a incarné un temps les difficultés d’un CSV dans l’opposition. Élu comme président du parti face à , il est victime de querelles internes et en mars 2021, en pleine campagne de renouvellement des instances dirigeantes, après des accusations d’abus de biens sociaux . Il cofonde . Le Parlement européen, il connaît. En 1999, il rejoint le cabinet de Jacques Santer au Parlement européen. Parlement qu’il rejoindra en tant qu’élu en 2009. Réélu en 2014, il ne se représente pas en 2019 pour prendre la présidence du CSV.
La liste Fokus aux européennes se compose, en plus des deux têtes de liste que sont Frank Engel et , de Marc Ruppert, président du parti; d’Anne Winter, secrétaire nationale, et d’Anne Lecuit et Rick Oberweis, membres du comité national.
Quels sont les enjeux de ces prochaines élections européennes?
Frank Engel. – «Pour nous, ces élections ne sont pas des élections comme les précédentes. Elles interviennent à un moment où l’Europe est prise à la gorge et dans un contexte de malaise social à l’échelle du continent. Un malaise social qui se constate dans de nombreux domaines, comme le logement. Et surtout des domaines où l’Europe n’a que peu – ou pas – de compétences. Ce n’est pas l’Europe qui va construire des logements. Ce n’est pas l’Europe qui va faire en sorte que le revenu minimum garanti – s’il est instauré, ce qui est un de nos soucis – soit suffisant pour en vivre décemment.
Mais ce qu’elle peut et doit faire, c’est prendre des dispositions d’urgence en matière de politique étrangère. Si nous laissons faire la Russie et si nous continuons de ne pas défendre nos positions dans le commerce international et dans les relations géopolitiques, nous ne compterons rapidement plus. Et nous sommes sur cette mauvaise voie. On ne nous respectera que si nous sommes respectables! Voilà l’enjeu de ces élections.
Et nous sommes d’avis que les prochaines élections européennes – si elles ont lieu – devront également avoir lieu en Ukraine, en Moldavie, en Serbie, au Kosovo, en Macédoine du Nord, en Albanie, au Monténégro et en Bosnie-Herzégovine. Il faut négocier pour accueillir ces pays dans l’Union, sinon, il y aura des guerres dans les Balkans.
Vous excluez donc la Russie de ce mouvement d’élargissement.
«Oui. J’exclus la Russie formellement, définitivement, véritablement, irrévocablement.
Vos inquiétudes touchent à des sujets régaliens. L’Union européenne qui s’est bâtie sur le commerce et le libre-échange est-elle outillée pour faire face à ces défis?
«Les erreurs se répètent. Ce n’est pas parce que l’on a échoué à créer une Communauté européenne de défense en 1954 qu’on ne doit pas réinscrire le sujet à l’ordre du jour et la réaliser. Il y a un consensus sur le sujet. Dans notre programme, nous ne plaidons pas pour une armée européenne, mais pour donner aux armées européennes les moyens de faire le boulot en cas de besoin. Et quasiment aucune aujourd’hui n’en est capable. Avec l’exception peut-être de la France et des Britanniques. Mais eux sont sortis de l’UE. La seule armée capable de combattre en Europe est en train de le faire…
Est-ce que, le 9 juin, les électeurs luxembourgeois vont voter pour ces enjeux européens ou est-ce que ce sont des questions de politique nationale qui vont prendre le dessus?
«Je ne le sais pas. Je crois que la moitié de la population qui peut voter a bien conscience que les enjeux sont cette fois-ci bien différents que lors des échéances précédentes. Mais, en même temps, je n’exclus pas que des considérations de politique nationale jouent un rôle et puissent interférer avec ces questions européennes, essentielles, vitales. Avec nos modestes moyens, nous allons porter ces sujets. Je ne néglige pas les questions comme l’investissement dans la recherche, la mobilité électrique ou les compétences en matière d’éducation. Mais ce n’est pas le sujet. Le sujet, c’est la survie de l’Europe!
Dans l’hypothèse où vous auriez des élus, à quelles alliances vous rallieriez-vous? Et êtes-vous favorable à un deuxième mandat d’Ursula von der Leyen?
«Nous nous considérons comme un parti libéral et nous adhérerions à la famille libérale au Parlement européen. Ce qui ne veut pas dire que nous ne serions pas compatibles avec d’autres groupes au Parlement. Dans une autre vie, j’étais membre du groupe PPE et je pourrais participer à une majorité avec la social-démocratie. Je suis d’ailleurs d’avis que ferait un bon président de la Commission.
Quant à Ursula von der Leyen – et Nicolas Schmit était dans son équipe – elle a fait un excellent travail. Elle a été beaucoup plus incisive sur beaucoup de domaines essentiels que son prédécesseur et je n’aurais rien contre le fait qu’elle fasse un deuxième mandat. Il y aura, dans tous les cas de figure, face à la montée en puissance des forces nationalistes et extrémistes, besoin d’une large alliance ancrée au centre qui inclura nécessairement les trois mêmes composantes qu’actuellement, le PPE, le PSE et Renew. Avec la possibilité, cette fois-ci, du soutien de certains Verts et de certaines formations, comme celle de madame Meloni. Même si je n’entrerais pas dans une alliance normale avec Fratelli d’Italia, ce ne serait pas une mauvaise chose. Je suis d’avis qu’étant donné sa politique européenne, il n’y a aucune raison pour ne pas essayer d’inclure sa formation au Parlement européen dans une politique raisonnable.
Puisque nous sommes sur le sujet de la prochaine présidence de la Commission, pensez-vous qu’il devrait être obligatoire d’être élu député européen pour en devenir membre?
«Non. Ce qui me gêne, c’est que l’actuel système ne va pas jusqu’au bout de sa logique. Par manque de courage politique. Dans notre programme, nous prévoyons une élection populaire directe du président de la Commission le même jour que les élections des députés. Il deviendrait du coup le président de l’UE et présiderait aussi le Conseil européen, étant donné sa légitimité particulière – le même jour que les élections des députés. Cela équivaudrait à une présidentialisation du système que j’appelle de mes vœux, tout comme je suis en faveur d’une ‘exécutivisation’ de la démocratie via une élection directe, pour la simple et bonne raison que le parlementarisme n’est pas toujours adapté face à certaines crises. Et cela n’affaiblirait pas le parlementarisme. Cela établirait au contraire une séparation des pouvoirs, comme aux États-Unis.
Élections toujours. Est-ce qu’il ne faudrait pas, pour les élections des parlementaires européens, non pas additionner 27 éditions d’élections nationales, mais faire une vraie élection européenne?
«Oui. Ce serait une bonne idée, mais il s’agirait de savoir comment. Établir des listes transnationales, comme cela a été proposé par Guy Verhofstadt? En bon fédéraliste européen, je suis contre. Cela concernerait quelques députés, qui deviendraient de super députés grâce à une légitimité continentale, tandis que les autres resteraient des représentants de villages. Mais je suis prêt à étudier toute proposition.
Au soir du 9 juin, quel résultat serait synonyme de succès pour vous?
«Un mandat serait un succès énorme. Mais ce n’est pas une attente réaliste. Nous savons fait 2,5% aux élections nationales. Dépasser ce score serait déjà un succès. Les sièges se vendent cher.
Comment avez-vous constitué votre liste et pourquoi avoir pris Monica Semedo avec vous?
«D’abord, il y a les contraintes habituelles liées au paritarisme, à l’âge et à l’équilibre territorial. J’ai été le plus jeune sur une liste, je suis maintenant le plus âgé. Nous avons voulu impliquer les jeunes de notre parti. Et faire figurer le président et le secrétaire général du parti me semblait naturel pour montrer que nous prenons ces élections au sérieux.
Quant à Monica Semedo, je suis en contact avec elle depuis un an et demi. Il n’a jamais été question, contrairement à ce que certains ont prétendu, qu’elle soit candidate pour les élections nationales. Cela n’aurait eu aucun sens. Par contre, présenter sur notre liste une députée européenne sortante avec un bilan très solide a du sens. Elle s’est engagée sur beaucoup de dossiers, dont celui du salaire minimum aux côtés de Nicolas Schmit. Certains ont su se créer de la visibilité. Elle, elle a travaillé. Mais cela est passé inaperçu à cause des attaques dont elle a fait l’objet. En raison de procédures du Parlement européen, elle n’a jamais pu se défendre publiquement contre les insinuations dont elle a été l’objet. Avec son bilan, rien ne devrait l’empêcher d’être candidate. Je proteste contre cette tentative de mise à mort politique dont elle est victime.
En la prenant sur votre liste, vous vous attendiez bien à susciter une polémique?
«Nous en étions conscients. Mais nous avions sous-estimé la violence des attaques subies, et certaines frôlent le harcèlement, soit dit en passant. Mais nous avons considéré qu’elle était capable, avec tous les candidats, de mener une campagne de sérieux. Entre elle et moi, c’est 15 années d’expérience au Parlement européen que nous proposons aux électeurs. Ce n’est pas une candidature pour le spectacle.
Préférez-vous siéger à Bruxelles ou au Luxembourg?
«Si j’avais été élu en octobre dernier, je ne serais certainement pas candidat en juin de cette année. Je trouve ça lamentable d’être candidat en octobre pour le Parlement luxembourgeois et de l’être à nouveau six mois après pour siéger au Parlement européen. Cela ne fait aucun sens! C’est de la tromperie électorale.
Cela dit, j’ai toujours considéré qu’en tant que parlementaire, on peut s’intéresser à n’importe quoi n’importe où. J’ai aimé être député européen. J’aurais pu l’être encore si j’avais voulu, mais j’avais pris un engagement devant les membres du CSV de ne pas continuer à l’être si j’obtenais une autre fonction au sein du parti. Mais je m’assiérais de nouveau à un siège au Parlement européen avec le même plaisir que la dernière fois.
Est-ce qu’il y a des différences de fonctionnement entre députés européens et députés nationaux?
«Oui. Énormément. Le député européen travaille plus. Du moins, s’il fait son boulot sérieusement. C’est un travail qui est tout à fait différent. Il y a un autre rythme, une autre densité. L’environnement est également plus international. Mais le mandat a aussi perdu de son attrait en raison de la pesanteur des règles qui ont été introduites au fur et à mesure. J’y passe encore régulièrement, mais je constate que l’atmosphère n’est plus la même.
Vous faites référence aux règles de transparence. Pensez-vous que l’on soit allé trop loin dans le niveau de ces obligations au détriment du travail parlementaire?
«Qu’il y ait des gens qui essaient d’influencer les décisions politiques, ce n’est pas nouveau. Mais nous sommes passés à un niveau d’obligations qui est complètement ridicule.
Pourquoi un État ou une grande entreprise auraient-ils besoin de s’acheter une voix sur les 751 du Parlement européen? Si j’étais, disons, une entreprise de logistique, plutôt que de corrompre une personnalité politiquement exposée, j’irais voir l’échevin du port de Rotterdam ou, mieux encore, le directeur du port, qui n’est pas un politique. La corruption est là où est le pouvoir décisionnel. Cette histoire avec le Qatar est malheureuse et il y a toujours des gens avec une forte affinité pour l’argent…
Mais si vous ajoutez aux règles du code de conduite déjà très strictes de nouvelles règles de transparence, il devient impossible de bien faire son travail. Que je ne puisse plus envoyer un message le samedi matin ou à 23 heures à mon assistant est ridicule. S’il y a un trilogue, c’est la nuit, après que Parlement, Commission et Conseil ont fini leur journée de travail, que cela se fait. On se met alors au travail et cela dure tant que cela dure… Ça tue la normalité du travail au Parlement européen. Quand je suis devenu assistant de Jacques Santer, j’étais heureux de l’être. Et quand il me demandait quelque chose, je ne me suis jamais posé la question de savoir si c’était mon devoir ou non. Je le voulais ce job, je l’ai fait et j’en ai accepté les contraintes.»