Pour Luc Neuberg, la culture de la gestion du risque est bien ancrée sur la Place. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne/Archives)

Pour Luc Neuberg, la culture de la gestion du risque est bien ancrée sur la Place. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne/Archives)

La Luxembourg Association for Risk Management (Alrim) organise avec l’Alfi, ce 16 juin, sa traditionnelle Risk Management Conference. L’occasion de revenir sur une fonction méconnue avec son président, Luc Neuberg.

Qu’est-ce que la gestion du risque?

Luc Neuberg. – «Avant de parler de gestion du risque, il faut parler de la notion même de risque qui, en finance, est liée à la notion d’incertitude. On a souvent tendance à ­penser que le risque est lié uniquement aux pertes. Ce n’est pas le cas. La gestion du risque, c’est tout simplement l’identification et la gestion de tous les facteurs qui peuvent engendrer une incertitude à atteindre ses objectifs.

Ceci posé, en quoi consiste le métier de risk manager et quels sont ses principaux défis?

«Il faut d’abord savoir traiter les risques qui se sont matérialisés et qui peuvent se reproduire. Comme le risque de liquidité. Le deuxième enjeu, c’est l’intégration de nouveaux facteurs, par exemple le risque de durabilité. Si ce risque n’a pas encore été matérialisé par une crise financière, il faut quand même l’intégrer dans la gestion courante des entreprises. Et le troisième enjeu est d’anticiper les risques futurs.

Le risk manager se doit d’être un futurologue?

«Attention quand même. Les anticipations dont je parle doivent être raisonnables. Si elles sont démesurées, cela n’a pas de sens. On peut parler de Troisième Guerre mondiale ou de catastrophe nucléaire, mais, dans ce cas, les problèmes quotidiens du business passent à l’arrière-plan…

Que recouvrent alors ces anticipations?

«On est ici plus dans la proactivité, qui est fondamentale dans ce métier. Être proactif, c’est agir avant qu’un événement arrive. Il ne s’agit pas de le prédire, mais de l’anticiper.

L’anticipation, c’est un état d’esprit, une culture. Existe-t-il une culture du risque au Luxembourg?

«Oui. Et elle est très forte. Nous avons la chance d’avoir une culture du risque qui s’est développée depuis de nombreuses années dans l’industrie financière. Peut-être plus que sur d’autres Places. Ce n’est pas juste la communauté des risk managers qui se sent concernée, c’est toute la Place. Toutes les parties prenantes, y compris le régulateur, échangent régulièrement sur le sujet, participent à des groupes de travail…

Cette culture et le savoir-faire qui en découle sont-ils un argument pour la promotion de la Place?

«Oui. Il faut bien voir que la problématique de la gestion du risque est liée à la confiance et de la protection des consommateurs. Le risk management fait partie de ce que l’on appelle ‘la substance de compétences’. Et son importance est reconnue à l’étranger. Ce n’est pas un hasard si les actifs nets de l’industrie des fonds d’investissement ont atteint 5.800 milliards d’euros.

Où doit se situer un risk manager dans l’entreprise?

«La clé est l’intégration de la culture du risque dans le busi­ness. Je ne sépare pas la gestion du risque du business lui-même. L’essence du risk management, c’est qu’il fait partie du business. C’est dans cette intégration que réside la valeur ajoutée. La gestion du risque ne doit pas être vue comme un coût, mais comme une valeur ajoutée.

L’actualité, c’est la guerre en Ukraine. Comment un tel événement est-il appréhendé en gestion du risque?

«Il ne faut pas hésiter à revenir en arrière et à considérer une perspective historique. On a déjà vécu des choses similaires, avec une ampleur différente. Comment intégrer la guerre en Ukraine? Il faut voir quels sont les facteurs qui vont être impactés et qui vont nous impacter – comme le rating de la Russie, l’évolution du coût de l’énergie ou encore l’évolution des taux d’intérêt – et revenir aux bases, notamment en recourant à l’analyse historique.

Quelle sera la prochaine crise?

«Je crois qu’on y est déjà. Les facteurs de risque sont connus: la remontée des taux d’intérêt, qui porte en elle l’acceptation d’une récession et d’un probable impact sur le marché immobilier. Ou encore l’envolée des prix de l’énergie. Un baril de pétrole à 200 dollars est désormais plus qu’une simple hypothèse de travail.»

Cet article a été rédigé pour l’édition magazine de  parue le 27 avril 2022. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam.

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