Généralisation du télétravail: la nouvelle norme? ( Crédit: TNP Luxembourg)

Généralisation du télétravail: la nouvelle norme? ( Crédit: TNP Luxembourg)

Le monde du travail est en constante évolution. Offrant une grande flexibilité, le télétravail séduit un nombre croissant d’actifs. La mise en œuvre structurelle et pérenne de ce nouveau modèle requiert pour l’entreprise des transformations opérationnelles, technologiques et managériales.

Le télétravail comme nouvelle organisation du travail a connu 3 grandes phases: des expérimentations dans les années 90, une phase d’incertitudes dans les années 2010 et enfin la phase actuelle. Plusieurs grands groupes pionniers, en majorité américains, avaient lancé dans les années 90 des programmes de télétravail, sur lesquels ils sont revenus 15 ans plus tard. Les raisons évoquées étaient: des outils de collaboration insuffisamment performants, des méthodes de conception plus itératives et moins adaptées au télétravail, ainsi qu’un changement plus fastidieux à orchestrer. Depuis, la tendance s’est inversée, certains n’hésitant plus à parler d’un âge d’or du télétravail, favorisé par la combinaison d’un meilleur taux d’équipement en outils technologiques toujours plus performants, par la porosité de l’usage privé à l’usage professionnel des outils digitaux, ainsi que par des attentes plus fortes d’autonomie et de flexibilité.

Hors circonstances exceptionnelles, un salarié sur cinq au Luxembourg télétravaille occasionnellement. Une étude du LISER, publiée en 2019, énumérait les freins à une plus grande adoption du télétravail. Ainsi, plus de la moitié des emplois occupés ne permettent pas le télétravail par leur nature (nécessitant une présence en continu sur le lieu du travail) ou à cause de la réglementation. Pour le reste, 75% des entreprises dont les emplois permettraient le télétravail ne l’autorisent pas, et ce pour différentes raisons: des équipements insuffisants ou insuffisamment performants (pour des raisons de coûts, de sécurisation, de maintenance), des interrogations sur le retour sur investissement, ou une culture managériale basée sur la présence du salarié... Le dernier frein identifié vient des employés eux-mêmes qui, bien que leur activité permette le télétravail, n’en font pas. Là aussi, diverses considérations entrent en jeu: la proximité géographique du lieu de travail, les difficultés pratiques de travailler chez soi, ou alors la propension culturelle de certains métiers à ne pas tolérer le télétravail. Dans tous les cas, et au vu des bénéfices du télétravail et de son utilité tant pour l’entreprise que pour le salarié, il y a une grande marge de progression.

Une mise en place du télétravail réfléchie et cadrée permettrait de réaliser pleinement son potentiel et d’éviter une régression comme celle du début des années 2010. Un cadre pragmatique et graduel peut être envisagé selon trois axes:

Une diffusion conjointe de l’agilité et des pratiques digitales sur le lieu de travail, l’objectif étant d’atténuer la marche à gravir pour passer au télétravail, ces nouvelles manières de travailler trouvant toute leur valeur alors que les méthodes classiques s’essoufflent. Pour l’agilité, il s’agit d’une flexibilisation de l’organisation favorisant la multidisciplinarité, la mixité des compétences et la délégation des responsabilités. Cette mue est réussie si elle est accompagnée de tout un cadre d’orchestration avec ses habitudes et pratiques (stand-up meeting, sprints, management visuel...), et ses méthodes d’innovation et de créativité (test and learn, cycles courts de développement MVP/time to market). Des rituels spécifiques au télétravail comme les «check-in» et les «sign off» virtuels peuvent être ajoutés.

Le choix d’outils connectés, nomades et performants: la promotion et la généralisation de l’utilisation des outils digitaux doivent permettre, grâce à un accompagnement adapté, de proposer à l’employé une expérience fluide à valeur ajoutée favorisant un gain de temps tout en garantissant un travail collaboratif efficace. Cela implique d’abord une utilisation non dégradée grâce à des outils intuitifs en adéquation avec les besoins spécifiques de cas d’usage pertinents de collaboration. La valeur ajoutée vient ensuite de la modularité (la possibilité d’ajout de fonctionnalités au gré des besoins) et de la convergence des outils de travail et des outils de communication pour un partage et une collaboration en temps réel.

Un changement managérial vers le «télémanagement»: il s’agit de la dimension la plus souvent négligée, bien que fondamentale. Le «télémanagement» se décline en plusieurs pratiques, à commencer par la communication active pour remplacer les multiples points informels fréquents sur le lieu de travail. Elle est fondamentale dans le contexte du télétravail pour le partage de la vision, la motivation des équipes (à travers les remerciements, encouragements ou félicitations), la transmission d’informations et la gestion de projet. Le «télémanagement» implique aussi une redéfinition de la mesure de la performance avec la définition d’objectifs focalisés sur la réalisation des tâches et non pas sur le présentiel.

Une approche holistique du télétravail permettrait d’aller au-delà des économies dans l’immobilier de société pour en faire un atout d’attractivité pour les talents, un levier d’excellence opérationnelle et un gage de résilience du modèle opérationnel.