Ici aux côtés de Romain Guillaud, Christophe Antoine (à droite) déplore qu’il n’y ait aucune aide spécifique pour les start-up. (Photo: Archives Paperjam)

Ici aux côtés de Romain Guillaud, Christophe Antoine (à droite) déplore qu’il n’y ait aucune aide spécifique pour les start-up. (Photo: Archives Paperjam)

Christophe Antoine ne hausse pas le ton. Mais le cofondateur de Polaar Energy prévient: la sortie de la crise va être terrible pour les start-up, faute d’aide de l’État et d’un écosystème suffisamment mobilisé.

«Qu’on ne me parle pas d’écosystème! Il n’y a pas d’écosystème. Un écosystème, ça ne consiste pas à faire des webinars! Je dis cela sans agressivité. De manière générale, on ne peut pas se contenter de tenter de trouver une seule pépite. Je ne parle même pas pour moi, mais des gosses vont mourir! Moi, j’ai une quinzaine d’années d’expérience, j’espère que je vais m’en sortir. Mais on a dit à ces jeunes, qui ont 18 ou 20 ans, qu’on était une start-up nation, ils ont des idées, ils ont de l’énergie, ils travaillent comme des dingues, mais ils vont tout y laisser à la sortie de la crise!»

Il est plutôt le bon copain, Christophe Antoine. Toujours sympa, toujours ouvert à toute discussion polie, souvent drôle. L’entendre aussi caustique n’est pas anodin, alors même que a déjà des clients pour ses capteurs intelligents de fuite d’eau.

Christophe, on a déjà entendu une fois votre coup de gueule, je l’entends aujourd’hui encore. Vous n’avez pas demandé ou obtenu d’aides?

Christophe Antoine. – «Comme beaucoup de gens, nous avions demandé l’aide d’urgence, la première à 2.500 euros. Mais elle était limitée à ceux dont le business a été fermé par décision de l’État. Nous avons eu une réponse négative, comme 60% des dossiers. Nous avons demandé les 5.000 euros de la deuxième aide, mais jusqu’ici, nous n’avons reçu ni un oui ni un non!

Le hackathon de l’État et de Luxinnovation, qui est financé par l’argent qui n’est pas utilisé par un Fit4Start, est quand même curieux. Je comprends l’État. Il n’a pas voulu se griller à donner 150.000 euros à des start-up qui auraient pu se casser la figure six mois plus tard, alors il a retenu des projets déjà financés et moins risqués.

On parle de la garantie bancaire de l’État, mais si vous demandez un crédit de 20.000 euros à votre banquier, il vous demande 20.000 euros de garantie personnelle avant même de parler de la garantie… Il n’y a eu aucune aide spécifique pour les start-up, c’est ça, la vérité! Pour les PME, oui, mais pas pour les start-up. Ça va créer de grosses frustrations!

Qu’est-ce que vous auriez imaginé, comme aide?

«La France a créé une sorte de fonds d’investissement, que des particuliers peuvent abonder contre une déduction fiscale. Ici, on ne veut pas de ça, mais si vous donnez 1.000 euros à la Croix-Rouge, ils sont déductibles à 100%… Il y a probablement des possibilités, nées des budgets non utilisés, d’aider ces entrepreneurs innovants! Il y a des possibilités d’aider au niveau du loyer.

La réalité, pour des gens comme nous, c’est que vous avez un mois de chômage partiel, et que si l’économie repart dans six mois, vous devez vous débrouiller pendant cinq mois. Certains ont des droits au chômage. D’autres pensent à reprendre un job à mi-temps ou à lever le pied pendant un temps, histoire d’attendre que l’économie reparte.

Dans mon idée, les start-up sont agiles, se réinventent, changent de produits, de process, sont créatives… Vous avez fait quoi pendant deux mois? Et comment vous vous préparez à la sortie de ce virus?

«D’abord, vous encaissez la crise, brutale! Comptable de formation, je suis assez familiarisé avec la paperasse administrative, mais sinon, ça aurait été très compliqué. Nous avons continué à prospecter, à aller sur les réseaux sociaux pour multiplier les connexions et les opportunités. Nous avions déjà des clients pour notre produit, un objet connecté qui permet de lutter contre les fuites d’eau. Et là, j’attends avec impatience le projet de loi pour les investissements dans les technologies écologiques. De voir si on ne parlera que des panneaux solaires ou si nous avons aussi une chance.

Comme nous avons encore une vingtaine de prospects, c’est sûr que si on pouvait leur expliquer que l’État va financer 50% du dispositif, ça les aiderait à sauter le pas. La Belgique a déjà un dispositif d’aide de ce type pour l’IoT. Nous sommes aussi toujours qualifiés pour le hackathon de la proptech où nous essaierons de représenter le Luxembourg du mieux possible. Et cette semaine, on a pu recommencer à avoir des rendez-vous avec des clients potentiels.

Pendant les trois premières semaines de la crise, on ne joignait plus personne. Je suis passé de zéro à une vingtaine de rendez-vous. Quelles que soient les difficultés, nous allons montrer que nous sommes là! Qu’on va aller jusqu’au bout! Mais on sait que l’humain n’apprend jamais rien, qu’il va falloir encaisser la crise économique et financière.»