Investissements – Les crédits aux grandes fortunes servent notamment à financer des achats immobiliers. (Photo: Shutterstock)

Investissements – Les crédits aux grandes fortunes servent notamment à financer des achats immobiliers. (Photo: Shutterstock)

Les taux bas modifient le comportement bancaire. À la recherche de nouvelles sources de revenus, les banques octroient de plus en plus de crédits aux clients fortunés. Au point de donner naissance à une nouvelle «industrie».

On ne prête peut-être pas qu’aux riches, mais on leur prête aussi. Depuis deux ou trois ans, les grandes banques commerciales de la Place l’admettent, le crédit aux personnes fortunées dans le segment de la banque privée gagne en importance. Avec la baisse des taux d’intérêt qui ne fait que de se prolonger dans le temps, les banques sont contraintes d’actionner de nouvelles manettes pour dégager d’autres sources de revenus. Et le crédit aux grandes fortunes fait désormais partie de la solution.

«Cette pratique existe depuis des siècles. Elle part du principe de ne pas sacrifier un actif pour réaliser un nouveau projet », convient Jonathan Widart, head of lending specialists private banking chez ING Luxembourg. Mais il note aussi que, depuis 2015, le crédit en banque privée connaît de plus en plus de succès, reflet du changement de profil des clients depuis une dizaine d’années.

Les personnes dont la fortune était avant tout liée à une transmission de génération en génération, et dont l’objectif principal était la préservation du patrimoine, ont cédé peu à peu la place à des entrepreneurs qui ont su faire fructifier leur affaire, voire l’ont revendue. «Pour cette nouvelle catégorie de clientèle, le crédit n’est pas choquant, poursuit le responsable d’ING. Elle affiche un réel appétit pour le crédit, encore aiguisé par les taux bas actuels.»

Certains clients donnent en garantie leur portefeuille d’actifs financiers pour financer une acquisition immobilière, ce qui leur permet d’économiser les coûts d’hypothèque et de bénéficier d’un financement de leur projet à 100%.

Lug Pecastaingshead of private banking creditsBanque de Luxembourg

À la Banque de Luxembourg, le crédit hypothécaire a toujours été pratiqué. Mais depuis quelques années, cette activité s’est fortement développée, au point de devenir un des cinq métiers stratégiques de la banque. Pour Lug Pecastaings, head of private banking credits, «le crédit est désormais indispensable dans l’accompagnement de nos clients au sein de notre gamme de solutions de banque privée. Il serait impensable aujourd’hui de proposer à nos clients privés un service à haute valeur ajoutée sans disposer d’un arsenal de solutions de crédits innovantes et sur mesure.»

Outre les taux bas et l’intérêt pour les clients de laisser leur argent investi dans les solutions de gestion d’actifs déjà mises en place avec la banque, qui génèrent un rendement supérieur au coût du crédit, il note que «certains clients donnent en garantie leur portefeuille d’actifs financiers pour financer une acquisition immobilière, ce qui leur permet d’économiser les coûts d’hypothèque et de bénéficier d’un financement de leur projet à 100%.»

Plus qu’en Suisse et Monaco

Mais si l’Europe entière vit actuellement dans un contexte de taux bas qui oblige les banques à innover et pousse les investisseurs à s’endetter, vu la quasi-absence de taux d’intérêt, la Place luxembourgeoise semble particulièrement bien tirer son épingle de ce jeu. «Une véritable industrie du crédit en banque privée s’est développée au Luxembourg depuis une dizaine d’années, pointe Jonathan Widart. Aujourd’hui, on peut même affirmer qu’elle a dépassé la Suisse et Monaco, parce qu’elle a su voir des opportunités là où d’autres ont vu des contraintes dans les nouvelles réglementations européennes.» Il observe qu’au Luxembourg, de nombreuses banques privées peuvent offrir ce service parce qu’un véritable know-how a été développé. Un avantage en capital humain qui attire les grandes fortunes étrangères.

C’est, par exemple, devenu un véritable enjeu dans l’octroi de crédits immobiliers à l’étranger depuis qu’une nouvelle directive européenne de 2014 – Mortgage Credit Directive –, transposée en droit luxembourgeois en 2016, impose qu’un emprunteur soit traité selon le droit de son pays de résidence. Or, des différences peuvent apparaître entre les différentes juridictions européennes (droit de rétractation, frais de dossiers, etc.), ce qui rend les financements immobiliers transfrontaliers plus complexes.

À la Banque de Luxembourg, nous avons ainsi développé des compétences dans les financements octroyés aux non-résidents, mais également aux résidents luxembourgeois qui souhaitent acquérir des biens immobiliers à l’étranger.

Banque de Luxembourg

Résultat: de nombreuses banques ne veulent plus prendre le risque juridique d’accorder des prêts à des non-résidents luxembourgeois ou pour financer des biens à l’étranger. «À la Banque de Luxembourg, nous avons ainsi développé des compétences dans les financements octroyés aux non-résidents, mais également aux résidents luxembourgeois qui souhaitent acquérir des biens immobiliers à l’étranger, notamment en France, en Belgique, en Allemagne et au Royaume-Uni (provisoirement en tout cas)», explique son responsable crédits. Une spécialité aussi pratiquée chez ING et qui attire des nouveaux clients de l’étranger.

Dans quels types de projets sont investis les fonds obtenus? Chez ING Luxembourg, Jonathan Widart pointe en priorité l’immobilier de rapport, les investissements en private equity et les achats passion (œuvre d’art, voitures anciennes, résidence secondaire). Lug Pecastaings, quant à lui, cite aussi les achats plaisir, ainsi que les acquisitions immobilières réalisées dans une optique de transmission. Mais avec ces clients-là, on ne met pas en place un plan de remboursement mensuel, on décide ensemble d’une date de remboursement. Question de garanties disponibles, donc de confiance.