Des drapeaux ukrainiens flottent devant les bureaux de la banque russe Gazprombank au Luxembourg ce vendredi. Six policiers, présents avant l’heure du rendez-vous et accompagnés de deux agents de sécurité, invitent les deux premiers manifestants à se déplacer vers le trottoir d’en face. Iryna Nikitina et Sergei Nikitin obéissent et attendent le reste des contestataires. Elle se couvre d’un drapeau bleu et jaune. Lui porte une pancarte noire sur laquelle on peut lire «Wake up now» sous le symbole nucléaire. «Il faut se réveiller maintenant parce qu’après, il sera trop tard», explique-t-il. Le couple est Ukrainien et vit au Luxembourg depuis 11 ans. «Depuis que la guerre a commencé, nous essayons d’être actifs», raconte Iryna Nikitina. «Nous pensons que tout le commerce avec la Russie doit être stoppé, y compris l’achat de gaz, qui finance la guerre.» En manifestant aujourd’hui devant la banque du groupe Gazprom, «nous ne sommes pas là pour faire peur aux gens qui travaillent ici, mais pour leur montrer qu’ils représentent une menace pour l’Ukraine et pour l’Europe en finançant la Russie».
Peu à peu, le groupe s’agrandit. Il se compose bientôt de neuf personnes brandissant leurs pancartes face à la banque, dans une ambiance calme et pacifique. Parmi elles, Valeria Pasternak. «Ce n’est pas une guerre, c’est du terrorisme, un génocide», dénonce l’Ukrainienne qui vit à la frontière allemande depuis 15 ans. Elle qualifie Vladimir Poutine de maniaque. «D’autres dirigeants auraient réagi aux sanctions économiques en place, lui non. C’est pour cela qu’il faut faire le maximum».
Un avis que partage une autre Valeria (elle ne souhaite pas communiquer son nom complet). Elle aussi s’est entourée d’un drapeau d’Ukraine, son pays d’origine, qu’elle a quitté pour le Luxembourg il y a cinq ans. «Toute ma famille vit à Kyiv. Chaque matin, je me demande s’ils sont en vie».
Jouer sur la finance
«S’il y a bien un secteur sur lequel il peut mettre la pression, c’est la finance», déclare-t-elle. «Il y a encore plein de capitaux russes ici, des comptes d’oligarques proches de Poutine». Faisant de Gazprombank un «portefeuille de la guerre».
L’établissement installé en 2013 au Luxembourg se définit sur son site comme «filiale à 100% de Gazprombank, la troisième plus grande institution financière en Russie». Elle emploie une centaine de personnes au Grand-Duché. Leurs emplois, «je pense que c’est un petit prix à payer, surtout en connaissant le système de chômage, par rapport à la guerre en Ukraine», estime Valeria.
Vous vivez dans le confort et la sécurité européenne, n’ayez pas peur.
Si la banque ne fait pas partie par l’Union européenne,
Un ultimatum, sans retour
La manifestation, qui a duré de 11h à 13h, aura rassemblé une vingtaine de personnes selon l’organisateur, Mark Kitchell. Citoyen américain et européen travaillant pour Amazon au Luxembourg, il a également des amis en Ukraine. Avant l’événement, il a adressé une lettre aux dirigeants de la banque. «Je vous appelle à sortir aujourd’hui et parler avec les manifestants. Si votre banque est innocente, vous êtes libres de nous le dire. Si vous faites partie de ces millions de Russes contre la guerre, vous pouvez nous rejoindre. Vous vivez dans le confort et la sécurité européenne, n’ayez pas peur», a-t-il écrit. Mais personne n’est descendu. «Je ne suis pas surpris. Je pense que nous avons fait valoir notre point de vue. L’action était principalement symbolique, je sais qu’ils ne vont pas fermer la banque ce soir». Il se dit satisfait de la façon dont les choses se sont déroulées avec la ville qui lui a accordé son permis de manifester. Contactée, la banque n’a pas répondu à Paperjam.