La Fondation Idea fait le point sur le nombre de travailleurs frontaliers. (Photo: Maison Moderne / Archives)

La Fondation Idea fait le point sur le nombre de travailleurs frontaliers. (Photo: Maison Moderne / Archives)

La Fondation Idea, think tank de la Chambre de commerce, s’est intéressée aux travailleurs frontaliers et détachés. Pas question de remettre en cause la croissance et l'importance des premiers au Luxembourg. Leur nombre, par contre, serait moins important que ce qui est généralement annoncé.

Les travailleurs frontaliers sont d’une importance vitale pour le Luxembourg et sa dynamique économique. Personne ne le conteste.  Vincent Hein, économiste à la Fondation Idea, s’est donc intéressé à eux et surtout à leur nombre. Comme il le relève , on a souvent entendu affirmer que les frontaliers constituent 46% de la main-d’œuvre luxembourgeoise ou que les travailleurs français ont désormais passé le cap des 100.000 personnes.

Des chiffres d’ailleurs souvent validés sur base des données de l’Inspection générale de la sécurité sociale (IGSS). Mais qui, pour Vincent Hein, s’ils ne sont pas mensongers ne sont pas non plus parole d’évangile, comme le démontre son analyse fine.

8.000 travailleurs luxembourgeois détachés

Selon lui, les travailleurs frontaliers seraient en réalité moins nombreux que ce que l’on affirme le plus souvent. Tout d’abord, car tous les salariés qui déclarent résider à l’étranger ne sont pas nécessairement domiciliés dans un pays voisin. Ils sont 7.400 dans ce cas. Ensuite, car des travailleurs frontaliers attachés à la sécurité sociale luxembourgeoise peuvent être détachés dans un autre pays. 8.000 seraient dans cette situation.

Le cas de la France est à ce titre éloquent, selon Vincent Hein. En 2018, le cap des 100.000 Français qui travaillent au Luxembourg aurait été franchi et cela a été largement commenté. «Notamment par Idea», reconnaît l’économiste.

91.650 Français plutôt que 98.250

Qui explique qu’au premier trimestre 2018, les chiffres renseignaient 98.250 travailleurs français. «Mais un peu plus de 3.000 ne résidaient pas en Lorraine et près de 700 entraient dans la catégorie ‘lieu de résidence non déterminé’.»

On imagine mal des travailleurs venir travailler au Luxembourg tout en résidant à l’autre bout de la France. «Il est plus plausible qu’il s’agisse de situations dans lesquelles des salariés fraîchement recrutés ne disposaient pas encore de logement ‘fixe’ au moment de remplir les formalités administratives d’affiliation à la sécurité sociale. Il peut leur arriver de renseigner provisoirement l’adresse d’un membre de leur famille et rien ne nous permet de dire où ils résident réellement», relève Vincent Hein. Qui estime que certains ont aussi une double résidence et pointe encore le fait que parmi les 3.000 Français qui ne résident pas en Lorraine, 600 sont en réalité détachés.

En outre, l’IGSS comptabilisait, au premier trimestre 2018, 94.500 salariés lorrains, dont il faut retrancher 2.900 personnes qui sont détachées.

En conclusion, «cela ferait passer le contingent lorrain de frontaliers ‘quotidiens’ de 98.250 à 91.650. Si la barre symbolique est proche des 100.000, elle n’a, selon toute vraisemblance, pas encore été franchie.»

3.500 détachés en France et non 16.000

Autre chiffre pourfendu par Vincent Hein: celui du nombre de travailleurs luxembourgeois détachés en France. Ils seraient 16.000, selon la Cour des comptes de Paris. Or, cette Cour tient compte de contrats signés et non d’emplois. Selon l’IGSS, ce ne sont en réalité que 3.500 travailleurs luxembourgeois qui sont détachés en France.

Enfin, Idea constate aussi un écart entre le nombre de résidents salariés du Luxembourg et le nombre de frontaliers qui passent la frontière. Si on exclut ceux qui vivent hors de la Grande Région et les détachés, les Allemands ne seraient que 42.400, alors qu’on évoque plutôt habituellement 46.800 personnes, les Belges 42.760, et non 47.250.

Globalement, le Luxembourg ne comptait donc que 176.760 frontaliers au premier semestre au lieu de 192.300, soit 8% de moins. La barre des 200.000 n’a donc sans doute pas encore été franchie.

Les Belges, champions du détachement

Enfin, Idea souligne que de tous les travailleurs frontaliers, ce sont les Belges les plus concernés par le détachement. 5,7% de ceux qui sont attachés à la sécurité sociale luxembourgeoise et vivent en Belgique travaillent au quotidien dans un autre pays que le Luxembourg. Les Allemands ne sont que 4% dans ce cas, les Français 3,6%.

Et si, comme déjà relevé, 8.000 travailleurs frontaliers sont au total détachés, 7.000 le sont au sein de la Grande Région.

«Cette analyse ne remet en cause ni l’importance du travail frontalier sur le marché du travail luxembourgeois, ni le fait que son évolution rapide et continue est un enjeu économique et social de premier plan. Elle nous invite en revanche à nous donner les moyens d’observer avec plus de précision les évolutions du travail détaché depuis le Luxembourg et ses possibles impacts», conclut Vincent Hein.