Le maire de Thionville veut positionner sa ville comme une ville européenne et frontalière. Mais pour cela, il faut selon lui résoudre le problème de la pression fiscale et mieux partager les investissements avec le Luxembourg. (Photo: Paperjam)

Le maire de Thionville veut positionner sa ville comme une ville européenne et frontalière. Mais pour cela, il faut selon lui résoudre le problème de la pression fiscale et mieux partager les investissements avec le Luxembourg. (Photo: Paperjam)

Le maire de Thionville, Pierre Cuny, tenait ce mardi matin sa conférence de rentrée. Sa volonté de placer la ville frontalière de 46.000 habitants au carrefour de l’Europe reste toujours aussi forte. En dix ans, 170 millions d’euros ont ainsi été investis, et à l’instar des prévisions démographiques, le nombre de frontaliers devrait lui aussi augmenter. Un défi pour la ville et sa nouvelle agglomération fusionnée. 

Pour dérouler sa conférence de presse de rentrée, le maire de Thionville depuis 2016, Pierre Cuny, a choisi le Spot, ce nouveau complexe sportif de 4.400m2 situé derrière le théâtre, juste en face du parking de la place de la Liberté bien connu des frontaliers. L’équipement est le fruit d’un peu plus de trois ans de travaux et sera inauguré lundi prochain. Comme un symbole fort de l’orientation voulue par le maire de faire de sa ville une référence en matière de sport.

Il en a également profité pour dévoiler une brochure d’une cinquantaine de pages synthétisant l’action de la ville depuis dix ans. Une période au cours de laquelle 170 millions d’euros ont été investis afin de faire de la sœur jumelle d’Esch-sur-Alzette une ville attractive, et de se donner les moyens d’assumer une démographie en hausse. Selon les prévisions évoquées par le maire, 60.000 habitants y vivront dans 20 ans. Et le nombre de frontaliers qui iront travailler au Luxembourg suivra la même tendance haussière. 

Un tiers des frontaliers sont issus de notre territoire. Ce qui nous donne une grande responsabilité.

Pierre Cuny MaireThionville

«Sur le pôle métropolitain frontalier qui regroupe les huit EPCI, on a 50 à 80% d’habitants qui travaillent au Luxembourg. Sur Thionville c’est 50%, et sur la grande agglomération Thionville-Fensch, ce sera environ 40.000 personnes. Un tiers des frontaliers sont issus de notre territoire. Ce qui nous donne une grande responsabilité. Par ailleurs, le Statec prévoit 160.000 frontaliers d’ici 2035, et nous savons très bien que la moitié viendra de notre territoire», détaille le maire Pierre Cuny. 

C’est aussi une des raisons qui a encouragé la création de la nouvelle grande agglomération Thionville-Fensch (160.000 habitants), qui sera officiellement active à compter du 1er janvier 2025 et qui regroupe celle de Portes de France-Thionville et Val de Fensch. «Je pense qu’il était très important d’avoir un poids important, et coexistant par rapport au Luxembourg. Il n’est pas question d’avoir un territoire autarcique, mais plutôt qu’il soit tourné à la fois sur le Luxembourg et sur la Lorraine. Cela a toujours été ma volonté: inscrire Thionville comme une ville ouverte, européenne, frontalière, ce qui n’avait jusqu’à maintenant pas totalement été fait», défend-il.

L’enjeu du logement et de la pression foncière

Mais le territoire, même redessiné, sera-t-il en mesure d’accueillir tous les frontaliers à l’avenir? Oui, mais avec quelques conditions, selon le maire. D’abord, «on a tout un travail à faire en termes de pression foncière et de création de logements».  À ce titre, plusieurs gros projets se poursuivent, comme le «chantier pharaonique» de la Côte des Roses/Bel-Air qui sera fini d’ici trois ans (120 millions d’euros d’investissement); et les deux nouveaux quartiers sur les rives gauche et droite. 

Sur la rive gauche d’abord. Une zone de 17ha où les anciennes friches d’Arcelor sont en cours de dépollution en vue de devenir un écoquartier. Les premiers permis seront déposés en 2025 pour un top départ de la phase de construction fin 2025-début 2026. Sur la rive droite, l’équipe municipale vise la création d’une ZAC.  «L’objectif est de créer un quartier très européen et tourné vers le Luxembourg». À l’échelle de l’agglomération, le maire évoque aussi des possibilités pour la création de logements, «avec 350ha de friches potentielles du côté de Manom-Fensch». 

Ne pas devenir une ville dortoir

Autre condition pour supporter correctement le phénomène frontalier: éviter de tomber dans l’écueil de la cité dortoir. Il faut donc développer des services, et tant qu’à faire qu’ils bénéficient autant aux habitants qu’aux frontaliers. À ce titre, le maire décrit «symbole». Il a aussi évoqué le futur parking silo à côté de la gare qui sera inauguré au cours du premier semestre 2025 et qui est financé à hauteur de 50% par le Luxembourg. «Il se dénommera Joseph Bech, un des constructeurs de l’Europe, aux côtés de Jean Monnet, aux côtés d’Adenauer, de Gasperi, et bien sûr de Schumann. Nous voulons faire du quartier de la gare un quartier européen, tourné vers les frontières, et en particulier vers le Luxembourg», répète Pierre Cuny. 

Mais pour construire et proposer de nouveaux services, l’argent reste toujours le nerf de la guerre. Alors  Pierre Cuny continue à défendre le principe du cofinancement. Une recette qu’il privilégie, contrairement à celle de , et qu’il aimerait appliquer sur d’autres thématiques que celles liées au transport.

Ce qu’il appelle «le partage de l’économie résidentielle sur le reste à charge». Sur les services tels que les crèches par exemple: «Si nous n’avions pas de crèches sur notre territoire, peut-être que certains parents n’iraient simplement pas travailler au Luxembourg. Ou alors le Luxembourg serait obligé de créer plus de crèches. Et le fonctionnement des crèches coûte bien moins cher en France.» 

Appliquer le tarif luxembourgeois pour les consultations médicales des frontaliers

Mais il va encore un peu plus loin. «Dans un contexte de désertification médicale, nous pourrions imaginer que des médecins du côté français puissent appliquer le tarif luxembourgeois pour les frontaliers. En France, la consultation est à 26€, au Luxembourg, c’est 56€. Lorsque le médecin français cote l’acte de consultation au tarif français, il fait gagner 20 euros à la CNS. Donc ce sujet sera aussi une grande discussion», prévient Pierre Cuny, par ailleurs médecin endocrinologue de profession. Dans le même temps, il plaide pour une plus grande libre-circulation pour la consultation de spécialistes. «Je ne cherche pas du tout à récupérer de l’argent du Luxembourg, mais il faut un développement qui soit équilibré.»

Je ne conteste pas le fait que les gens formés partent au Luxembourg, mais il faut un retour à l’envoyeur, sur le plan financier.

Pierre Cuny maireville de Thionville

Enfin, une meilleure collaboration pourrait être mise en œuvre selon lui sur la formation. En la matière, il plaide pour un «mécanisme de droit de retour à la formation, qui permettrait d’indemniser l’organisme de formation. Mais c’est plus compliqué à matérialiser parce qu’on est en Europe, et en Europe il y a une libre-circulation. Je suis pour que l’on soit un territoire d’ingénierie, d’intelligence, d’industrie. Mais nous ne devons pas être le dindon de la farce. Je ne conteste pas le fait que les gens formés partent au Luxembourg, mais il faut un retour à l’envoyeur, sur le plan financier», insiste-t-il. 

Autant de sujets qui doivent être abordés lors de la prochaine Conférence intergouvernementale (CIG) qui doit avoir lieu en septembre ou octobre, mais qui risque, selon le maire, d’être repoussée compte tenu du désordre politique en France. 


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Sur le plan politique, le maire centriste, membre du parti Horizons d’Édouard Philippe qui a annoncé sa candidature à la présidentielle 2027 soutient toujours son chef de file. Quant à lui, il se laisse du temps pour envisager la suite, et notamment l’élection municipale de 2026. «Pour moi la réflexion est d’abord liée à ma santé. Aujourd’hui je vais bien mais je me donne encore du temps de réflexion. Je suis bien dans une dynamique de repartir, mais avec toujours cette prudence. Avec la grande agglo, on va rentrer dans une dynamique politique beaucoup plus compliquée. On ne peut pas, me semble-t-il, partir du bateau une fois qu’on l’a lancé», souligne-t-il toutefois.