Mark Fitzgerald (à gauche) et Olivier Paquier. (Photos: Jérémie Souteyrat et Hervé Thouroude)

Mark Fitzgerald (à gauche) et Olivier Paquier. (Photos: Jérémie Souteyrat et Hervé Thouroude)

Mark Fitzgerald, head of product specialism – PRD Europe chez Vanguard, et Olivier Paquier, head of EMEA distribution of ETFs chez JP Morgan, partagent leur vision de ces approches qui se complètent plutôt qu’elles ne s’opposent.

Commençons par le début… Qu’entend-on exactement par gestion passive ou active? 

Mark Fitzgerald (M. F.) – «Dans un fonds d’investissement à gestion active, un gestionnaire de portefeuille individuel, des cogestionnaires ou une équipe de gestionnaires prennent les décisions d’investissement pour le fonds. Les fonds actifs ont généralement un objectif d’investissement déclaré qui vise à surpasser un indice de référence particulier, ce que l’on appelle l’«ajout d’alpha». Le succès du fonds dépend de la recherche approfondie, des prévisions du marché, de l’expertise de l’équipe de gestion et de sa capacité à mettre en œuvre avec succès sa stratégie active. 

Olivier Paquier (O. P.) – «Il y a deux grands types de gestion active: la gestion quantitative, basée sur des règles; et la gestion fondamentale, basée sur la recherche et le stock picking, ce que l’on appelle aussi la ‘ges­tion de conviction’. 

M. F. – «Un portefeuille passif est généralement conçu pour suivre d’aussi près que possible les rendements d’un indice de marché ou d’une référence particulière. L’objectif est de générer un rendement identique ou très proche de celui de l’indice choisi. Comme cette stratégie d’investissement n’est pas proactive, les frais de gestion appliqués aux portefeuilles ou fonds passifs sont souvent bien inférieurs à ceux des stratégies de gestion active, car ils ne nécessitent pas de grandes équipes d’analystes et de chercheurs, contrairement aux produits actifs.

O. P. – «L’idée est d’offrir aux investisseurs une performance représentative d’un marché de manière diversifiée. À noter qu’il ne faut pas confondre gestion passive et ETF (Exchange Traded Fund), puisqu’il y a plusieurs types d’ETF sur le marché qui n’offrent pas tous des stratégies passives, notamment les ETF inversés/short, les ETF à levier, les ETF thématiques, les ETF alternatifs et, depuis quelques années, les ETF actifs offrant la gestion active dans un format liquide et transparent.

Le choix entre actif et indiciel se résume à l’objectif d’investissement et à la tolérance au risque.
Mark Fitzgerald

Mark Fitzgeraldhead of product specialism – PRD EuropeVanguard

Quels sont les avantages et les inconvénients de ces deux méthodes?

O. P. – «Il y a deux principales différences entre les deux méthodes: les coûts initiaux et le niveau de risque pris. Dans la gestion indicielle, les coûts de réplication sont souvent faibles, et le niveau de risque moins élevé que dans une gestion de conviction, où des participations importantes peuvent être prises dans des biais sectoriels, de style, de géographie, avec des horizons de temps très différents. Ces décisions actives de gestion peuvent engendrer des rebalancements de portefeuille avec des coûts associés. Cela fait partie de la liberté qu’a un gérant actif vis-à-vis de son portefeuille, sous réserve des objectifs affichés par la catégorie d’actifs.

M. F. – «Les fonds indiciels constituent un bon point de départ pour tous les investisseurs et, pour certains, ils suffisent à répondre entièrement à leurs besoins d’investissement. Cependant, pour ceux qui sont à l’aise avec les risques des investissements actifs, ces fonds peuvent constituer une solution viable. En fin de compte, les preuves suggèrent que la gestion active est très difficile à mettre en place, avec un risque élevé de sous-performance nette à long terme, mais qu’il est possible d’obtenir une surperformance nette avec de l’habileté, de la patience, et en maintenant des coûts bas. 

On lit beaucoup d’articles sur internet qui affirment que la gestion passive surperforme largement la gestion active. Qu’en est-il réellement? Quelles performances a-t-on enregis­trées ces dernières années?  

M. F. – «Permettez-moi de répondre à cette question par ce que nous appelons le ‘jeu à somme nulle’. La théorie du jeu à somme nulle stipule qu’à tout moment le marché est constitué des avoirs cumulés de tous les investisseurs, et que le rendement global du marché est égal au rendement pondéré des actifs de tous les participants au marché. 

Pour chaque position qui surperforme le marché, il doit y avoir une position qui sous-performe, du même montant, de sorte que, dans l’ensemble, le rendement excédentaire de tous les actifs investis est égal à zéro. Cette théorie décrit un marché théorique sans coût. Dans la réalité, cependant, les investisseurs sont soumis à des coûts pour participer au marché. Lorsque les coûts sont pris en compte – y compris les frais de gestion, les écarts entre les cours acheteur et vendeur et les commissions de négociation et les taxes –, la performance globale des investisseurs n’est pas égale à zéro, ce qui signifie qu’il y a plus d’actifs perdants que d’actifs gagnants. 

En fait, cela signifie que plus un gestionnaire de fonds demande de frais aux investisseurs, plus il doit surperformer pour atteindre la moyenne du marché, ce qui désavantage immédiatement les fonds les plus coûteux. Ce point est au cœur de la discussion «actif vs indice», car les fonds actifs facturent généralement des frais plus élevés que les fonds indiciels.

Un avantage lié aux ETF en particulier est la disponibilité du produit pour tout type d’investisseurs, allant du client particulier jusqu’au fonds de pension.
Olivier Paquier

Olivier Paquierhead of EMEA distribution of ETFsJP Morgan

Nous avons étudié la distribution des rendements excédentaires pour tous les fonds communs de placement et les fonds négociés en bourse (FNB). La plupart des fonds, qu’ils soient indiciels ou actifs, ont enregistré des performances inférieures à celles de leur indice de référence sur la période, après déduction des frais.  

Bien sûr, les ETF et les fonds communs de placement ne représentent pas l’ensemble du marché, et il est important de noter que l’étude considère les rendements des fonds de manière égale – quelle que soit leur taille – plutôt que sur une base pondérée par les actifs, à laquelle la théorie du jeu à somme nulle fait référence. Les résultats suggèrent que, une fois les fonds fusionnés et liquidés pris en compte, les rendements excédentaires négatifs ont tendance à être plus fréquents que les rendements excédentaires positifs. En résumé, les fonds indiciels présentent un avantage significatif en termes de coûts par rapport aux fonds actifs sur la plupart des marchés. 

C’est pourquoi nous pensons que la plupart des investisseurs ont intérêt à investir dans des fonds indiciels à faible coût et largement diversifiés. 

Ces deux types de gestion s’adressent-ils à la même clientèle? 

O. P. – «Oui, à une même clientèle, qui aura une appétence différente en termes de risque/rendement, de coûts associés et de capacité à acheter/revendre un produit de manière plus ou moins rapide (liquidité). Dans le monde des fonds ouverts, chaque produit est offert aux investisseurs via des distributeurs qui vérifient leur connaissance des produits avant toute opération, surtout pour les particuliers. Un avantage lié aux ETF en particulier est la disponibilité du produit pour tout type d’investisseurs, allant du client particulier pouvant effectuer des opérations via une application sur son smartphone jusqu’au fonds de pension prêt à appeler une table d’exécution et à traiter des montants significatifs. 

Faut-il absolument opter pour l’une ou l’autre solution? Y a-t-il des pistes intermédiaires?

O. P. – «Il est possible de choisir entre l’une ou l’autre option, les deux combinées, ou une troisième piste qui peut former une solution innovante: les ETF actifs, mêlant les attributs des ETF (simplicité, liquidité, transparence, coûts maîtrisés) et les atouts de la gestion active afin d’optimiser la construction d’un portefeuille et de générer une potentielle surperformance. À titre d’exemple, nous avons lancé la plus grande gamme d’ETF actifs (gestion fondamentale) en Europe appelée Equity Research Enhanced Index ETFs. Cette gamme de 6 ETF représentait, en mars 2022, plus de 3 milliards d’euros. 

L’objectif pour les investisseurs est simple: surperformer de 40-60 points de base les indices des grands marchés en fonction des zones géographiques (comme le S&P 500 ou le MSCI Europe), tout en conservant les caractéristiques de la gestion indicielle (diversification importante, pas de biais sectoriel, etc.) et en prenant en compte des critères ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance). Le résultat fonctionne et nous permet d’afficher de belles surperformances, dans des ETF simples et accessibles à tout type d’investisseurs. 

Sur ces dernières années, les gestions active et passive ont affiché de belles performances, montrant leur complémentarité en fonction des cycles de marché: situation complexe ou forte reprise. 
Olivier Paquier

Olivier Paquierhead of EMEA distribution of ETFsJP Morgan

M. F. – «Le choix entre actif et indiciel se résume à l’objectif d’investissement et à la tolérance au risque d’un individu. Et le choix n’est pas binaire – un mélange de stratégies indicielles et actives peut constituer une combinaison efficace au sein d’un portefeuille multiactif largement diversifié.

Comment s’assurer le meilleur des deux mondes?  

M. F. – «Les investisseurs sont libres de choisir. Tout ce que nous disons, c’est que le coût de l’investissement a une grande importance. Les investisseurs ne peuvent pas contrôler les marchés, mais ils peuvent contrôler les coûts qu’ils doivent payer pour investir. Chaque euro qu’un investisseur paie en frais, c’est un euro de moins pour sa retraite. 

O. P. – «L’investisseur doit prêter attention à une multitude de critères de sélection: performance passée, déviations possibles si acceptables, risques pris et compris (devise, marché, contrepartie etc.) et qualité du gérant, que cela soit dans la gestion active ou indicielle d’ailleurs. Dans la gestion indicielle, la qualité sera perçue dans le tracking error faible par rapport à un indice. Dans la gestion active, la qualité de la gestion sera notamment observée dans la régularité à surperformer un panier de référence (benchmark).

Au final, dans le contexte d’incertitude actuel (coronavirus, inflation, guerre en Ukraine), comment assurer une stratégie d’investissement gagnante? 

O. P. – «Sur ces dernières années, les gestions active et passive ont affiché de belles performances, montrant leur complémentarité en fonction des cycles de marché: situation complexe ou forte reprise. 

Deux configurations complémentaires ont eu lieu. Dans des contextes complexes de marché (mouvements de marché incertains), la gestion active tend à performer car elle bénéficie d’une certaine flexibilité, surtout dans l’obligataire, pour s’adapter à un contexte de manière rapide et pertinente. La gestion indicielle, quant à elle, tend à capter les phases de fortes reprises des marchés. Il est donc important d’allier les deux.

Le débat sur l’opposition entre gestion active et gestion passive se poursuivra, en particulier sur les marchés volatils, où les appels à la gestion active se font plus pressants.
Mark Fitzgerald

Mark Fitzgeraldhead of product specialism – PRD EuropeVanguard

M. F. – «Plus récemment, les événements en Ukraine ont engendré un bilan humain et des souffrances incommensurables. Les réponses économiques, y compris les sanctions, ont entraîné des turbulences sur les marchés et une anxiété quant à la suite des événements. Une réaction émotionnelle est naturelle.  

Toutefois, lorsqu’il s’agit d’investir, il est préférable de résister à l’envie d’agir. Ce n’est pas facile, mais dans une situation comme celle-ci, nous suggérons aux investisseurs de s’armer de courage pour faire face à ce qui pourrait arriver et d’essayer de garder leurs émotions en dehors des décisions d’investissement. Par conséquent, ils ne devraient pas interrompre leurs plans d’épargne dans ces phases de marché. Les investisseurs devraient prendre cette leçon à cœur, car la volatilité continuera de nous accompagner au cours du second semestre de 2022.

Comment voyez-vous l’avenir dans ce domaine?

O. P. – «Un mélange optimal de gestions active et passive pourrait aider beaucoup d’investisseurs à construire des portefeuilles capables de faire face à de nombreuses situations de marché comme récemment observées. J’insisterais sur la complémentarité des approches dans le cadre d’un portefeuille intégrant différents types de gestion, d’horizons de temps et de niveaux de risque.

M. F. – «Le débat sur l’opposition entre gestion active et gestion passive se poursuivra, en particulier sur les marchés volatils, où les appels à la gestion active se font plus pressants. Bien que l’approche active reste importante, les investisseurs doivent éviter de penser que «cette fois-ci, les marchés volatils sont différents», et que le marché actuel est particulièrement favorable aux gestionnaires actifs. Ce n’est tout simplement pas le cas.»

Comme nous l’avons déjà dit, pour nous, la question n’est pas celle de l’investissement actif par rapport à l’investissement passif, mais celle du faible coût par rapport au coût élevé. L’actif a sa place, au bon prix. Nous souhaitons apporter notre contribution en proposant des solutions à la fois indicielles et actives à des frais compétitifs, afin que les investisseurs puissent conserver une plus grande partie de leur rendement.»

Cet article a été rédigé pour  paru le 27 avril 2022 avec  

Le contenu du supplément est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam.  

 

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