Michel Reckinger: «Je ne corresponds certainement pas au ­cliché du vilain patron qui roule en Ferrari et possède un yacht, comme le suggère le ministre Dan Kersch (LSAP).» (Photo: Andres Lejona/Maison Moderne)

Michel Reckinger: «Je ne corresponds certainement pas au ­cliché du vilain patron qui roule en Ferrari et possède un yacht, comme le suggère le ministre Dan Kersch (LSAP).» (Photo: Andres Lejona/Maison Moderne)

Michel Reckinger, actuel président de la Fédération des artisans, deviendra le 1er janvier 2021 président de l’Union des entreprises luxembourgeoises (UEL). Rencontre avec un entrepreneur pragmatique qui incarne depuis 23 ans la 4e génération à la tête de l’entreprise familiale Reckinger.

Quand vous êtes-vous rendu sur un chantier pour la dernière fois?

– «Les journées sans visites de chantiers sont rares. Je suis le patron d’une entreprise artisanale de 300 personnes. En tant que tel, je suis la personne de contact aussi bien pour mes salariés que pour les clients. Je fais cela depuis 20 ans et n’ai donc pas de réticence à aller sur les chantiers, accueillir les clients, ­résoudre des problèmes et donner des conseils.

Lorsque vous avez repris la société de votre père, était-ce un rêve ou une obligation?

«Nous n’avons jamais parlé d’une éventuelle reprise avec mon père. J’ai grandi dans l’entre­prise. Nous habitions au 2e étage, au-dessus des bureaux. Les ateliers se trouvaient derrière notre maison. Mon père n’a jamais insisté pour qu’un de ses trois enfants reprenne la ­société. Cela s’est fait de manière naturelle. Après mes études d’ingénieur, suivies d’un MBA, il m’a tout simplement proposé de le rejoindre dans l’entreprise, et j’ai accepté.

Vous n’avez pas étudié dans le but de reprendre les rênes de l’entreprise familiale?

«À Esch, l’Arbed était l’endroit où tous les ingénieurs voulaient travailler. Les hauts-fourneaux, les aspects technologiques me passionnaient…

Chef d’entreprise et président de la Fédération des artisans durant 5 ans, vous allez devenir, en janvier, le président de l’Union des entreprises. Êtes-vous un bourreau de travail?

«Honnêtement… non, absolument pas! Je travaille certainement beaucoup, mais j’adore ce que je fais. Je ne considère cela aucunement comme du travail. J’adore mon métier ­d’ingénieur, résoudre des problèmes et développer des solutions. À la Fédération des ­artisans, c’est l’aspect politique qui me motive: débattre, trouver des solutions pragmatiques, faire avancer la cause de l’artisanat. J’espère que ma nouvelle fonction en tant que président de l’UEL me plaira autant. Si c’est le cas, ce ne sera pas du travail non plus, mais un réel plaisir.

Quel type d’entrepreneur êtes-vous?

«Je ne corresponds certainement pas au ­cliché du vilain patron qui roule en Ferrari et possède un yacht, comme le suggère le ministre (LSAP). J’ai un petit véhicule électrique, et à la maison, je vis avec ma ­famille et un réfugié que nous avons accueilli. J’ai un rapport un peu particulier à la vie. En tant qu’entrepreneur, c’est pareil. Je privilégie l’approche participative, je veux entraîner les gens autour de moi, les prendre là où ils sont et les aider à donner le meilleur d’eux-mêmes. Mon entreprise est comme ma famille, et ma porte est toujours ouverte.

Nous sommes face à la 2e vague de Covid-19. Quelle note donnez-vous au gouvernement?

«Dans cette situation de crise, le gouvernement consulte largement pour garder le contrôle de la situation et ne verse pas dans l’activisme. Par rapport à la deuxième vague, ils ­méritent même un 10/10. Il fallait oser aller à l’encontre de nos voisins qui ont mis en place des confinements plus ou moins durs. Favoriser la ­distanciation sociale, forcer le dépistage sans arrêt brutal de la vie sociétale et économique étaient pour moi la bonne décision.

Le travail des indépendants porte notre ­société, et ne pas les considérer dans le cadre du chômage partiel est une Sauerei, un vrai gâchis!
Michel Reckinger

Michel ReckingerFutur président de l’UEL

Dans le contexte actuel, est-ce que vous recommanderiez à des jeunes de s’aventurer à devenir indépendants?

«Être indépendant est le meilleur choix professionnel que je puisse imaginer. Faire ce qu’on a envie de faire, même s’il y a de nombreuses contraintes, offre une grande satisfaction.

D’un autre côté, la crise a montré à quel point nous sommes vulnérables en tant qu’indépendants, et elle a également révélé le peu de soutien dont on bénéficie au niveau politique. Aucun autre membre du gouvernement ne s’est levé pour s’opposer à Dan Kersch* (ministre du Travail, ndlr).

Le travail des indépendants porte notre ­société, et ne pas les considérer dans le cadre du chômage partiel est une Sauerei, un vrai gâchis!

Êtes-vous déçu que les différents partis politiques n’aient pas pris davantage la défense des indépendants?

«On a constaté que les déclarations de M. ­Kersch à l’égard des indépendants n’ont pas été contestées par d’autres membres du gouvernement. C’est parlant.

En ce qui concerne les aides directes pour les indépendants, on peut dire que les ambitions du gouvernement étaient assez modestes.

Le chômage partiel aurait vraiment aidé les indépendants, qui alimentent les caisses ­sociales au même titre que les salariés. Au ­final, c’était une décision politique prise au détriment des indépendants.

En ce qui concerne le chômage partiel en tant qu’instrument de maintien de l’emploi, je suis d’avis qu’il devrait être allongé dans la durée, accessible le plus largement à tous les secteurs et de la manière la moins compliquée possible pour ne pas poser de barrières artificielles aux petites entreprises.

D’ailleurs, c’est intenable que nos ­employés aient droit au chômage partiel à hauteur de 80% de leur salaire, alors que les employés des communes et fonctionnaires publics ­bénéficient d’une dispense et doivent rester à la maison tout en étant rémunérés à 100%. Ceci pourrait tout à fait faire l’objet d’une discussion avec le syndicat de la fonction publique sur une application plus large du principe d’égalité. Contrairement à ce que dit la CGFP, il ne s’agit pas d’une affaire de jalousie, mais d’un vrai débat d’égalité sociétale que j’entends mener.

D’où vient l’essentiel de notre richesse? De l’industrie bancaire et financière. La place financière doit rester attractive et compétitive, sinon les activités risquent de se délocaliser.
Michel Reckinger

Michel ReckingerFutur président de l’UEL

Toutes les mesures mises en place pour lutter contre le Covid-19 feront que la dette publique passera à 27,4% du PIB cette année. Que pensez-vous de la politique de relance du gouvernement?

«On n’a qu’une seule chance de stabiliser l’économie. Si l’activité s’affaisse, les recettes fiscales vont s’effondrer, et le gouvernement risque de ne plus disposer d’une marge de manœuvre pour mener des politiques volontaristes. Dans la situation actuelle, on peut comprendre que l’on doive avoir recours à la dette pour combattre les effets de la pandémie.

(DP), le ministre des ­Finances, ne veut cependant pas que la dette publique dépasse 30% du PIB. C’est important, et même nécessaire, de ne pas se surendetter. Or, nous ne savons pas combien de temps cette crise durera, ni si nous aurons encore besoin du chômage partiel dans 6 mois, ou si un retour à la normale sera possible. En fin de compte, il est moins coûteux d’investir dans le chômage partiel et dans le maintien des emplois que de payer des allocations ­chômage. Ne rien faire et ne pas investir n’est pas la solution.

Comment jugez-vous les aides aux PME?

«Globalement, on peut dire que le gouvernement a mis en place tout un arsenal d’aides et de mesures de soutien qui ont permis à la plupart des entreprises de tenir le coup jusqu’à présent, même si elles sont fortement fragilisées.


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Pour les secteurs les plus lourdement ­touchés, comme l’horeca et l’événementiel, le ­gouvernement a annoncé de nouvelles aides qui prennent en compte l’ensemble des charges qui doivent être supportées par les entreprises. Cela correspond à ce que l’on avait demandé.

Toujours est-il que de très nombreuses ­entreprises resteront encore fragiles pour longtemps, car aucune aide ne pourra compenser la baisse de chiffre d’affaires et le manque à gagner auxquels nous sommes confrontés actuellement.

Qui dit ralentissement économique dit moins de production, moins d’impôts, moins de recettes pour l’État: d’où doit venir l’argent?

«Le business model au Luxembourg, basé sur une économie financière, est toujours porteur. Si peu de PME vont payer des impôts parce qu’elles ne réaliseront pas de bénéfices, ceci ne sera pas le cas – en tout cas pour cette année – du secteur bancaire en ce qui concerne les fonds d’investissement, qui continueront à générer des profits. D’où l’importance ­d’arrêter de dénigrer notre industrie bancaire!

Ne scions pas la branche sur laquelle nous sommes assis! D’où vient l’essentiel de notre richesse? De l’industrie bancaire et financière. La place financière doit rester attractive et compétitive, sinon les activités risquent de se délocaliser.

Un autre angle de relance est d’adopter un modèle économique plus durable. Les ­énergies renouvelables et l’écologie seront des secteurs porteurs dans lesquels nous devons être des précurseurs.

Je ne pense pas qu’augmenter des impôts ou créer de nouveaux impôts va résoudre un seul de nos problèmes.
Michel Reckinger

Michel ReckingerFutur président de l’UEL

De quelle manière votre entreprise a-t-elle été affectée par la crise sanitaire du Covid-19?

«Comme nous faisons du dépannage, nous avons pu continuer à travailler avec une ­partie du personnel pendant le confinement. Beaucoup de salariés étaient en congé maladie, en quarantaine ou ont pris des congés pour raisons familiales, ce qui fait que ­l’organisation du travail est devenue une opération très fastidieuse.

Le télétravail est certainement une bonne option dans certains secteurs, mais pas dans l’artisanat où tout dépend des équipes sur le terrain.

Dans votre entreprise, les processus de travail étaient-ils à jour, ou avez-vous eu besoin de digitaliser davantage?

«La crise sanitaire n’a pas changé la donne. Notre facturation est déjà entièrement ­digitalisée. Disons que le processus de digitalisation a été accéléré.

La baisse brutale de l’activité a aussi eu de bons côtés. Je me réjouis des belles journées d’avril que nous avons eues [rires]. Beaucoup de personnes ont apprécié l’arrêt de la course du hamster dans sa roue. Avons-nous compris qu’il ne faut plus y retourner?

Doutez-vous que la crise ait été porteuse de leçons?

«Concrètement, nous avons besoin d’un changement de système. Je ne pense pas que nous l’ayons compris. Nous devons changer notre mode de fonctionnement actuel basé sur la production de pétrole et de CO2. Il faut décarboner, traiter notre environnement ­différemment, rapidement, dans les 10 ­années à venir, et massivement.

Une des leçons de la crise n’est-elle pas qu’il vaut mieux travailler dans le secteur public que dans le privé, surtout pour les jeunes?

«C’était déjà le cas bien avant le Covid [rires].

Maintenant, cela s’est accentué. L’État pense apparemment qu’il dispose de ressources ­inépuisables et qu’il peut créer des postes, des postes et des postes… Dan Kersch a ­annoncé que plus de mille postes sont disponibles dans les administrations communales et ­auprès de l’État. Quand j’entends cela, mes ­cheveux virent au gris. Car où vont-ils chercher ces salariés? Chez nous, dans les entreprises!

La réforme fiscale a été reportée. Que pensez-vous de l’idée de Frank Engel de créer un impôt sur la fortune?

«Je ne pense pas qu’augmenter des impôts ou créer de nouveaux impôts va résoudre un seul de nos problèmes.

Je trouve ‘super’ que le marché privé se fasse toujours taper sur les doigts lorsqu’il trouve une faille dans les lois. Mais, merde! ­Rédigez convenablement vos lois!
Michel Reckinger

Michel ReckingerFutur président de l’UEL

… et de celle d’une taxation des successions?

«L’impôt sur la succession sanctionne des entre­prises comme la mienne, qui est dans sa 4e génération. Les particuliers qui ont ­travaillé toute leur vie pour constituer un héritage à transmettre à leurs enfants ne semblent également pas prêts pour une telle solution.

Arrêtons les discussions idéologiques, et discutons du pour et du contre, des avantages et des inconvénients, en tenant compte de toutes les implications possibles.

Le gouvernement se met-il lui-même parfois des bâtons dans les roues, surtout en matière de logement?

«Le gouvernement a du mal à se fixer des priorités et à agir en conséquence. D’abord, les ministères pensent trop en silos et personne n’ose toucher à l’autonomie communale, qui est un frein énorme au développement de solutions applicables sur l’ensemble du territoire. Prenons l’exemple des taxations de terrains. Ces dernières doivent être imposées par le haut, et non pas être laissées au libre arbitre de chaque bourgmestre. Faites-le, taxez-les! Et veillez à ce que cela coûte cher!

Dans une interview accordée à Paperjam, vous avez dit: «Il faut soustraire à l’État tout ce qui pourrait être fait par le privé.» Avez-vous changé d’avis?

«Si l’on reste dans le domaine du logement, l’État ne fait en tout cas pas mieux que le privé. Le nouveau ministre, avec le Pacte ­logement 2, oblige les communes à mettre sur le marché plus de logements à coût modéré. Ils peuvent, pour se faire aider, faire appel au Fonds du logement ou à la SNHBM. ­Personne ne pense à associer les acteurs privés. Le Fonds du ­logement et la SNHBM produisent quelques centaines de logements, alors que le besoin dépasse largement les 3.000 logements par an.

Pour moi, la solution serait de traiter tous les acteurs qui souhaitent réaliser des logements sociaux sur un pied d’égalité. Que ce soit le Fonds du logement ou un acteur privé. C’est au ministère d’établir les règles du jeu, et aux promoteurs publics et privés de réaliser un maximum de logements dans le cadre qui a été fixé.

Je trouve ‘super’ que le marché privé se fasse toujours taper sur les doigts lorsqu’il trouve une faille dans les lois. Mais, merde! ­Rédigez convenablement vos lois! Tenez, ­prenons l’exemple des FIS, les fonds d’investissement spécialisés! Que des fonds interprètent la loi des FIS en leur faveur, on peut en débattre pour voir si c’est socialement acceptable, mais si la loi avait été rédigée correctement, il n’y aurait pas eu d’ambiguïté.

En pleine crise, ce n’est certainement pas le bon moment pour l’État d’attaquer la question épineuse des pensions. ­Combien de temps peut-on encore attendre?

«C’est une problématique qui est connue ­depuis bien longtemps et qui ne va pas s’évaporer parce qu’on s’obstine à l’ignorer. C’est l’un des ­premiers points à mon agenda en tant que ­président de l’UEL! Tout le monde sait qu’il est impossible de continuer sur cette trajectoire.

Cela ne sert à rien ­d’augmenter le prix du diesel au Luxembourg via une taxe carbone, si cela pousse les gens à aller faire le plein à Audun-le-Tiche ou à Messancy.
Michel Reckinger

Michel ReckingerFutur président de l’UEL

Le plan de relance vert proposé par (Déi Gréng), ministre de l’Énergie, et (Déi Gréng), ministre de l’Environnement, va-t-il assez loin pour vous?

«Dans les grandes lignes, je suis d’accord avec Claude Turmes sur le fait que l’on doit sortir à terme des énergies fossiles. Le gouvernement fait de grands efforts pour accompagner la transition énergétique en accordant des subventions aux ménages qui veulent investir dans l’efficience énergétique de leur logement. On doit avoir conscience que la transition énergétique demandera des investissements considérables et que le gouvernement devra accompagner cette transition encore pendant de nombreuses années.

Si l’on parle de politique climatique en ­gé­néral, il faut agir à l’échelle européenne, ­sinon mondiale. Cela ne sert à rien ­d’augmenter le prix du diesel au Luxembourg via une taxe carbone, si cela pousse les gens à aller faire le plein à Audun-le-Tiche ou à Messancy. Faire cavalier seul est toujours une stratégie dangereuse pour le Luxembourg. Si l’on ne fait pas attention, on aura fait beaucoup pour affaiblir notre économie et très peu pour le climat.

Je suis en faveur des énergies renouve­lables: on doit placer des panneaux photovoltaïques sur tous les toits, investir dans les éoliennes, investir dans la mobilité électrique et sortir le CO2 de l’équation. Oui à une taxe CO2, mais nous devons utiliser cet argent afin d’aider les entreprises à réaliser cette transition vers une neutralité carbone. Par contre, une taxe CO2 qui chasse les entreprises, les pousse à la faillite, ou fait en sorte qu’elles ne veuillent plus s’implanter au Luxembourg est contreproductive.

Quel est votre point de vue par rapport aux tripartites?

«Je suis pragmatique et tourné vers les ­solutions. Que l’on ait eu les tripartites pendant la crise du coronavirus, c’était une bonne chose. Qu’elles soient win-win, c’est assez rare. Le plus souvent, c’est du win-lose. Il faut arriver à une mentalité du give and take si ce modèle doit rester viable.

Les entreprises ont besoin d’une voix et doivent être entendues. Je vais faire en sorte d’être cette voix aussi à l’UEL.
Michel Reckinger

Michel ReckingerFutur président de l’UEL

Dans quelle mesure connaissez-vous les différents ministres, (DP), (LSAP)...?

«Comme on connaît les gens au Luxembourg… [rires]. Je connais Xavier Bettel de mon temps à La Table Ronde (La Table Ronde est une ­association sans but lucratif exprimant les idées maîtresses de notre époque que sont la volonté de progrès et de paix, ndlr), je le connais depuis 20 ans.

Franz Fayot, je ne le connais pas personnellement. Au total, je l’ai croisé à deux reprises. Avec Dan Kersch, j’ai joué dans le bac à sable. C’était mon voisin. (DP), je le connais de mes études. J’ai souvent croisé (DP) ces deux dernières années dans sa qualité de ministre des Classes moyennes. On a aussi des échanges réguliers avec Claude Turmes au sujet des dossiers touchant ­l’énergie et l’aménagement du territoire. Globalement, les échanges fonctionnent assez bien.

Pierre Gramegna?

«Il vient d’Esch. Je le connais grâce au club de tennis d’Esch.

Est-ce que cela aide pour appuyer certaines revendications?

«Le président de la Fédération des artisans de Trèves n’a certainement encore jamais parlé avec M. Altmaier (ministre fédéral allemand de l’Économie et de l’Énergie, ndlr) à Berlin. Si l’on se connaît et que les chemins sont plus courts, cela aide. Les ministères vont chercher les informations là où ils peuvent les trouver, dans les fédérations et les Chambres. Ensuite, on peut être d’accord ou non. Cet échange existe en tout cas, et c’est bien ainsi.

Croyez-vous votre prédécesseur, , quand il dit qu’il ne veut pas faire de politique?

«Non, je ne le crois pas. L’avenir nous le dira. Je vois le rôle de président de l’UEL comme une fonction éminemment politique dans le sens où l’on représente les intérêts d’une ­partie importante de notre société que sont les entreprises. Les décisions de la politique au sens large impactent directement les ­entreprises. Il est donc évident que nos positionnements par rapport à l’action gouvernementale ont aussi un caractère politique.

Ce sont les entreprises qui génèrent la plus-value économique qui sert à financer l’action de l’État, les prestations sociales. Les ­intérêts des entreprises et ceux des ­salariés ne sont pas antagonistes pour autant. Il n’y a qu’une seule économie, et tout le monde en fait partie. Les entreprises ont besoin d’une voix et doivent être entendues. Je vais faire en sorte d’être cette voix aussi à l’UEL.

Je trouve honteuse la façon dont on traite les réfugiés au niveau européen.
Michel Reckinger

Michel ReckingerFutur président de l’UEL

Vous vous êtes personnellement engagé pour l’association Passerell, qui est active dans la défense et l’exercice des droits des demandeurs d’asile. Votre société porte le label RSE (Responsabilité sociétale des entreprises). D’où tenez-vous cette sensibilité?

«La situation des demandeurs de protection internationale est une thématique qui me tient à cœur depuis toujours. Nous avons ­embauché une douzaine de réfugiés qui se sont parfaitement intégrés.

Danilo, par exemple, loge plusieurs jours par semaine chez nous après son entraînement de basket à Esch. Ce n’est rien de spécial pour moi, alors que cela ne paraît pas être si normal pour d’autres. Je suis croyant. J’ai été élevé dans cette philosophie selon ­laquelle ­aimer et aider son prochain est quelque chose de normal. C’est ainsi que je veux vivre. Je suis guidé par mes valeurs.

D’où viennent les réfugiés que vous avez engagés?

«Danilo vient d’Ukraine, du Donbass. Il est venu au Luxembourg avec ses parents et ses deux frères. Les réfugiés que nous avons engagés viennent de Syrie, d’Irak, d’Iran, d’Afrique. Ils sont quasiment tous ­demandeurs de ­protec­tion internationale, et non ­bénéficiaires. J’ai toujours essayé de ­trouver un moyen pour qu’ils puissent travailler ­légalement au Luxembourg. C’est un non-sens d’enfermer ces ­personnes pendant des mois et des mois sans pouvoir travailler. C’est une aberration, politiquement voulue.

Que pensez-vous de la politique d’immigration du Luxembourg?

«La politique européenne d’immigration est une catastrophe.

Lors de la Deuxième Guerre mondiale, mon grand-père s’est réfugié avec sa famille dans le sud de la France, et il m’a toujours raconté qu’il y avait été bien accueilli. Les valeurs à l’époque étaient bien différentes des nôtres. Je trouve honteuse la façon dont on traite les réfugiés au niveau européen. Par contre, je trouve génial que (LSAP, minis­tre des Affaires étrangères, ndlr) fasse avancer la cause des réfugiés sans lâcher prise – tout en s’exposant à des critiques européennes. Au vu du changement climatique, ce qui nous attend dans les 20 ou 50 prochaines années aura une tout autre ­dimension et sera 100 fois plus difficile que ce que nous vivons à l’heure actuelle.

Quel livre lisez-vous en ce moment?

«’Quand l’improbable surgit, un autre futur ­revient dans la partie!’ de Yannick Roudaut, un cadeau d’un ami.»

Cet article a été rédigé pour l’édition magazine de  qui est parue le 25 novembre 2020.

Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine, il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam.

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