres aspects vont contribuer au bien-être des employés: l’ambiance de travail, la qualité des relations professionnelles, les outils mis à disposition. Le bureau, dans ce contexte, doit devenir un lieu de rencontre, où l’on peut s’épanouir. «D’autres compétences cognitives, comme la créativité, la pensée critique, la communication, la coopération gagnent en importance, explique Julie Noirhomme. Il faut trouver les moyens de les développer ou de les renforcer au regard des besoins de l’entreprise.»