Juillet 2017. Confrontée à une menace de 15 jours de grève, au début des vacances estivales, British Airways fait appel, via sa société mère International Group, à Qatar Airways pour pallier les défections de son équipe et assurer les départs en vacances de ses clients. C’est là, il y a cinq ans, que naît l’idée d’une compagnie aérienne européenne qui serait capable d’apporter une offre de services (avions, pilotes et équipages) à des compagnies qui en auraient ponctuellement besoin.
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Avec 35 ans d’expérience dans l’aviation comme commandant de bord et examinateur au sein de la Marine nationale française, de compagnies aériennes low cost, charters et nationales en Europe, en Afrique, en Asie, au Moyen-Orient et dans le Pacifique, Patrick Thierry se lance dans une étude de marché: existe-il des ACMI (aircraft, crew, maintenance and insurance) de qualité en Europe?
Pas d’ACMI de qualité en Europe
«Il en existait une au Portugal et quelques-unes plutôt situées en Europe de l’Est», commente le CEO de FlyLux Airlines, à l’issue d’une réunion de travail chez House 17 mi-juin. Aujourd’hui, selon les analystes de Market Monitor Global, il faut s’intéresser aux deux AMCI portugaises, Hi Fly (4e du top 10 mondial avec ses 17 Airbus) et EuroAtlantic Airways (7e avec 8 Boeing et plutôt sur des liaisons euro-atlantiques), et à cinq autres sociétés en Europe: SmartLynx Airlines (2e du top 10 à Riga en Lettonie avec ses 33 Airbus), Air Atlanta Icelandic (5e en Islande avec 16 Airbus et Boeing à la moyenne d’âge de 24 ans), GetJet Airlines (8e en Lituanie avec 8 Airbus et Boeing) et Avion Express (9e en Lituanie avec 5 Airbus et Boeing et une filiale à Malte qui exploite 8 avions).
De bons pilotes qui veulent voler sur de beaux avions, il y en a plein!»
«Non seulement les Airbus Neo n’existaient pas à l’époque. Les compagnies ACMI n’ont pas d’Airbus Neo mais des avions assez anciens qui privilégient le prix de location bas en ayant recours à des équipes qui ont un turnover élevé parce qu’elles sont sous-payées. Soit des jeunes pilotes qui ont besoin d’heures de vol, soit de vieux pilotes qui ont besoin de finir leur carrière», explique cet expert de l’aviation, «mais il y a un gros besoin environnemental et un gros besoin de qualité. Un besoin, pour des compagnies d’envergure nationale, d’ajouter des capacités dans un environnement de qualité. Le rayonnement va aller un peu plus loin que l’Europe.»
L’A320 Neo rebat les cartes
Le premier A320 Neo vole sur un trajet provisoire début janvier 2016 (en attendant qu’arrivent ses nouveaux réacteurs commandés à General Electric et Safran), mais l’attente du marché est énorme: «L’A320 Neo consomme 20% de carburant en moins, coûte 14% de frais d’exploitation en moins et 5% de frais de structure en moins, avec l’avantage pour le Luxembourg d’être près de l’Allemagne pour la maintenance et près de la Belgique pour la formation continue des pilotes. Les Neo ne sont pas tellement plus chers que les autres parce qu’en raison du Covid, les compagnies aériennes n’ont pas de cash.»
Depuis six mois, les entrepreneurs derrière le projet ont commencé à demander leur licence d’exploitation et leur certificat de transport aérien, luxembourgeois tous les deux. Les avions seront immatriculés au Luxembourg et les contrats de travail au Luxembourg. En espérant voler au début de l’automne. Un peu après les besoins actuels des compagnies aériennes. «On ne peut pas s’en vouloir de monter une belle compagnie avec de beaux partenaires», commente-t-il en reconnaissant que ce printemps aurait été le moment idéal.
, faute de personnel suffisant après avoir dégraissé pendant le Covid, FlyLux Airlines assure avoir les ressources humaines dont elle a besoin. «De bons pilotes qui veulent voler sur de beaux avions, il y en a plein! Les nôtres ont de l’expérience dans des compagnies majeures», commente encore M. Thierry. «Le Covid a fait que beaucoup de compagnies aériennes ont fait des contrats de travail très en dessous du marché. Comme nous n’avons pas deux ans et demi de crise derrière nous, nous avons plus de marge de manœuvre.»
Une quinzaine de clients déjà intéressés
«Nous sommes allés voir des clients potentiels, nous avons regardé les avions disponibles et nous avons construit le modèle», dit-il. Ce projet est pour le moment évalué à 2,6 millions d’euros, mais son enveloppe sera réévaluée jusqu’à 100 millions d’euros – «dont une partie déjà sécurisée», assure le nouveau CEO – en fonction de ses débuts et de ses ambitions. Aujourd’hui, 14 clients ont déjà manifesté fermement leur intérêt alors qu’une compagnie nationale serait intéressée par la location d’un avion pour deux ans.
Je suis content d’entrer dans une structure moderne, qui veut avoir un impact environnemental.
Mi-juin, les entrepreneurs derrière la compagnie ont installé Idrisse Ahamed comme administrateur et président d’honneur du conseil d’administration. Fondateur, CEO et aujourd’hui président du conseil d’administration de , qui oscille entre ingénierie, travaux d’infrastructures et investissements, M. Ahamed est aussi fondateur de la Maison méditerranéenne du climat à Tanger, au Maroc, et a été jusqu’à récemment conseiller du ministre comorien des Affaires étrangères, Comores où il a occupé différents postes près du pouvoir. Juste pour l’anecdote, notons que son vice-président du conseil d’administration au Groupe A est une autre personnalité connue au Luxembourg: Bruno Théret est conseiller d’ArcelorMittal et membre du conseil consulaire des Français du Luxembourg.
«Je suis content d’entrer dans une structure moderne, qui veut avoir un impact environnemental. Cela fait 20 ans que je suis entrepreneur et, bien sûr, j’ai connu des succès et des échecs. J’ai commencé par l’ingénierie pour des travaux d’infrastructures avant d’avancer vers des activités d’investissement. Je suis aussi passionné d’aviation», a -t-il expliqué au côté du CEO de la jeune entreprise.
Selon le document publié au registre du commerce, outre M. Thierry, le seul actionnaire jusqu’ici, Eric Bonafini a été nommé directeur financier. Celui que l’on connaît au Luxembourg comme le fondateur de l’École du vin Luxembourg, est à la tête depuis 2012 d’une société de conseil stratégique en création d’entreprise, OBS. À ses côtés, on retrouve Pat Gemmer, pilote à la retraite, notamment de l’ex-West Air Luxembourg, qui devient administrateur et directeur opérationnel de la société. Enfin, l’Israélien , expert en droit de l’aviation, est nommé avocat mandataire.
Du côté de Groupe A, son avocat, David Calfoun, dit considérer comme confidentielles les données sur le chiffre d’affaires de son groupe et son bénéfice. «Le site internet du groupe n’est pas à jour en temps réel. Il se peut donc qu’il y ait un décalage dans l’information», fait-il savoir.