Luc Neuberg, chairman of the board of directors de l’Alrim (Luxembourg association for risk management). (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Luc Neuberg, chairman of the board of directors de l’Alrim (Luxembourg association for risk management). (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Débat public. – Les trois principales ressources utilisées par les acteurs de la finance sont le capital, les ressources humaines et les données. Pour schématiser les métiers de la finance à l’extrême, le capital fourni par des investisseurs est transformé par des ressources humaines qui s’appuient sur des données. 

Luc Neuberg, chairman of the board of directors de l’Alrim (Luxembourg association for risk management), est l’auteur de cette carte blanche, un «débat public» publié dans le numéro de décembre 2022 du magazine Paperjam.

Il s’agit à la fois d’informations financières et extra-financières relatives aux marchés financiers, aux entreprises ainsi qu’aux états. Mais qui sont les protagonistes de ces données financières et extra-financières? Ce sont principalement des acteurs américains tels que Bloomberg, MSCI, Stoxx, mais également les trois grandes agences de notation S&P, Moody’s et Fitch qui dominent pratiquement l’entièreté du marché.

À titre anecdotique, signalons que Michael Bloomberg, avec une fortune estimée à 82 milliards d’USD, est classé selon Forbes en 2022 comme la seizième personne la plus riche du monde. Il est l’un des acteurs les plus puissants de la planète finance et leader mondial des fournisseurs de données.

Les données ESG: nouvel eldorado des fournisseurs

De nombreux articles de presse traitent de l’inquiétude des acteurs de la finance quant à la flambée des prix de ces données. Les données ESG sont en train de devenir le nouvel eldorado des fournisseurs, conséquence directe de la pression des régulateurs dans la prise en compte des critères de finance verte et durable dans les stratégies des entreprises.

Dans une publication du 31 octobre 2022, le Financial Times soulève les prix des indices financiers devenus souvent exorbitants. Néanmoins, force est de constater une relative passivité des acteurs européens, qui semblent résignés à la domination des fournisseurs américains.

Est-ce lié à la peur du changement? Ou alors à la conviction qu’il n’est pas possible de changer? Ce comportement est assez équivalent à celui du marché où il est souvent difficile d’être le premier vendeur… même si on est convaincu d’un crash imminent. 

«In fine, ce sont toujours les investisseurs qui paient les frais»

L’oligopole des principaux fournisseurs de données a bien entendu une incidence directe sur la tarification, via notamment un mécanisme de formation des prix trop souvent non transparent, ainsi que de possibles abus de position dominante. La Financial Conduct Authority (FCA) du Royaume-Uni a récemment mené une enquête sur les «accords de licence inutilement complexes» des principaux fournisseurs d’indices de référence, pouvant entraîner une hausse des prix pour les utilisateurs.

N’oublions pas qu’in fine, ce sont toujours les investisseurs qui paient les frais. La baisse de la parité euro/dollar a bien entendu accentué la croissance de ces coûts. Face à la position dominante des protagonistes, il est pratiquement impossible de négocier les tarifications imposées.

L’Europe a tous les atouts pour affirmer son indépendance

 Est-on devant une impasse? La guerre est-elle déjà perdue pour l’Europe? Non, mais il est temps de se réveiller et de ne plus promouvoir ces oligopoles américains. Comment? En considérant par exemple les alternatives européennes. 

Les autorités européennes ont déjà réagi, tant du côté des agences de rating régulées par l’ESMA, que du côté des fournisseurs d’indices régulés par les autorités nationales dans le cadre de la règlementation «Benchmark». L’ESMA liste plus de 30 agences de rating, et beaucoup de fournisseurs d’indices autres que les acteurs américains. Soulignons les travaux récemment engagés au niveau de la Commission européenne pour une harmonisation progressive des notations ESG. 

 L’Europe a tous les atouts pour affirmer son indépendance face aux oligopoles américains. Nous avons les ressources humaines, les investisseurs, et les fournisseurs de données. Il suffit que nous acceptions de changer de perspectives.

Cette carte blanche a été rédigée pour l’édition magazine de Paperjam du mois de décembre 2022 parue le 23 novembre 2022. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam.

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