Pour Gary Diderich, co-porte-parole de déi Lénk, l’activisme du gouvernement en matière de logement ne fait que prolonger une politique connue depuis des années et dont le résultat est de rendre l’investissement dans la pierre de plus en plus rentable au détriment des besoins de la population et donc du secteur du logement abordable. Aider fiscalement les propriétaires et les investisseurs en les déchargeant de leurs obligations, notamment environnementales n’est pas pour lui la bonne approche. «La crise du logement ne sera pas résolue par les promoteurs privés», insiste-t-il. C’est à l’État et aux communes de prendre leur responsabilité pour que le logement abordable ne soit plus un marché de niche.
Que pensez-vous de la politique du logement du gouvernement actuel?
Gary Diderich. — «Ils mettent beaucoup de mesures en place, mais des mesures surtout en faveur des promoteurs, des investisseurs et des gens qui peuvent se permettre d’acheter un logement. Des mesures qui ne garantissent en rien l’accroissement du parc de logement abordable à moyen et à long terme. Un parc qui ne pèse que 1,4% de tout le parc immobilier. Une proportion qui d’ailleurs recule année après année. Le nombre de logements abordables pour 100 habitants a reculé depuis 2021. Le logement public reste une niche.
Le ministre du Logement, (DP), vient d’annoncer une réforme de la loi sur le logement abordable et promet . C’est totalement irréaliste. C’est un trompe-l’œil. Il pense que cet objectif est réalisable parce qu’il compte sur l’action des communes, mais à l’heure actuelle, à part les grandes villes, les communes n’ont pas les moyens de peser sur la construction de logements abordables. Et je ne parle pas de moyens financiers, mais de moyens humains. C’est là où est le frein. En allouant aux communes et aux asbl entre deux et trois millions par an pour recruter le personnel capable de monter les projets, on pourrait alors atteindre les 500 logements promis par Claude Meisch. Pourquoi ne le fait-on pas?
Pourquoi les objectifs affichés par les gouvernements en matière de logements en général et de logements abordables en particulier ne sont jamais atteints selon vous?
«C’est simple: les gouvernements n’interviennent pas là où cela pourrait faire changer les choses, c’est-à-dire sur le foncier et sur les loyers.
Le foncier est actuellement en très grande partie dans les mains des promoteurs privés. L’État et les communes détiennent 18,4% de la totalité des 5.707 hectares de terrains constructibles. Et ces terrains sont soit des friches, soit des terrains difficilement exploitables qu’il est impossible de mobiliser dans les cinq ans. Ils ne se donnent pas les moyens. Et pour tout ce qui touche de la protection des locataires, il n’y a rien. Face aux loyers qui augmentent, il n’y a toujours pas de plafonnement. Un régime existe bien, mais il n’est pas effectivement appliqué. Les loyers doivent être conformes à la loi et ne pas se plier sans condition aux lois du marché.
Vous évoquez le plafonnement des loyers. Selon quels critères devrait-il s’effectuer?
«Il faut comme le prévoit la loi actuelle se baser sur le capital investi, mais en neutralisant la partie spéculative.
Comment?
«Il faut remonter aux prix pratiqués dans les années 1990. Un moment de bascule où les loyers se sont mis à augmenter bien plus vite que l’indice de la construction. C’est cette différence entre la hausse des loyers et celle de l’indice de la construction qu’il faut neutraliser. Nous avons déposé une proposition de loi dans ce sens en 2017. Elle est prête à être votée.
Quelles sont les autres mesures d’urgence qui devraient être prises?
«Il faut augmenter les pourcentages de logements abordables dans les PAP. Le pourcentage actuel est bien trop limité. Les promoteurs devraient prévoir 30% de logements locatifs abordables à céder aux promoteurs publics pour tous les PAP de plus de 10 unités de logement. Pour les PAP de cinq à neuf logements, ce taux devrait être de 15%.
En tant qu’aménageurs de villes et de quartiers, les communes sont les constructeurs de logements idéaux. Il faut leur donner les moyens de la faire. Et à terme introduire un taux minimum de logements locatifs abordables pour toutes les communes.
Enfin, il faudrait créer une entreprise de construction publique qui donne aux promoteurs publics les moyens de leurs ambitions, une entreprise sur laquelle ils pourraient s’appuyer pour leurs projets prioritaires. Une telle entreprise aurait de plus un impact positif sur l’emploi et les conditions de travail dans l’ensemble du secteur de la construction.»