Sauter dans sa voiture, monter dans un train ou combiner bus et train: pour beaucoup, ces gestes font partie de la routine journalière pour se rendre au boulot. Mais une étude inédite menée par l’Institut Terram (un think tank consacré aux dynamiques territoriales) et l’Alliance pour la santé mentale auprès de 3.300 Français, et dévoilée ce mardi 29 avril, révèle que nos trajets quotidiens pèsent lourd sur notre bien-être psychologique. Surtout quand ils sont longs ou compliqués par les bouchons sur l’autoroute ou par les retards et travaux le long des rails.
Un constat qui résonne particulièrement au Luxembourg, où 47% des salariés (soit plus de 230.000 travailleurs frontaliers selon les derniers chiffres du Statec) effectuent chaque jour des déplacements plus ou moins chaotiques en provenance de France, de Belgique et d’Allemagne.
Dépression, stress: les chiffres inquiétants
Selon l’étude, les difficultés rencontrées lors des trajets constituent un facteur non négligeable de détresse psychologique. Parmi les personnes ayant déjà souffert de symptômes dépressifs, 41% estiment que leurs déplacements ont joué un rôle dans leur mal-être. Constat identique pour le stress ou l’anxiété (43%), le burn-out (43%) ou la prise d’antidépresseurs (44%).
Plus globalement, près d’un tiers des étudiants et des actifs déclarent que leurs trajets domicile-travail ou domicile-études ont déjà altéré leur santé ou précipité une grande fatigue.
Les jeunes et les parents isolés plus exposés
Tous les usagers ne sont pas affectés de la même manière. D’après l’enquête, les jeunes adultes apparaissent particulièrement exposés: 35% des 18-34 ans jugent que leurs trajets ont un effet négatif sur leur bien-être, contre 22% des 50-64 ans. Sagesse ou résignation dans le cas des «seniors», l’étude ne le dit pas.
Les femmes, bien que désignant moins directement la mobilité comme une cause de mal-être, restent structurellement plus menacées.
Les parents isolés forment un autre groupe particulièrement affecté. Fatigue, charge mentale, sommeil perturbé: leurs symptômes dépassent largement la moyenne. Lorsqu’ils ressentent de la colère, 43% d’entre eux l’attribuent en partie aux problèmes de déplacement, contre 21% chez les personnes sans enfant.
Longs trajets: un risque aggravé
La distance est également un facteur prépondérant. Deux tiers des personnes parcourant plus de 50 km par jour affirment que leurs trajets ont un impact négatif sur leur moral. Ce pourcentage chute à 19% chez ceux dont le trajet quotidien est inférieur à 5 km. La situation des frontaliers, dont les trajets dépassent souvent une heure matin et soir, illustre parfaitement ce phénomène.
De manière générale, 57% des personnes interrogées estiment que le manque de solutions de transport limite leurs opportunités professionnelles, sociales ou culturelles. Et 52% déclarent devoir organiser toute leur vie autour des contraintes liées à leurs déplacements, une horloge tournant en permanence dans leur tête.
Transports en commun: stress et opportunités
Le mode de transport utilisé influence également le niveau de stress ressenti. La marche arrive en tête des pratiques les moins stressantes (14%), suivie… de la voiture individuelle (17%). Les transports en commun suscitent plus de tensions: 34% des usagers de métro, tram ou RER ressentent un stress important, contre 30% pour ceux utilisant bus ou covoiturage, et 28% pour les passagers du train.
Pourtant, malgré les sources de tensions, les transports en commun offrent aussi des opportunités positives. Parmi les usagers réguliers, 87% déclarent profiter de ce temps pour réfléchir, 81% pour consulter des contenus numériques, 78% pour se détendre, 74% pour organiser leur journée et 66% pour socialiser.
Mieux penser la mobilité
En conclusion, l’étude invite à dépasser une vision purement technique ou économique de la mobilité. Adapter les offres de transport aux besoins des usagers, réduire les sources de stress, favoriser les modes actifs et encourager l’intermodalité sont, selon l’Institut Terram et l’Alliance pour la santé mentale, autant de leviers pour transformer une mobilité subie en une mobilité choisie.