Dans le cadre de l’épidémie du COVID-19, les entreprises doivent faire face à une réorganisation interne. Elles peuvent notamment être amenées à revoir leur planning de travail actuel et pour les mois à venir. Dès lors, de nombreuses questions pratiques peuvent se poser, notamment concernant le report et la prise des congés payés des salariés.
1. Un employeur peut-il annuler les congés payés déjà accordés à ses salariés?
La législation reste muette sur la possibilité pour l’employeur d’annuler unilatéralement les congés qui ont déjà été accordés aux salariés. En principe, les congés étant fixés d’un commun accord entre les parties, il ne serait possible d’y revenir que d’un commun accord. Aussi, il a pu être jugé par la Cour d’appel1 que «le congé, une fois accordé par l’employeur, constitue un acte unilatéral irrévocable dont la rétractation n’est admise qu’en cas d’accord exprès ou non équivoque du salarié». Dès lors, l’employeur ne peut en principe unilatéralement annuler les congés des salariés.
Toutefois, en raison des circonstances sanitaires actuelles exceptionnelles, le Règlement grand-ducal du 3 avril 20202 permet, pendant l’état de crise, aux employeurs concernés par les activités qui sont essentielles pour le maintien des intérêts vitaux de la population et du pays visées à l’article 53 du Règlement grand-ducal du 18 mars 20204, d’une part, d’annuler les congés déjà accordés et, d’autre part, de refuser les demandes de congés5.
2. Un employeur peut-il imposer des congés à ses salariés?
Selon l’article L. 233-10 du Code du travail, «le congé est fixé en principe selon le désir du salarié, à moins que les besoins du service et les désirs justifiés d’autres salariés de l’entreprise ne s’y opposent». Ainsi, l’employeur ne peut en principe pas imposer des congés à un salarié, que ce soit pour des raisons économiques voire organisationnelles ou pour toute autre raison6.
L’employeur peut toutefois, dans le cadre de son organisation interne, inciter les salariés à prendre des congés. Aussi, il convient de rappeler que, conformément aux exigences résultant du droit de l’Union européenne, l’employeur a l’obligation de veiller à mettre effectivement le salarié en mesure d’exercer son droit au congé annuel payé notamment par une «information adéquate» consistant à inciter le salarié, au besoin formellement, à prendre ses congés annuels payés, tout en l’informant, de manière précise et en temps utile, du fait que s’il ne prend pas ses congés, ceux-ci seront perdus à la fin de la période de référence ou d’une période de report autorisée7.
Il est à noter que la question de pouvoir imposer des congés aux salariés s’est notamment posée pour les entreprises souhaitant bénéficier du chômage partiel du fait du COVID-19. En effet, suivant le Code du travail, avant de recourir au chômage partiel, l’employeur doit avoir épuisé tous les moyens dont il dispose pour maintenir un niveau normal d’emploi8.
À cet égard, selon les informations communiquées par les autorités et notamment l’ADEM9, l’obtention du chômage partiel serait subordonnée au fait que le salarié ait pris tout ou partie de ses congés annuels acquis de 2019 et des années antérieures (sans que cela ne s’applique toutefois aux congés relatifs à l’année 2020, ni au CET10).
Ainsi, dans ce cadre, certains salariés ont dû solder leurs congés acquis au titre des années antérieures.
Finalement, il conviendra de se conformer aux dates fixées dans le cadre de congés collectifs11 prévus d’un commun accord entre l’employeur et la délégation du personnel, ou, à défaut, les salariés.
3. Un employeur peut-il refuser aux salariés de prendre des congés?
Comme évoqué précédemment, le congé est en principe fixé selon le désir du salarié. L’employeur est néanmoins en droit de refuser des demandes de congés en raison notamment des «besoins du service»12. Cette formulation prévue par le Code du travail étant large, l’employeur dispose d’une grande marge d’appréciation et pourrait notamment invoquer, dans le cadre du COVID-19, le nombre important de salariés en incapacité de travail, ou en congé pour raisons familiales (durant l’état de crise), voire une forte reprise de l’activité (après la sortie de crise).
À noter que les congés qui sont demandés mais ne peuvent pas être pris avant la fin de l’année 2020 en raison des besoins du service pourront être reportés jusqu’au 31 mars de l’année suivante13 (i.e.: 31 mars 2021). Toutefois, si l’employeur invite le salarié à prendre ses congés avant la fin de l’année, mais que celui-ci ne les prend pas, alors lesdits congés seront perdus au 31 décembre 2020.
4. Un salarié peut-il, en raison du contexte actuel, annuler ses congés?
L’employeur n’a aucune obligation légale d’accorder l’annulation des congés posés par le salarié suite à sa demande. Pour rappel, sauf accord d’entreprise ou usage contraire, le congé ne peut en principe être annulé que d’un commun accord des parties. Ainsi, dans le contexte actuel, l’employeur serait parfaitement en droit d’imposer aux salariés de prendre les congés qu’ils avaient d’ores et déjà fixés. Cela pourrait cependant créer une inégalité avec les salariés qui n’avaient pas pris la peine de poser leurs congés longtemps à l’avance, et qui, eux, conservent leur droit au congé. Il pourrait être pertinent de mettre en place un calendrier global de prise de congé.
1Cour d’appel, 25 octobre 2018, n°44386 du rôle.
2Règlement grand-ducal du 3 avril 2020 modifiant le règlement grand-ducal modifié du 18 mars 2020 portant introduction d’une série de mesures dans le cadre de la lutte contre le COVID-19 publié au .
3Sont notamment visés: les hôpitaux, les laboratoires, le secteur de l’alimentation, les services publics nécessaires au bon fonctionnement de l’État, etc.
4Règlement grand-ducal du 18 mars 2020 tel que modifié portant introduction d’une série de mesures dans le cadre de la lutte contre le COVID-19 publié au .
5Les articles L. 233-6 et L. 233-10 du Code du travail prévoient déjà les situations de possible refus de congé par l’employeur. Il serait possible d’en déduire que le Règlement grand-ducal établit indirectement un nouveau cas de refus, i.e., la situation liée à l’état de crise, pour les activités essentielles.
6À noter que, dans le cadre d’une décision isolée du 9 mars 2006, n°29882 du rôle, la Cour d’appel a jugé que l’employeur pouvait imposer un congé pour un motif non arbitraire. En l’espèce, l’employeur avait procédé à des travaux de rénovation durant une période de 15 jours.
7CJUE, 6 novembre 2018, Aff. C-684/16.
8Cf. article L. 511-2 du Code du travail.
9Il est par ex. indiqué dans la Foire Aux Questions de l’ADEM relatives aux demandes de chômage partiel () que le salarié doit avoir épuisé les congés des années antérieures à 2020 avant de bénéficier du chômage partiel.
10Compte épargne temps.
11Article L. 233-10 alinéa 3 du Code du travail.
12Article L. 233-10 alinéa 1 du Code du travail.
13 Article L. 233-10 al. 1er du Code du travail.