Après le 10 juillet, François Bausch retrouvera une liberté de parole qui lui a quelque peu manquée avoue-t-il. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne/Archives)

Après le 10 juillet, François Bausch retrouvera une liberté de parole qui lui a quelque peu manquée avoue-t-il. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne/Archives)

Une figure politique des Verts quitte la vie politique politicienne. Après 35 ans de carrière, François Bausch tirera sa révérence ce 10 juillet. Il revient pour Paperjam sur ses motivations et évoque son avenir qu’il assure militant.

, est né le 16 octobre 1956 à Luxembourg-ville. Cheminot de carrière, il fait son entrée à la Chambre des députés en 1989 comme représentant du centre pour déi Gréng. Réélu sans interruption de 1994 à 2013, il sera président du groupe parlementaire du parti de 1999 à 2013. Et président de la commission de contrôle parlementaire du Service de renseignement de l’État de 2009 à 2013. Ce même Service de renseignement dont les actions erratiques contraindront Jean-Claude Juncker à convoquer des élections législatives anticipées en 2013. Élections qu’il perdra et qui permettront à la coalition Gambie (DP-LSAP – déi Gréng) d’exercer le pouvoir jusqu’en octobre 2023. Au niveau communal, il sera membre du conseil communal de Luxembourg de 1994 à 2005, puis premier échevin de 2005 à 2013.

De 2013 à 2023, il sera ministre sans interruption. Durant le gouvernement Bettel I, il sera ministre du Développement durable et des Infrastructures. Ses attributions s’étoffent en 2018 avec les ressorts de la Défense et de la Sécurité intérieure qui se rajoutent à ses fonctions de ministre du Développement durable et des Infrastructures. Avec la mise en retrait de Félix Braz, il est promu vice-Premier ministre en 2020. Il perdra le ressort de la Sécurité intérieure lors du remaniement de janvier 2022. Les élections législatives de 2023 sont un revers majeur pour les verts qui perdent cinq députés et sont relégués de fraction à sensibilité politique. François Bausch échappe au naufrage et redevient député.

Auriez-vous pris la décision de vous mettre en retrait si les derniers résultats électoraux de déi Gréng n’avaient pas été si décevants?

François Bausch. – «Ma décision n’a rien à voir avec les différents résultats électoraux de ces 12 derniers mois. Cela faisant déjà des semaines que je réfléchissais au bon moment pour faire ce pas de coté. Lorsque je me suis porté candidat aux élections législatives d’octobre dernier, j’avais annoncé que j’accepterais mon mandat de député, mais que je ne serais plus membre du gouvernement. Ensuite, vous aurez bien remarqué que je n’ai pas joué un rôle de premier plan dans la campagne pour les élections européennes. Je n’étais pas tête de liste, j’étais plutôt en soutien. Le plus important pour moi était de contribuer à sauvegarder notre siège, ce que nous avons fait de justesse. Je pense que mon score personnel y a contribué… (ndlr.: François Bausch a réuni sous sa tête 29.230 voix, se classant ainsi deuxième derrière , députés sortante réélue avec 43.828 voix. Aux dernières législatives, il avait recueilli 12.605 suffrages)

Cette mission accomplie, j’ai longuement réfléchi au meilleur moment pour me mettre en retrait. Plutôt que d’attendre l’automne et la rentrée des députés, je me suis dit qu’il fallait le faire maintenant. En démissionnant ce 10 juillet, qui représente pour moi l’avenir du parti et qui va me remplacer pourra prêter serment le 11, date de la première session de la mandature.

Vous quittez la vie politique. Claude Turmes a fait de même il y a quelques mois. Est-ce une page qui se tourne chez déi Gréng, la fin d’une génération?

«Oui, une page se tourne. Je suis le dernier des pères fondateurs en quelque sorte. Si je n’ai pas contribué directement à la fondation en 1983 de ce parti, je l’ai rejoint en 1986 et j’ai travaillé à la fusion de tous les partis et toutes les associations vertes qui existaient à la fin des années 1980. Je pars cependant serein, car il y a une nouvelle génération qui a émergé. En octobre, déi Gréng éliront une nouvelle direction qui témoignera de cela. Maintenant, renoncer à un mandat ne veut pas dire que je renonce à la politique. Je reste militant et je serais toujours là pour soutenir cette génération chaque fois qu’elle en aura besoin.

Qu’attendez-vous justement de cette relève, des jeunes verts qui s’installent dans le paysage politique comme Djuna Bernard ou Meris Sehovic?

«J’attends de la prochaine génération qu’elle remporte les législatives de 2028!

Quel avenir voyez-vous pour l’écologie politique en cette période incertaine?

«L’écologie politique a toujours un avenir parce que les grands problèmes sociaux et environnementaux pour lesquels nous nous sommes toujours battus n’ont pas disparu avec les dernières élections. Ils sont même encore plus présents qu’il y a 15 ou 20 ans. Nous vivons en tant que parti une période difficile parce que ces dernières années il y a eu une campagne très très violente contre tout ce qui était vert. Nous sommes devenus des boucs émissaires. Mais ce n’est pas la première fois et ce ne sera pas la dernière… Tous les partis ont connu dans leur histoire des moments plus difficiles. Mais je crois que l’atout des verts est qu’ils ont la sensibilité et l’intelligence de travailler pour trouver les bonnes solutions pour la planète et la société. Et je suis persuadé qu’ils vont reprendre la main. L’avenir est devant eux.

Quel a été le meilleur moment de votre carrière?

«Au niveau des réalisations, le meilleur moment a été pour moi la mise en service du Tram le 12 décembre 2017. Cette inauguration a pour moi été incroyable parce que c’était l’aboutissement d’un projet sur lequel je travaillais politiquement depuis 30 ans. C’était un moment formidable. Il y a aussi eu les élections législatives de 2018 avec les neuf sièges remportés et 15,13% des suffrages.

Et quel a été le pire moment de votre carrière?

«D’abord, sur un plan personnel, la mort de Camille Gira avec qui j’ai combattu depuis le début au sein de la famille écologiste et qui était un de mes meilleurs amis. Son décès (ndlr.: Camille Gira est décédé le 16 mai 2018 des suites d’un arrêt cardiaque après un malaise survenu lors d’un discours à la Chambre des députés) a été un moment très dur. Pour ce qui est de ma carrière professionnelle, deux accidents qui me viennent à l’esprit. Un accident de chemin de fer à Bettembourg qui a fait un mort et l’explosion de Waldhof, le 14 février 2019, à la suite duquel deux membres du service de déminage de l’armée luxembourgeoise ont trouvé la mort. Aller discuter avec les familles des victimes a été un moment très dur, plein d’émotion.

Quand on a été aussi actif que vous durant 35 ans, comment appréhende-t-on la retraite?

«J’ai longuement réfléchi à cela. D’abord, je veux consacrer plus de temps à ma famille qui a supporté toutes ces années mon engagement politique et ses contraintes journalières. Après, je ne suis pas quelqu’un qui va s’arrêter et ne plus rien faire. J’ai beaucoup d’idées et de projets pour m’engager dans la vie civile et pour prendre la parole sur de grands sujets de société comme la sauvegarde de l’État de droit, de la liberté de parole et le refus de l’extrême droite. L’idée n’est pas de critiquer systématiquement ceux qui sont au pouvoir, mais plutôt d’aborder ces sujets de manière prospective et de lancer des débats en me servant de toute l’expérience que j’ai pu accumuler toutes ces années. J’ai maintenant une plus grande liberté de parole que lors de ces 35 dernières années durant lesquelles j’ai toujours fait des compromis… Une liberté qui m’est chère.

Qui y a-t-il sur votre agenda ces prochains jours et prochaines semaines?

«Jusqu’au 10 juillet, je vais remplir ma tâche de parlementaire. Après, je vais prendre des vacances, réfléchir… et lire beaucoup de livres. 

Que peut-on vous souhaiter pour votre futur?

«La santé pour moi et ma famille. Être ensemble avec sa famille et en bonne santé est le plus grand des bonheurs.»