À l’ouverture du salon Vivatech à Paris, le nouveau stand du Luxembourg grouille de monde. Des entrepreneurs. Des visiteurs. Des curieux. Une visite guidée. Des représentants du ministère de l’Économie, de Luxinnovation ou encore de la Chambre de commerce. Et une délégation de Jeju, province coréenne de 678.000 habitants à peine plus petite que le Luxembourg et qui ambitionne de devenir une île décarbonée d’ici 2030.
L’équipe de Young Chul n’est pas là par hasard: le CEO de JDC doit signer avec le Technoport un partenariat inédit, sous les yeux du ministre de l’Économie, (LSAP). «Nos deux pays partagent des valeurs et des ambitions communes dans de nombreux domaines, notamment en matière d’innovation, de start-up et de technologies numériques. Je salue donc la signature de ce protocole d’accord qui renforce encore notre collaboration et nous permettra d’accompagner les jeunes entrepreneurs et d’encourager l’innovation dans nos deux pays. Il s’inscrit parfaitement dans nos ambitions stratégiques pour le développement de l’écosystème start-up au Luxembourg», dit le ministre, tout sourire, au moment d’être le meilleur ambassadeur du pays.
Avec un marché à 250 milliards d’euros par an, même si je ne vise que 10% du marché mondial, il y a une belle carte à jouer. On pourrait faire cela dans notre garage et ne rien partager… mais cela ne va pas changer le monde.
Après la dernière mission commerciale officielle en Corée du Sud en novembre 2022, les deux incubateurs d’entreprises technologiques ont décidé de mutualiser leur développement dans des domaines comme l’industrie 4.0, la nouvelle mobilité ou les chaînes de valeur connexes.
Des matériaux renouvelables et moins lourds
Loin d’être un nouveau partenariat pas très concret, le rapprochement a déjà une conséquence très positive: Gradel, active depuis une trentaine d’années dans le domaine de la production de robots, a tellement intéressé un fournisseur coréen d’intelligence artificielle et d’informatique quantique, Data Design Engineering, que les deux entreprises ont commencé à travailler avec l’incubateur coréen.
«Depuis quatre ou cinq ans», explique le directeur de Gradel, Claude Maack, qui a aussi fait le déplacement à Vivatech, «nous avons développé une technologie qui permet d’industrialiser un processus de fabrication, Gradel Robotic Editive Manufacturing, qui prend des fibres qu’on imprègne sur un robot à six axes. Nous faisons des pièces complexes en 3 D. Ensuite, nous coupons la fibre, donc nous n’avons pas de déchet. J’utilise très peu de ressources. Je peux réduire le poids de 50 à 70% en utilisant des matières renouvelables. Le List est en train de nous développer une résine particulière qui a des caractéristiques comme du thermoplast et il y a une très grande tendance d’aller vers ces matériaux dans l’aviation ou dans l’automobile, parce qu’on peut recycler. Et quand on combine tout cela, le plus léger possible avec des matériaux recyclables, nous avons une technologie qui peut avoir un impact pour combattre le changement climatique. Nous réduisons l’énergie primaire et les ressources dont nous avons besoin.»
«Nous devrions créer une coentreprise en Corée», explique-t-il. «Cela nous permet de vendre notre technologie sous licence et de pouvoir pénétrer le marché asiatique.» À son business luxembourgeois, le dirigeant développe une nouvelle ligne à partir de la production automatisée de matériaux du futur, entièrement recyclables, plus léger de 70% et tout aussi sûrs… qui intéressent l’industrie aéronautique, le spatial voir le secteur automobile, avec lequel l’entreprise finalise ses premiers deals.
15 à 20 millions à trouver pour la croissance
«Nous avions 12 millions d’euros pour financer nos premiers pas, dont des aides de l’État luxembourgeois et de l’Agence spatiale luxembourgeoise et un prêt auprès de la SNCI. Nous discutons avec le Conseil européen de l’innovation, qui offre aussi des possibilités de financement, en attendant d’être rentables.» Un break even que Claude Maack situe autour de 2025.
Ce cas est aussi très intéressant sous une autre perspective. Après le financement initial puis le seed (amorçage en français), les entrepreneurs innovants luxembourgeois ont parfois du mal à scaler, à croître rapidement, faute de capital à un autre niveau. En l’occurrence ici, la nouvelle enveloppe à trouver à moyen terme tourne entre 15 et 20 millions d’euros.
«Imaginez, notre technologie est parfaitement en ligne avec les ambitions luxembourgeoises en matière environnementale. Si je considère que le marché atteindra d’ici quelques années 250 milliards d’euros par an, même si je ne vise que 10% du marché mondial, il y a une belle carte à jouer. On pourrait faire cela dans notre garage et ne rien partager… mais cela ne va pas changer le monde. Une croissance annuelle de 8%, rien que cela, nous permet de donner notre know how à d’autres, sur un modèle payant à imaginer avec d’autres sociétés. Nous avons une petite production de machines uniques sur 600m2. L’année prochaine, nous ajouterons 2.800m2, pour que nous apprenions de nos machines, pour les optimiser. Nous vendrons des machines et du logiciel avec.»
«Il y a très très peu de gens qui ont industrialisé ce que nous avons réussi à industrialiser en collaboration avec l’Agence spatiale européenne, Thales, Airbus et OHB. Nous avons commencé avec le spatial. En modifiant la résine et différentes choses, nous avons vu que nous pouvons avoir un impact dans de nombreux secteurs», conclut-il presque à la hâte, rappelé par le protocole et ses nouveaux amis coréens.