25% des salariés veulent quitter leur emploi au Luxembourg, selon PwC, contre 15% en France et 13% en Belgique. (Photo: Shutterstock)

25% des salariés veulent quitter leur emploi au Luxembourg, selon PwC, contre 15% en France et 13% en Belgique. (Photo: Shutterstock)

La «grande démission» est ce phénomène né aux USA qui pousse un salarié à démissionner de manière abrupte, sans que son employeur ait vu le coup venir. Avec un marché de l’emploi sous tension, des freins au télétravail et un problème de logement, le Luxembourg est aussi concerné.

Aux États-Unis, pays où le phénomène est né, 48 millions de salariés ont démissionné en 2021 et environ 4 millions par mois en 2022, selon plusieurs sources internationales. Ce qu’on a baptisé «grande démission» consiste à quitter son employeur de manière abrupte, sans que celui-ci ait pu voir venir le coup. Jusqu’à il y a peu, l’Europe avait échappé à cette tendance, mais plusieurs pays font exception, dont la France avec une hausse des ruptures de CDI de 20% en 2021, expliquait voici peu Europe 1.

Le Luxembourg est pour sa part considéré comme un pays à risque. Notamment car son marché de l’emploi est tendu, avec une forte demande. Mais aussi parce qu’il est handicapé par le prix des logements, les problèmes de transport…

Un salarié luxembourgeois sur quatre juge d’ailleurs «très» ou «extrêmement élevée» la probabilité de changer d’employeur dans les 12 mois au Luxembourg, selon une étude de PwC et menée auprès d’environ 1.200 salariés par État. Ce qui en fait tout simplement le pays européen le plus concerné par ces envies d’ailleurs.

L’Adem, de son côté, ne dispose pas de chiffres sur ce sujet.

Une question de salaire

La fédération de recrutement FR2S (Federation for Recruitment, Search & Selection) constate pour sa part que «les salariés quittent leur job pour un oui ou pour un non». Sa coprésidente, Nathalie Delebois, détaille: «S’ils n’ont pas l’augmentation salariale qu’ils souhaitent, ils vont voir si l’herbe est plus verte ailleurs.»

Les postes recherchés par les entreprises «ne sont pas des créations, mais des remplacements». Elle explique ce mouvement de départs et d’arrivées de salariés par un marché du travail «plus dynamique que dans les autres pays européens» et largement favorable aux candidats. , le Luxembourg comptait 13.599 postes vacants fin juin, un nombre record, en hausse de 39,7% en un an.

À la recherche de flexibilité

Cette dynamique du marché et la position de force occupée par les employés par rapport aux employeurs pousse donc à souhaiter améliorer son revenu salarial. D’autant que l’inflation appauvrit nombre de travailleurs.

Les pays où l’indexation des salaires est automatique selon l’évolution de différents indices, comme la Belgique, semblent moins touchés par la «grande démission». Le  pousse-t-il les employés luxembourgeois à chercher un meilleur salaire ailleurs? Non, selon Nathalie Delebois. «Les candidats veulent un salaire plus élevé, mais s’il n’y a pas d’index (au niveau national, ndlr), cela concerne tous les employeurs.» Même si les augmentations de salaire peuvent être plus ou moins fréquentes d’une entreprise à l’autre, certaines disposant de conventions collectives qui prévoient des hausses selon l’ancienneté, par exemple.


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Mais pour Nathalie Delebois, le phénomène, déclenché par la crise du Covid, est générationnel. «Il y a une quête de sens et d’équilibre.» D’où des difficultés plus importantes à recruter dans des secteurs comme la restauration: «Les jeunes ne veulent plus travailler le week-end.»

«Nous demandons systématiquement aux entreprises combien de jours de congé elles offrent, leur politique de télétravail, ce que nous ne faisions pas avant», illustre la recruteuse.

Quand le Luxembourg perd en attractivité

Elle craint que viennent exacerber la situation. «Un comptable de Metz sera plus enclin à accepter un poste à Paris, où il pourra faire plus de télétravail.»

Autre problématique, le logement. «Des frontaliers veulent rentrer en France, passer deux heures dans la voiture ne les intéresse plus. Si l’accès au logement était plus facile, ils migreraient vers le Luxembourg.»

Une perte d’attractivité du pays que confirme Isabelle Pigeron-Piroth, chercheuse à l’Université du Luxembourg, spécialiste du marché du travail transfrontalier. «Il est possible que le défi démographique, avec les importants besoins de main-d’œuvre dans toutes les composantes de la Grande Région, voie le retour d’un certain nombre de frontaliers dans leur pays de résidence. Surtout si on tient compte des soucis de mobilité, du prix des carburants et des réformes fiscales qui conduisent à une hausse des impôts des frontaliers.»

Le Grand Est semble d’ailleurs particulièrement touché par la vague de démissions. comptent 2.080 entrées de demandeurs d’emploi après une démission, soit une hausse de 5,6% en un trimestre et de 31,6% en un an. , elles augmentent de 2,1% en un trimestre et de 29,8% en un an. Alors que les entrées de chômeurs après licenciement, dans les deux cas, diminuent.

Reste à savoir si ne va pas, à l’inverse, freiner ces démissions pour plus de sécurité. «Je ne sais pas, mais pour le moment, c’est de la folie», termine Nathalie Delebois.