Hugo Lasat prend les rênes d’une banque bien positionnée qu’il entend développer tant sur son marché domestique – la Belgique, le Luxembourg et la France – qu’à l’international à l’échelle européenne. (Photo: Degroogf Petercam/David Plas)

Hugo Lasat prend les rênes d’une banque bien positionnée qu’il entend développer tant sur son marché domestique – la Belgique, le Luxembourg et la France – qu’à l’international à l’échelle européenne. (Photo: Degroogf Petercam/David Plas)

Hugo Lasat a pris les rênes de Degroof Petercam en octobre dernier. Une maison qu’il connaît bien pour l’avoir rejointe en 2011 et où il occupait le poste de CEO de Degroof Petercam Asset Management. Il a confié à Paperjam ses ambitions pour la banque.

Hugo Lasat n’est pas un inconnu sur la Place. Sa carrière entamée en 1986 l’a amené du côté du Luxembourg où il a été de 2001 à 2007 CEO de Dexia Asset Management – société rebaptisée Candriam en 2014 – et membre du conseil d’administration de la BIL de 2002 à 2005 et de Dexia de 2007 à 2008. Il est également professeur à la Katholieke Universiteit Leuven, spécialisé dans les marchés financiers et la finance durable.

Vous venez d’être nommé à la tête du groupe Degroof Petercam. Quel type de manager êtes-vous?

Hugo Lasat. – «J’attache beaucoup d’importance au travail d’équipe. Mon credo est de collaborer pour gérer et pour développer. C’est une approche entrepreneuriale qui se base sur la responsabilisation et l’autonomisation des personnes et une hiérarchie simplifiée. Sans que cela ne se traduise par une désorganisation. Le tout avec un certain rythme. J’aime bien voir les résultats des actions entreprises se concrétiser assez rapidement. Je pense que pour être efficace, tout style de leadership doit être en harmonie avec la culture de la société où il s’exerce. Le groupe Degroof Petercam est un groupe composé de gens de talents et d’experts où les personnes font la différence. Je pense que mon style de management s’intègre parfaitement avec ces valeurs et fonctionne bien avec le business model du groupe.

Quels sont vos objectifs pour Degroof Petercam?

«Avant de parler objectifs, il faut regarder le positionnement et les composantes du groupe. Notre positionnement est relativement unique en Europe. Nous avons su combiner des métiers que beaucoup de nos concurrents nous envient et souhaitent développer: la banque privée, la gestion d’actifs institutionnelle, l’asset services et l’investment banking. Pris séparément, ces quatre métiers ont leur raison d’être. Combinés, ils offrent des synergies significatives.

Si on ajoute à cela que nous avons les experts et les talents pour faire croitre ces métiers, je dirais que nous avons une position de départ enviable et une clientèle bien diversifiée. Une position assez unique qu’on peut développer aussi bien sur notre marché domestique, le BeNeLuxFra, qu’à l’international à l’échelle européenne.

Après, métier par métier, les objectifs sont clairs. Pour la banque privée, il s’agit de consolider notre positionnement et notre offre en Belgique, au Luxembourg et en France et, ce qui est important, développer la banque privée internationale depuis le Luxembourg. Le Luxembourg est le centre pour la clientèle luxembourgeoise d’un côté et le développement international en banque privée du groupe Degroof Petercam. C’est clairement une belle position. C’est une stratégie qu’on a entamée et que l’on va continuer à développer.

Pour la partie gestion d’actifs, DPAM (Degroof Petercam Asset Management) est devenu une marque internationale, un acteur de premier plan. C’est un gestionnaire d’actifs qui évolue aujourd’hui en Ligue des champions. L’objectif est d’en poursuivre l’actuelle expansion internationale.

Sur la partie asset services, nous avions à fin 2021 près de 60 milliards d’actifs sous administration et une belle trajectoire de croissance tant pour l’asset manager interne (DPAM) via l’administration de fonds d’un côté que pour le marché externe (tiers) dont la clientèle est internationale.

Pour l’investment banking enfin, – la salle de marchés d’un côté au sein de nos activités de global market et le corporate finance incluant le M&A de l’autre –, nous avons l’ambition d’être ‘one phone call away of doing business’. Accompagner les entrepreneurs lorsqu’ils veulent acheter, vendre une entreprise, entrer en bourse ou se développer est pour nous quelque chose de très pertinent.

 Vous évoquiez les synergies significatives pouvant exister entre ces métiers. Qu’entendez-vous par là?

«Permettez-moi d’illustrer par un exemple. Pour moi, la situation idéale, qui se produit de temps en temps, est que lorsque nous accompagnons un client qui veut vendre ou acquérir une société (via la ligne de métier Investment Banking) que le fruit de cette opération puisse être géré par notre banque privée. 

Si la banque privée peut à son tour faire appel à son asset manager interne pour certains fonds dans la construction de portefeuilles, c’est encore mieux. Et si ces fonds de départ peuvent être administrés par notre ligne de métier Asset Services alors la boucle est complète…

Vous pouvez constater ainsi toute la chaine de valeur: un cross-selling qui renforce notre potentiel de développement et qui permet au client d’avoir un interlocuteur unique.

Si on y réfléchit, tous nos métiers sont des métiers d’accompagnement. Nous combinons les métiers de banque privée et ceux d’’investment house’.

Quelle est l’importance du site luxembourgeois pour votre groupe?

«J’ai une affinité avec le Luxembourg où j’ai passé plusieurs années. Et le groupe fête cette année ses 35 ans de présence. Nous avons au Luxembourg la chance d’avoir une banque solide et rentable au sein de laquelle tournent nos quatre métiers. Dont la banque privée qui est une source de croissance sur laquelle nous comptons beaucoup. D’ailleurs, lorsque l’on regarde toutes les incertitudes géopolitiques et financières qui nous entourent, je pense qu’une place stable comme le Luxembourg a clairement une carte à jouer.

Nous avons une très forte équipe dédiée à l’asset services qui emploie 140 personnes sur les 390 basées ici et administre 59,7 milliards d’euros.

Il y a là une belle banque à part entière au Luxembourg que l’actionnaire souhaite clairement développer compte tenu de cette base de départ intéressante et de ratios de rentabilité plus que satisfaisants.

Quelles ont été vos premières mesures à la tête de la banque?

«Avant de prendre mon poste, j’étais le CEO de DPAM, la branche de gestion d’actif du groupe. Mais même si on vient de l’intérieur et que l’on pense connaitre la maison, j’ai voulu rencontrer le plus de collaborateurs et de clients possible dans le respect des règles sanitaires. Ce qui pendant la pandémie n’a pas toujours été facile. Écouter est pour moi vraiment important. Je ne veux pas me positionner comme quelqu’un qui va tout chambouler. Je suis quelqu’un qui adore gérer et développer et je veux m’inscrire dans la continuité de ce qui a été fait. Même si je reconnais avoir un côté impatient face à certaines priorités stratégiques.

Justement, quelles sont vos priorités?

«Ma première priorité est d’assurer le bon déploiement de notre nouvelle plateforme bancaire et de notre nouveau système de gestion de portefeuille, ‘le réacteur de la banque’. Ceci va nous permettre d’avoir un système unique dans le groupe qui nous permettra d’améliorer notre efficacité et les interactions avec nos clients. Ce sera un grand pas en avant pour notre maison. Cette migration se fera de manière invisible pour le client. Nous avons commencé à la mi 2021 et cela va nous occuper durant tout 2022.

Ma deuxième priorité est de faire de Degroof Petercam un ‘employer of choice’. On est une maison de talents, d’experts. On souhaite clairement se positionner comme tel.

Un troisième élément qui me tient à cœur, c’est la finance durable. Le groupe a sur le sujet une expérience de près de 20 ans. Le défi est de continuer à être avant-gardiste et de défendre notre position de leadership comme acteur de la finance durable. Je suis fondamentalement persuadé que l’on peut combiner gestion financière et gestion durable dans une proposition de valeur pour la clientèle déclinée dans différents métiers. Gestion financière et gestion durable ne sont pas en opposition l’une avec l’autre. Prenez l’exemple des performances des portefeuilles: je pense que l’on peut offrir un double alpha, un financier et un durable. Les institutions financières sont des acteurs franchement pertinents et qui peuvent aider à atteindre les objectifs que la politique ou la société ambitionnent.

On parle beaucoup d’une nécessaire consolidation du secteur bancaire européen. Quel est votre avis sur le sujet?

«Depuis que je suis dans le secteur financier, on parle de la nécessité d’une consolidation dans le secteur bancaire. Et j’ai une opinion peut-être un peu atypique sur le sujet. Je pense que s’il y a des économies d’échelles possibles, il y a aussi des déséconomies d’échelles. Je pense que l’on se dirige vers une polarisation du marché entre de très grands groupes et des sociétés financières spécialisées en fonction d’une niche, d’une région ou encore d’expertises spécifiques. Je trouve assez interpellant que l’on pousse vers une consolidation pour se rendre compte que certains groupes ou certaines institutions sont devenus de facto trop grandes.

Pour moi, une consolidation est nécessaire que lorsqu’on constate que l’on n’a pas la bonne taille pour exercer son métier. Cela doit dépendre du métier. Nous ne sommes pas partie prenante de ce mouvement.

 Vous allez annoncer vos résultats en mai prochain. Quelles seront les grandes tendances?

«C’est une question à laquelle je ne peux pas répondre. Mais il y a une assez grande corrélation de nos résultats avec l’évolution des marchés financiers…

Comment se présente l’exercice 2022 alors?

«Difficile de se prononcer à l’heure actuelle. Notre dynamique commerciale a connu un bel essor en 2021. Et ce momentum a continué en début d’année dans tous nos métiers. Mais il est évident que la crise ukrainienne a perturbé cela. La guerre a un impact sur les marchés et donc sur la marche de nos affaires. La priorité en ce moment est de protéger les avoirs de nos clients et de les accompagner dans tous nos métiers. Et nous espérons tous, je pense, trouver rapidement une solution à cette crise qui est aussi bien financière qu’humaine.

Cette interview est issue de la newsletter Paperjam Finance, le rendez-vous bimensuel pour suivre l’actualité financière au Luxembourg.