Seul candidat à sa succession, Patrick Dury reste le président du LCGB. Il explique les prochains combats du syndicat qui fête cette année son centième anniversaire. (Photo: Matic Zorman / Maison Moderne)

Seul candidat à sa succession, Patrick Dury reste le président du LCGB. Il explique les prochains combats du syndicat qui fête cette année son centième anniversaire. (Photo: Matic Zorman / Maison Moderne)

Après le 60e congrès national en mode virtuel, les membres du LCGB ont reconduit Patrick Dury à la présidence. Seul candidat à sa succession, il explique les prochains combats du syndicat, qui fête cette année son 100e anniversaire.

En 100 ans, le syndicalisme a évolué. En regardant en arrière, quel regard portez-vous sur l’évolution du LCGB?

. – «Le LCGB a commencé avec les sections locales. Elles se sont formées à Luxembourg, Differdange et Esch-sur-Alzette en raison de la situation politique, sociale et économique du moment. L’axe principal des sections, et donc du LCGB, était de répondre aux besoins des gens. Je me rappelle avoir trouvé d’anciens rapports montrant qu’à la fin d’une assemblée générale de la section de Differdange, les membres distribuaient des sacs de charbon qu’ils avaient commandés en gros pour avoir un meilleur prix. Cela montre que le syndicat répondait aux besoins primaires des gens, en plus d’œuvrer dans les entreprises. Mais en 100 ans, les choses ont beaucoup changé, même si le syndicat garde encore et toujours comme axe principal de répondre aux besoins des gens. Depuis 2011, on parle du ‘nouveau LCGB’ en interne. On est un syndicat basé sur les services et les prestations. Aujourd’hui, les prestations sont naturellement plus spécifiques et l’on essaie de fournir nos services sur le droit du travail, la déclaration d’impôts, l’assurance sociale ou encore l’assistance juridique dans nos centres d’information présents de Differdange à Ettelbruck, en passant par la capitale, mais aussi dans la Grande Région, de Thionville à Perl, en passant par Trèves. Du côté belge, nous pouvons compter sur nos collègues de la CSC. Aujourd’hui, le LCGB est basé sur les services aux membres, en plus d’un fort engagement au sein des entreprises par le biais de nos équipes, qui ont trouvé un équilibre entre jeunesse et expérience. Je suis rarement satisfait, mais je peux dire que nous avons de bons secrétaires syndicaux et des équipes dynamiques qui fonctionnent dans l’intérêt des membres.

Vous parlez de jeunesse. Il est souvent difficile d’attirer les jeunes vers les syndicats, qui ont encore une certaine image «vieille». Comment fait-on pour convaincre les jeunes de se tourner vers les syndicats?

«Vous avez raison, mais il faut être plus nuancé. Depuis une vingtaine d’années, on remarque que les jeunes affiliés ont tendance à s’affilier plus tard. Dans le temps, dès le centre d’apprentissage, les jeunes étaient affiliés. C’est moins le cas désormais. D’un autre côté, nous avons vu une évolution formidable des jeunes de notre section jeune (le LCGB-LCGJ). Notre façon de communiquer a également évolué. On ne communique pas avec les jeunes avec des tracts, mais par le biais des réseaux sociaux. D’ailleurs, la pandémie a été un accélérateur sur ce point. Nous nous sommes adaptés, tant dans notre communication que dans nos services, qui vont encore évoluer. On ne s’interdit pas de créer de nouveaux services pour les jeunes. Il y a 15-20 ans, on aurait hésité à s’associer avec un prestataire extérieur pour offrir une assurance complémentaire santé. Aujourd’hui, nous l’avons fait. On propose donc un grand nombre de services pour aider les jeunes (et les moins jeunes) avec des formations pour écrire des CV, passer son premier entretien d’embauche, discuter de la mobilité, etc. Plus globalement, je pense que l’idée syndicale est aussi jeune que son contenu. Nous devons nous adapter à notre époque et aux demandes des gens. Mais nos messages et nos revendications concernant une justice sociale sont complémentaires aux idées de la jeunesse.

Le défi à venir est d’avoir une digitalisation à face humaine, une composante humaine avec des règles acceptables pour l’être humain.
Patrick Dury

Patrick DuryprésidentLCGB

Justement, les revendications du LCGB ont également évolué en 100 ans et il serait trop long de les énumérer. Par contre, quels vont être les combats qui seront portés par le syndicat durant les prochaines années?

«Premièrement, la digitalisation. Nous avons mené des discussions autour de ce sujet lors des élections sociales de 2019. À ce moment-là, j’avais parfois l’impression que la digitalisation était encore un concept un peu flou. Quand va-t-elle arriver et va-t-elle vraiment arriver? C’était des questions que l’on pouvait se poser. Mais la pandémie nous a fait plonger dans la digitalisation et a démontré qu’elle était bel et bien réelle. La vidéoconférence et le télétravail en sont de parfaits exemples. Le défi à venir est d’avoir une digitalisation à face humaine, une composante humaine avec des règles acceptables pour l’être humain. Aujourd’hui, la fracture digitale de la société est un problème. Elle est générationnelle, mais également financière. Il y a une fracture entre ceux qui ne peuvent pas et ceux qui peuvent se payer un téléphone, un ordinateur ou une tablette, sans oublier les abonnements qui vont avec. Il y a aussi une fracture au niveau de la formation entre ceux qui savent utiliser le digital et ceux qui n’ont jamais appris à s’en servir. Je pense qu’il faudra répondre à ces questions, et l’on veut mener des discussions sur le sujet pour ne pas avoir une précarisation au niveau du contrat de travail et de l’assurance sociale.

Le deuxième élément est la sauvegarde de l’existence vis-à-vis du chômage. Il y a plusieurs années, nous avions été les premiers à demander la constitution de cellules de reclassement ailleurs que dans le secteur sidérurgique. Le patronat n’avait pas pris cela au sérieux, arguant que nous avions le plein emploi. Aujourd’hui, c’est une réalité. Chez Luxair, la cellule de reclassement a sauvé 600 salariés du chômage. Je pense que l’on devra trouver des modèles identiques, surtout lors de cette fameuse relance à venir, car c’est à ce moment-là que l’on va découvrir la véritable casse sociale, avec la diminution des aides du gouvernement.

Enfin, il y a toujours la problématique de la maladie. Aujourd’hui, nous avons toujours cette limite de 78 semaines. Pour rappel, un salarié gravement malade risque toujours la résiliation d’office de son contrat de travail à l’issue des 78 semaines de maladie, tombant par conséquent dans la précarité à cause d’un mécanisme légal. Il y a eu une amélioration puisque l’on est passé de 52 semaines à 78 semaines. Mais nous revendiquons la suppression permanente de la limite de 78 semaines, comme elle constitue l’unique solution pour garantir que toute personne gravement malade ne se voit plus jamais confrontée à des problèmes existentiels. Je vais être clair, au LCGB, nous revendiquons le fait qu’une personne doit être considérée comme malade jusqu’au moment où elle est apte à reprendre son emploi ou jusqu’au moment où cette personne n’a plus d’autre choix que d’être en rente d’invalidité, car il n’y a pas d’autre solution.

Il y a également d’autres sujets. On ne veut pas que l’écart entre le privé et le public continue de s’accroître, on veut également garder un bon dialogue social, un pouvoir d’achat acceptable, une politique fiscale juste, etc.

Le LCGB a revendiqué un nouveau droit de grève. Cela veut dire que vous désirez pouvoir faire grève plus facilement?

«Quand nous entamons des discussions syndicales, nous souhaitons trouver des solutions. Au Luxembourg, cela passe par un compromis. Mais un compromis, cela concerne chaque acteur de la négociation. Malheureusement, nous avons de plus en plus de dirigeants qui viennent d’au-delà de la Grande Région et qui pensent qu’au Luxembourg, on ne fait pas grève. Cela se voit dans les négociations et les revendications des directions. Il nous faut donc un autre droit de grève, moins complexe à mettre en œuvre pour justement montrer à ceux qui utilisent la paix sociale pour leurs intérêts qu’ils se trompent et que l’on peut faire grève. Sans porter de jugement sur ce qui se fait dans d’autres pays, avoir un nouveau droit de grève ne veut pas dire que nous allons pratiquer ce droit comme chez nos voisins.

Finalement, nous nous sommes juste défendus pour avoir notre droit de négocier.
Patrick Dury

Patrick DuryprésidentLCGB

L’entente syndicale n’est pas au beau fixe dans le secteur financier, avec une guerre entre les syndicats traditionnels, dont le LCGB, et l’Aleba. Est-ce que cette guerre n’est pas en défaveur des salariés d’un secteur qui est train de connaître plusieurs plans sociaux?

«Le LCGB veut travailler avec toutes les organisations syndicales du pays, et ce sans a priori. Nous sommes en faveur d’une bonne entente dans l’intérêt des salariés. La situation dans les banques est effectivement assez complexe. Le moment déclencheur vient du fait qu’un partenaire va négocier seul et présente aux deux autres un résultat. Il faut demander à l’Aleba ce qu’ils pensent de cette manœuvre. Ce n’est pas nous qui avons engendré cette situation. Nous avons été informés par la presse d’un résultat de principe au niveau de la convention collective. Je pense que l’on a des règles qui sont claires. Les organisations syndicales qui sont représentatives au niveau national ont le droit de négocier. Finalement, nous nous sommes juste défendus pour avoir notre droit de négocier.

Comme en 2014, vous étiez le seul candidat à votre succession et vous venez d’être réélu président du LCGB. Pourquoi personne ne se présente pour reprendre le poste?

«Pour être candidat, il faut être membre du comité central. De mon expérience, je ne sais pas s’il y a déjà eu plusieurs candidats à une élection de la présidence. Pourquoi c’est comme cela, je ne sais pas. Les premiers qui seraient naturellement appelés à déposer une candidature, ce sont les secrétaires syndicaux. Au sein du comité central, j’ai déposé ma candidature et il n’y avait pas d’autre candidature. Je pense que les organisations syndicales veulent donner des signes de stabilité, de force et de confiance dans le candidat qui se présente à ce poste.»