Il aura donc fallu 2.044 jours pour que la Belgique donne une base légale aux 24 jours de télétravail autorisés pour les résidents belges employés au Luxembourg. C’est en effet le 16 mars 2015 que le ministre fédéral belge de l’époque, Johan Van Overtveldt (N-VA), annonce . Avec effet rétroactif au 1er janvier de la même année.
Pour être légal, cet accord devait faire l’objet d’un avenant à la convention de 1970 «en vue d’éviter les doubles impositions et de régler certaines autres questions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune», modifiée en 2002 puis en 2009. Sa rédaction va prendre un temps certain, puisque cet avenant est finalement signé par les deux gouvernements le 5 décembre 2017.
Mais, à nouveau, les choses traînent en longueur. À tel point qu’en mai 2019, le Premier ministre Charles Michel (MR) et (DP) communiquent en chœur sur . «Je ne compte plus le nombre d’e-mails que j’ai reçus à ce moment-là. De la part de gens qui demandaient légitimement des informations complémentaires, une date d’entrée en vigueur. Tous métiers confondus. Sauf que je n’en disposais pas. Parce que cette annonce avait été faite à la presse, sans information au Parlement ou même à l’Administration. Et qu’elle s’était fracassée à la réalité suivante: comment faire passer 48 jours alors que les 24 jours préalablement annoncés n’étaient eux-mêmes pas légaux?», commente le député fédéral Josy Arens (CDH), également bourgmestre d’Attert, qui a toujours suivi ce dossier de près.
Inadmissible pour le Conseil d’État
En effet, l’accord de 2015 et la convention de 2017 n’ont toujours aucune base légale. Ce que fait remarquer de manière cinglante le Conseil d’État dans son avis rendu au sujet du projet de loi finalement déposé le 17 août 2021. «En concluant cet accord, les autorités compétentes des États contractants ont de toute évidence excédé leur compétence, prévue à l’article 25, §3, de la Convention en vue d’éviter les doubles impositions belgo-luxembourgeoises. En principe, cet accord devrait dès lors être qualifié de traité, qui, conformément à l’article 167 de la Constitution (belge, ndlr), ne peut avoir d’effet dans l’ordre juridique belge qu’après avoir reçu l’assentiment des Parlements compétents, et qui n’est opposable aux justiciables qu’après avoir été publié au Moniteur belge. La pratique administrative en exécution de cet accord amiable applicable aux salaires, traitements et autres rémunérations relatifs à des périodes imposables prenant cours le 1er janvier 2015 est donc pour l’heure dépourvue de base conventionnelle ou légale. La conclusion de l’avenant, auquel il est présentement porté assentiment, valide rétroactivement cette pratique. Il n’en demeure pas moins que l’on a fait un usage impropre de l’article 25, § 3, de la CDI belgo-luxembourgeoise, ce qui, par principe, est inadmissible.»
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Les nombreux frontaliers belges contactés par l’administration fiscale de leur pays de résidence pour justifier moins de 24 jours de travail hors du pays auquel les attache leur contrat de travail trouveront ces phrases sans doute quelque peu amères.
«J’ai adressé de nombreuses questions parlementaires à ce sujet aux ministres qui se sont succédé au portefeuille des Finances. Je n’ai jamais reçu de réponse très claire», poursuit Josy Arens. Qui a cru comprendre que trop «de bruit autour de cela» aurait pu finir par générer des litiges dont les grands perdants auraient été les contribuables.
24, puis 48, pour arriver à 34
Cerise sur le gâteau: le 31 août 2021, … Cela donc alors que celui de 2015 n’avait encore aucune base légale.
«Le ministre des Finances Van Peteghem (CD&V) a annoncé qu’il deviendrait réalité en 2022», termine Josy Arens. Qui y sera attentif, «tout comme [il va] continuer à [s]e battre pour que la promesse des 48 jours faite en 2019 soit tenue».
Si la Belgique procède au même rythme, on notera que l’accord amiable passé le 31 août 2021 ne sera pas doté d’une base légale, et ne sera donc valable pour les contribuables, que 2.044 jours plus tard, soit le 6 avril 2027.