Dr Aline Muller (Liser). (Photo: Maison Moderne / Archives)

Dr Aline Muller (Liser). (Photo: Maison Moderne / Archives)

Né Ceps/Instead, le Liser poursuit ses activités de recherche socio-économique, se nourrissant des avancées technologiques pour servir les politiques publiques grand-ducales comme européennes. Sa directrice générale Aline Muller garde les yeux tournés vers l’avenir.

Le Liser a changé de nom et de lieu depuis sa naissance il y a 30 ans. Sa mission est-elle toujours d’«exploiter la richesse des informations contenues dans les données produites par la société afin qu’elle crée richesse et bien-être pour la société»?

. – «Oui, nous avons certainement gardé cette âme et cette approche. C’est là que nous apportons notre expertise sur la manière de restituer toute cette information de manière intelligente et utilisable pour construire la société de demain. Nous sommes à la fois fournisseur d’expertise et éclaireur parce que nous éclairons des situations parfois méconnues ou complexes qui doivent être décortiquées pour pouvoir déceler des pistes pour le futur.

L’interdisciplinaire est au cœur de l’ADN du Liser depuis toujours. Je souhaite le renforcer, car nous savons que l’innovation et la créativité vont naître de la diversité des perspectives sur les grands enjeux sociétaux que nous traitons. Nous développons ce qu’on appelle le transdisciplinaire afin de dépasser les frontières entre la science et la société. L’ancien modèle voulait que les connaissances développées dans les instituts de recherche étaient ensuite disséminées vers la société. Nous prônons un autre modèle de développement de la recherche avec la société pour que son impact soit démultiplié.

Ce serait dommage de sous-estimer le rôle des sciences sociales dans le développement économique et social futur du pays.
Aline Muller

Aline Mullerdirectrice généraleLiser

Comment s’est traduit le saut technologique depuis 1989 dans la façon de travailler des chercheurs du Liser?

«Cette révolution s’est traduite par la multiplication des sources de données, du volume et du type de données mises à disposition potentiellement de la recherche pour construire des modèles permettant soit de comprendre la réalité, soit de prédire ou de construire pour l’avenir.

N’avez-vous pas l’impression d’être le «parent pauvre» de la recherche publique luxembourgeoise alors que sont mises en avant les avancées des instituts technologiques (SnT) ou scientifiques (List)?

«Je persiste à défendre le contraire. L’atout le plus important du Luxembourg reste son marché du travail, ses ressources humaines. Si nous sommes dans la capacité d’axer ce modèle économique basé sur le développement des compétences et des talents d’un côté, et de l’autre [sur] une offre de société caractérisée par le bien-être et le vivre-ensemble, cela permet de rendre ce modèle soutenable.

Ce serait dommage de sous-estimer le rôle des sciences sociales dans le développement économique et social futur du pays. Nous sommes de ce point de vue un laboratoire au cœur de l’Europe, qui peut vraiment apporter des réponses non seulement à l’échelle nationale mais aussi européenne.

Nous voyons une possibilité pour nous de faire avancer le progrès social non pas en rédigeant des lois ou des directives, mais en apportant des éléments qui mettent en lumière les terrains sur lesquels les décideurs publics doivent agir.
Aline Muller

Aline Mullerdirectrice généraleLiser

En parlant de capital humain, vous vous êtes récemment doté de votre premier accord collectif de travail.

«C’est le premier basé sur le cadre européen des carrières de la recherche. Je suis surtout très fière et heureuse d’avoir pu respecter l’engagement fort et ambitieux de mettre le développement de la carrière et des talents au centre de cet accord. En recherche en sciences sociales encore plus qu’ailleurs, les talents et les compétences sont notre actif principal.

Êtes-vous sollicités par le gouvernement pour appuyer ou éclairer ses décisions politiques?

«Bien sûr, l’un des objectifs de notre volonté d’utiliser la richesse contenue dans les données est justement de construire des politiques publiques plus intelligentes, plus adaptées, plus anticipatives. Par exemple, nous coordonnons l’observatoire européen des politiques sociales. Nous fournissons en continu des analyses comparatives et analyses de fond de différentes dimensions des politiques sociales. Nous mettons ainsi en lumière une série de différences entre les États membres.

Puisqu’en matière sociale l’agenda européen a tendance à tirer les agendas nationaux, nous voyons là une possibilité pour nous de faire avancer le progrès social non pas en rédigeant des lois ou des directives, mais en apportant des éléments qui mettent en lumière les terrains sur lesquels les décideurs publics doivent agir. Nous travaillons actuellement sur une étude de faisabilité de la directive Childs Guarantee au niveau européen.

Au niveau national, nous sommes partenaires de l’Observatoire de l’habitat (auteur de la récente qui a fait tant de bruit, ndlr) et partagerons avec le ministre du Logement nos analyses sur le logement abordable. Nous pouvons notamment effectuer des simulations afin d’évaluer ex ante l’effet de telle réforme.»

Trois rendez-vous cette semaine

Pour ses 30 ans, l’institut a prévu trois événements: ce lundi à 18h30 à l’hôtel Sofitel Kirchberg, une conférence intitulée «Make data (& evidence) work for society» par Julia Lane, professeure à la Wagner School of Public Policy de l’université de New York, suivie d’une table ronde à laquelle elle sera rejointe par , directeur du Statec, Nikos Askitas, coordinateur du département Data and Technology de l’Institut de recherche sur l’avenir du travail (IZA) de Bonn et Jean Hilger, directeur des Technologies de l’information, à la BCEE.

Mardi, direction Belval pour la séance académique en présence d’Aline Muller, directrice générale du Liser, du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Claude Meisch et de la présidente du conseil d’administration du Liser Nicole Kerschen.

Mercredi enfin se tiendra, à partir de 18h30, une conférence à la Philharmonie intitulée «Les relations scientifiques et les relations publiques internationales» par Jacques H. Drèze, professeur à l’Université catholique de Louvain, suivie d’une table ronde à laquelle il retrouvera , juge à la Cour de justice de l’UE et , président de Science Europe (association d’instituts de recherche et de financeurs de la recherche).