Le maire de Thionville, Pierre Cuny (à gauche), et celui de Fameck, Michel Liebgott, ont tenu une conférence de presse ce mardi après-midi pour officiellement lancer l’écriture du projet de territoire commun. (Photo: mairie de Thionville)

Le maire de Thionville, Pierre Cuny (à gauche), et celui de Fameck, Michel Liebgott, ont tenu une conférence de presse ce mardi après-midi pour officiellement lancer l’écriture du projet de territoire commun. (Photo: mairie de Thionville)

Cinq ans que le sujet était discuté. Mais le préfet de la Moselle ne l’a validé que cet été. Les agglomérations Thionville-Portes de France (80.000 habitants dans 13 communes) et Val de Fensch (71.000 habitants pour 10 communes) ne feront plus qu’une officiellement au 1er janvier 2026, sous l’appellation Thionville-Fensch Agglomération. Soit la 36e agglomération de France, et la deuxième de Moselle en termes de population. 

«Symbolique», «naturelle», «nécessaire», à chaque élu sa formule pour décrire ce rapprochement entre les deux communautés d’agglomérations. Mais pour le président de Thionville-Portes de France aussi maire de Thionville, Pierre Cuny, et celui de la CA Val de Fensch et maire de Fameck, Michel Liebgott, il ne fait aucun doute que la collectivité, qui comptera près de 160.000 habitants, aura bien plus de poids dans les débats, régionaux, nationaux, mais aussi transfrontaliers.

Avant les débats, les constats. Pour Pierre Cuny, plutôt libéral de droite, et pour Michel Liebgott, également libéral mais plus à gauche, les frontières dessinées par les politiques n'existent déjà plus sur le territoire. « Dans le fonctionnement quotidien des habitants de notre secteur, la fusion est faite depuis longtemps. On passe d’une communauté à l’autre sans rupture urbaine. Nous avons autant de personnes des deux agglomérations qui vont chaque jour travailler dans l’autre. Le bassin de vie est déjà le même », explique Michel Liebgott.

Le siège de la CA Portes de France est Thionville, celui de la CA Val de Fensch est Hayange.  (Carte: CAPFT) 

Le siège de la CA Portes de France est Thionville, celui de la CA Val de Fensch est Hayange.  (Carte: CAPFT) 

Le maire de Thionville, Pierre Cuny, évoque certains enjeux: «Nous sommes confrontés à des défis territoriaux majeurs, notamment en raison de notre position géographique : des problèmes de mobilité, de transition écologique, et de reconversion des friches industrielles pour lesquels nous devons collaborer. Nous partageons les mêmes compétences, les mêmes enjeux territoriaux, ainsi que les mêmes problématiques de gestion des territoires.»

Et les deux territoires ont forcément une autre caractéristique commune: un nombre croissant de frontaliers. Selon les données de l’Insee, les ratios d’emplois sur actifs occupés des communautés d’agglomérations de Portes de France-Thionville et du Val de Fensch sont les plus élevés du Nord lorrain, avec respectivement 88 et 70 emplois pour 100 actifs occupés. 

Lorsque vous êtes une collectivité de 160.000 habitants, vous êtes plus facilement entendu.
Michel Liebgott

Michel Liebgottprésident de la CA Val de Fensch maire de Fameck

«Sur les gros dossiers tels que le service express régional métropolitain, il est évident que lorsque vous êtes une collectivité de 160.000 habitants, vous êtes plus facilement entendus, comme sur les dossiers ‘santé’, ‘université’. C’est une vérité qui est liée aux rapports de force qui se jouent entre collectivités. Nous allons créer un rapport de force», abonde Michel Liebgott. 

La fusion doit aussi permettre «de peser dans le cadre du débat notamment frontalier, mais aussi peser sur le territoire français en réunissant nos forces. Je trouve que c’est important qu’une collectivité de 160.000 habitants soit maintenant organisée pour discuter, par exemple avec Prosud, côté luxembourgeois», commente Pierre Cuny, probablement le futur président de cette nouvelle agglomération, selon les dires de son homologue Michel Liebgott. 

Selon le maire de Fameck, les dossiers prioritaires en matière de coopération transfrontalière sont l’et de parvenir à un nouveau mode de fonctionnement avec le Luxembourg sur les questions de santé. Pierre Cuny complète, au-delà des dossiers : «Nous voulons porter des projets ambitieux, comme une connexion Thionville-Esch via le Bus à haut niveau de service (BHNS), et faire des propositions pour la mobilité ferroviaire bien qu’elle soit portée par la Région. Un autre sujet est celui du logement, compte tenu de la démographie, et de la raréfaction de l’offre foncière au Luxembourg.»

Communes, agglo, PMF, CIG… mais encore?

Mais ces dossiers, évoqués par les deux élus, sont pour la plupart déjà discutés dans le cadre de la Commission intergouvernementale France-Luxembourg (CIG), issue d’une convention franco-luxembourgeoise signée en 2010 pour renforcer la coopération transfrontalière. Il ne faut pas la confondre avec le Pôle métropolitain frontalier, qui est également un espace de coopération transfrontalière, créé début 2019. Ce dernier regroupe huit intercommunalités de Moselle et de Meurthe-et-Moselle (338.000 habitants) structurées autour des pôles urbains de Thionville et de Longwy, ainsi que de la frange sud du pôle principalement luxembourgeois de Kayl-Ottange. La première agit à un niveau étatique, tandis que le second — qui siège également dans la CIG — se limite plutôt à une dimension régionale, bien que transfrontalière.

«Cette force que l’on a aujourd’hui à travers le PMF passe aussi par l’existence d’une grosse agglomération. L’objectif, ce serait que cette grosse agglo’ puisse exister aussi en tant que telle, au niveau de la CIG, et qu’il n’y ait pas seulement les députés et les préfets. Ce n’est pas de Paris qu’on arrivera à régler les problèmes que l’on a ici. Le gouvernement luxembourgeois connaît ces problèmes, les Parisiens un peu moins bien», explique Michel Liebgott, qui a lui-même siégé à la CIG en tant que député par le passé. 

Avec cette fusion, les deux agglomérations renforcent donc leur position commune au sein du PMF. Mais pas «une couche supplémentaire» dans le millefeuille pour autant, selon Pierre Cuny. «Au contraire, on simplifie. Au sein du PMF il y aura maintenant une plus grande agglomération qui sera plus lourde et qui sera un interlocuteur avec plus de poids. Cela va permettre de structurer les projets et d’avancer dans le cadre de la discussion que nous voulons avoir avec nos collègues luxembourgeois. On va maintenant avoir une visibilité claire de ce que l’on veut pour notre territoire.»

De plus, cette nouvelle agglomération, «rien ne dit qu’elle ne va pas encore s’étendre jusqu’à certaines communes à la frontière. Je pense que ça se fera un jour, pas pour l’instant, mais un jour», glisse Michel Liebgott. L’intercommunalité du Pays haut – Val d’Alzette et celle de Cattenom et environs sont en effet plus proches de la frontière luxembourgeoise. Le président de cette dernière, Michel Paquet indiquait l’été dernier dans l’hebdomadaire La Semaine: «J’espère juste que cette fusion amènera du positif aux habitants et qu’il ne s’agit pas d’une basse volonté politique de vouloir créer le pendant de Metz.» 

Une carte de l’arrondissement de Thionville, qui comprend la nouvelle grande agglomération, mais aussi la CC de Cattenom ou celle du Pays Haut Val d’Alzette, géographiquement plus proches de la frontière.  (Carte: Préfecture de la Moselle)

Une carte de l’arrondissement de Thionville, qui comprend la nouvelle grande agglomération, mais aussi la CC de Cattenom ou celle du Pays Haut Val d’Alzette, géographiquement plus proches de la frontière.  (Carte: Préfecture de la Moselle)

Au 1er décembre 2025, les élus vont procéder à l’élection du nouveau conseil, qui aura un président, et 15 vice-présidents. Au total, la nouvelle collectivité devrait compter 80 élus communautaires, contre près de 100 aujourd’hui avec les deux agglomérations. Le nouveau conseil sera mis en place au 1er janvier 2026 et la collectivité siègera à Yutz, dans l’ancien bâtiment de la CCI récemment acquis par la CA Portes de France-Thionville. À peine installé, le nouveau conseil devra se soumettre au choix des citoyens puisque 2026 sera une année d’élection municipale en France. Ce n’est donc qu’après ce passage aux urnes que le projet de territoire, dont l’écriture débute, sera définitivement voté et adopté.