Chaque année au Luxembourg, environ 3.000 nouveaux cas de cancers sont dépistés. Mais en réalité, la Fondation cancer estime que 18.000 personnes vivent avec un cancer. La prise en compte de cette maladie dans le monde du travail sera indispensable. (Photo: Shutterstock)

Chaque année au Luxembourg, environ 3.000 nouveaux cas de cancers sont dépistés. Mais en réalité, la Fondation cancer estime que 18.000 personnes vivent avec un cancer. La prise en compte de cette maladie dans le monde du travail sera indispensable. (Photo: Shutterstock)

3.000 cas de cancers sont dépistés. Jusqu’à 18.000 personnes vivraient avec un cancer. Une réalité à laquelle les entreprises vont devoir faire face. Douze d’entre elles ont déjà signé la charte Cancer@Work portée par l’association du même nom. Objectif: mettre en place des actions concrètes en faveur de l’inclusion et du maintien dans l’emploi des personnes touchées par la maladie.

Chaque année, environ 3.000 nouveaux cas de cancer sont dépistés au Luxembourg. Non seulement le sujet reste tabou, mais il est source de nombreux questionnements dans un contexte professionnel. Et pourtant…

«Vivre et travailler avec un cancer est devenu une réalité, mais la société et les entreprises n’y sont pas préparées», dit le leitmotiv de Cancer@Work, premier club d’entreprises dédié au sujet du cancer au travail. Créé sous forme associative en 2012 en France, le club a élaboré une charte et bénéficie d’un relais luxembourgeois grâce à l’implication de LLC Real Estate Fund, et en particulier de son associé fondateur Laurent Lafond, qui porte le sujet depuis le printemps et a permis d’initier la démarche au Luxembourg.

«Sur le plan personnel, j’ai perdu quelqu’un — la mère de mes enfants — d’un cancer et j’ai pris conscience que même dans l’univers professionnel, nous n’étions pas préparés à cela», confie-t-il. Il découvre aussi le témoignage de l’homme d’affaires français et patron de Publicis Arthur Sadoun. Atteint d’un cancer, patron d’une société cotée en bourse, il a osé briser le tabou et révéler sa maladie au grand jour. «C’est grâce à son témoignage que j’ai découvert l’association qui m’a paru être quelque chose de concret pour agir», explique-t-il. 

Formation des équipes RH, échange de bonnes pratiques…

Douze entreprises luxembourgeoises — LLC Real Estate Fund, la première, mais aussi Atoz Tax Advisers, BPI, CLE Construction, Colliers, Inowai, Pergam, At Home, M&G Consulting, BFF Architectes, Beissel & Ruppert et Mimco Capital — ont déjà signé la charte Cancer@Work (une centaine en France), dans des domaines d’activités variés. Elles s’engagent ainsi à mettre en place des actions concrètes en faveur de l’inclusion et du maintien dans l’emploi de leurs salariés touchés par cette la maladie. «D’autres la signeront d’ici la fin de l’année», glisse Laurent Lafond. 

Les entreprises signataires bénéficieront de ressources, de conseils et de formations pour mettre en place des dispositifs adaptés auprès de leurs équipes. «La charte n’est que le début d’actions qui vont se prolonger. Les entreprises bénéficieront de formation de leurs équipes de ressources humaines. Des rencontres annuelles seront aussi planifiées avec les entreprises françaises, ce qui permettra des échanges d’expériences sur les bonnes pratiques à mettre en place. Et nous allons communiquer vis-à-vis des salariés, pour libérer la parole», détaille-t-il.

En parler ou pas? 

Cette question de la communication est la première barrière à franchir. Pourquoi? Par peur de faire peur, de voir les regards changer, d’être jugé, ou encore parce que le dire, c’est reconnaître que cela existe. Et s’il est difficile pour le malade d’aborder le sujet avec son employeur, ce dernier peut également se retrouver désarmé face à une telle annonce. Sa première mission, salarié touché ou non, c’est de libérer la parole. Quant au salarié, faut-il qu’il le dise à son employeur ou pas?  

«Je ne crois pas que l’on puisse à proprement parler d’une obligation. Et même sur des arrêts de travail, la pathologie n’est pas indiquée et l’employeur n’en a pas connaissance. Mais il est toujours important d’être transparent et de dire les choses. En tant qu’employeur, si je vois un salarié souvent fatigué, de mauvaise humeur ou moins performant que d’habitude, je pourrais me poser des questions et me faire des idées. Alors que si je sais qu’il est malade, je pourrai l’accompagner…» 

Si le salarié veut continuer et qu’il le peut, pourquoi s’en priver? L’entreprise a tout intérêt à s’organiser et à s’adapter.
Laurent Lafond

Laurent LafondLLC Real Estate

Des mesures que les entreprises s’engagent à mettre en œuvre en signant la charte, il en existe de nombreuses, comme «aménager les horaires, les journées, réduire le temps de trajet», cite Laurent Lafond. Mais tous les patrons sauront-ils sortir de la logique des chiffres et de la rentabilité pour accepter de les mettre en œuvre? la Fondation Cancer elle aussi très mobilisée sur le sujet évoque les coûts du cancer pour l’employeur: celui de l’absentéisme, de la bonne réputation, l’impact de la rotation du personnel et la baisse de productivité au travail (ce que l’on appelle le présentéisme). Elle propose aussi des «check-list» pour aider les managers (dont certains éléments sont repris ci-dessous).

«Avoir un salarié malade n’est jamais une bonne chose pour une entreprise, du point de vue économique et financier certes, mais aussi de ses compétences, de son savoir. Si le salarié veut continuer et qu’il le peut, pourquoi s’en priver? On sait à quel point rester actif peut aider dans la guérison, l’entreprise a tout intérêt à s’organiser et à s’adapter. Je crois que dans des entreprises où il n’y a pas de production, c’est-à-dire pas des machines, il n’y a de richesses que d’homme. Personnellement, en tant que patron, je ferai tout pour les garder et les accompagner comme je le peux, nous ne devrions même pas nous poser la question», défend-il. 

Bien qu’elle porte un nom qui cible une maladie, l’association et la charte Cancer@Work ne s’adresse toutefois pas qu’aux malades du cancer, mais aussi aux personnes atteintes de maladies chroniques parfois lourdes. «Nous prenons aussi en compte les aidants, ceux qui accompagnent au quotidien un proche malade, et qui doivent aussi pouvoir bénéficier de ce soutien», précise Laurent Lafond.