Selon l’ILR, en 2020, un client résidentiel moyen a payé 39,3 euros/MWh (soit 0,0393 euro/kWh) pour la fourniture de gaz naturel. Ou 1.201 euros pour 30.556kWh de gaz naturel sur un an. (Photo: Shutterstock)

Selon l’ILR, en 2020, un client résidentiel moyen a payé 39,3 euros/MWh (soit 0,0393 euro/kWh) pour la fourniture de gaz naturel. Ou 1.201 euros pour 30.556kWh de gaz naturel sur un an. (Photo: Shutterstock)

Depuis le début du mois de septembre, le prix du gaz naturel sur les marchés de gros européens affole les compteurs. Et au Luxembourg?

Le ministère de l’Énergie estime à 32% la hausse absolue du prix du gaz pour les particuliers entre le 1er janvier et le 1er octobre 2021 pour une fourniture intégrée – incluant le tarif d’utilisation du réseau et les diverses taxes – destinée à un client domestique.

Du côté d’Encevo (maison mère d’Enovos et Leo), qui possède environ 60% des parts de marché de la fourniture de gaz au Luxembourg, on estime plutôt cette hausse autour des 25%, en utilisant, il est vrai, une autre méthode de calcul.

300% d’augmentation

Mais cette hausse ne reflète même pas, en comparaison, celle des prix sur les marchés. Par rapport à janvier dernier, certains produits gaziers affichent une augmentation de plus de 300%. «Le gaz s’achète sur des bourses. La plus grande se trouve aux Pays-Bas. Sur le marché de gros, on peut acheter le gaz pour le mois prochain, mais aussi pour le trimestre prochain, pour un bandeau couvrant l’ensemble de l’année prochaine ou même les années 2023 ou 2024», explique Claude Simon, head of energy sales chez Enovos Luxembourg.

«Un exemple? Un bandeau annuel pour l’année 2022, c’est-à-dire la même quantité de gaz tout au long de l’année, se vendait en début d’année à 16 euros le kilowatt-heure. Ce même produit, lundi dernier, était à 43 euros. Pour l’année 2023, le kilowatt-heure s’affichait aussi autour des 16 euros en début d’année et à 25 euros actuellement. Par contre, un produit trimestriel pour une fourniture en Q4 de cette année se vend actuellement à 73 euros du kilowatt-heure, contre 18 euros en début d’année. Idem pour le quadrimestre 1 (Q1) de l’année prochaine, autour de 73 euros, contre 18 euros en début d’année. Ce sont des produits hivernaux, et il y a en ce moment une forte pression sur les marchés», souligne Claude Simon.

Les fournisseurs d’énergie doivent donc, comme des traders, anticiper les achats de gaz sur des durées différentes afin de se constituer un portefeuille de produits structurés permettant, sur le long terme, un amortissement de la volatilité des prix sur les marchés de gros pour le client final.

Un hiver long et une reprise en Asie

Actuellement, le marché est d’ailleurs sous pression pour diverses raisons, comme la reprise économique en Asie et un dernier hiver plus long qu’à l’accoutumée. Résultat: en Europe, les prix sur le marché du gros flambent. «Je n’ai pas de boule de cristal, mais les chiffres sur les achats à long terme montrent que cette hausse des prix est temporaire», tente de rassurer Claude Simon.

«Il y a deux types de fourniture de gaz. Le gaz qui arrive via les gazoducs, et le gaz qui arrive par bateau, que l’on appelle LNG, pour ‘liquefied natural gas’. Avec la reprise économique de l’Asie, qui est généralement un marché plus cher que le marché européen, les bateaux LNG livrent pour le moment uniquement ce continent asiatique. Pour illustrer la difficulté, l’année dernière, 13% du gaz consommé en Belgique venait des bateaux LNG», analyse Claude Simon.


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Outre la demande asiatique happant les bateaux LNG, l’hiver trop long a donc aussi entamé les stocks européens. «Le gaz est surtout utilisé pour se chauffer. Le dernier hiver n’a pas été particulièrement rude au niveau des températures, mais il a été long, avec des températures assez basses jusqu’en mai et juin. La demande en gaz s’est donc prolongée», précise encore Claude Simon. La même explication est fournie par le ministère de l’Énergie: «Le remplissage des stockages n’a débuté réellement que fin mai, début juin. Les niveaux des stocks en Europe sont encore quelque 20% inférieurs à ceux de l’année dernière à la même période. Alors que les stocks se doivent d’être remplis pour début octobre – donc, avant le début de la prochaine saison hivernale –, la demande de gaz a mis une forte pression sur les marchés et généré un niveau de prix sur les bourses anormalement élevé pour la saison.»

Des niveaux similaires dans le passé

Chez Enovos, qui a 30% des parts de marché de la fourniture de gaz au Luxembourg, on nuance un peu la situation. Selon ses données, un client domestique standard consomme 2.700m3 de gaz par an, essentiellement pour se chauffer. Au 1er janvier dernier, il fallait débourser environ 1.500 euros pour cette consommation, soit 0,53 euro du mètre cube. Actuellement pour la même quantité, le mètre cube consommé est à 0,7 euro, soit une augmentation de 32%. «La facture du client prend cependant en compte la variation des prix et également la variation de la consommation au cours d’une année. Cette pondération permet d’amortir davantage l’augmentation des prix actuelle. Ainsi, par rapport à la facture 2020, la facture finale 2021 ne devrait augmenter que de 25%», précise Enovos.

«Il est complexe de comparer les prix finaux. Par exemple, les prix finaux, donc TVA et taxes incluses, étaient 8% moins chers en janvier 2019. Mais en 2011 ou en 2013, les prix étaient plus élevés qu’actuellement, avec un mètre cube de gaz à 0,76 et 0,78 euro. À noter qu’il n’y avait pas encore la taxe carbone dans le prix, puisqu’elle n’existe que depuis cette année. Donc, les prix ont déjà connu dans le passé des niveaux similaires», explique encore Claude Simon.

Autre avantage pour les clients: la facture est très souvent fixe et forfaitisée. «Généralement, les augmentations de prix se lisent sur la durée. Dans le passé, l’évolution des prix sur le marché n’a jamais été aussi rapide, et nos services calculent assez bien le plan de financement pour ne pas avoir à adapter radicalement la facture. Mais il faudra effectivement rester attentif à l’évolution des prix», a encore indiqué Claude Simon.

Une facture tout de même en hausse

Selon l’ILR, en 2020, un client résidentiel moyen a payé 39,3 euros/MWh (soit 0,0393 euro/kWh) pour la fourniture de gaz naturel. Ou 1.201 euros pour 30.556kWh de gaz naturel sur un an. Avec une augmentation de 25 à 32% du prix du gaz, la facture pour le client particulier au Luxembourg pourrait devoir débourser, en moyenne, entre 384 euros et 300 euros de plus.

En France, l’association de consommateurs UFC-Que Choisir estime que la facture annuelle des ménages pour se chauffer va augmenter de 150 euros. En Belgique, L’Écho a estimé à 600 euros l’écart de prix entre un contrat «variable» de fourniture de gaz de 23.260kWh en 2019 et en 2021. La Commission de régulation de l’électricité et du gaz (Creg), toujours en Belgique, a calculé de son côté une hausse de 133 euros par rapport à 2019, et 181 euros par rapport à 2020.

Au Luxembourg, environ 90.000 ménages (sur 265.000) consomment du gaz naturel pour se chauffer, soit 40% du gaz naturel importé. Environ 15% du gaz naturel est consommé par des entreprises comme des commerces pour se chauffer. L’industrie, qui a une consommation linéaire pour produire et non pour se chauffer, consomme environ 40% du gaz naturel importé dans le pays. Enfin, 5% du gaz est utilisé pour produire de l’électricité en cogénération.