L’incident a eu lieu avenue de la Gare, samedi soir.  (Photo: Paperjam)

L’incident a eu lieu avenue de la Gare, samedi soir.  (Photo: Paperjam)

L’intervention d’une patrouille d’agents de sécurité et de leur chien dans le quartier Gare, samedi soir, soulève de nombreuses questions. Notamment quant à la formation de ce personnel. Selon un maître-chien contacté par Paperjam, il est évident que l’agent directement impliqué n’avait plus la maîtrise de l’animal. 

L’homme est à terre. Le chien l’attrape au niveau de la jambe et ne veut pas lâcher, malgré les efforts que semble faire l’agent de sécurité à l’autre bout de la laisse. , près de la gare à Luxembourg, où patrouillaient des employés de l’entreprise de gardiennage G4S, mandatée par la Ville pour .

Mis en cause, le collège échevinal de la Ville de Luxembourg a décidé de communiquer via une conférence de presse organisée ce lundi à 17h.  

Gérard Mullenders, responsable du club canin belge Les Dragons de Latour spécialisé dans l’obéissance, qui a été responsable et formateur des maîtres-chiens de la police wallonne pendant 35 ans, fait autorité en ce domaine et a visionné la vidéo à la demande Paperjam. «Il ne maîtrise clairement pas son chien», commente-t-il. Pour lui, l’agent de G4S aurait pu l’arrêter en lui pinçant l’arrière-train. «Plus vous tirez sur la laisse, plus le chien va serrer sa prise», ajoute-t-il. «Parce qu’il sent qu’il y a quelqu’un derrière, que son maître le soutient, et il se sent plus fort.»

Les bases d’une bonne formation

Ce policier chevronné, qui a collaboré avec ses homologues luxembourgeois à plusieurs reprises, regrette un manque de formation dans le chef des agents de sécurité privés et de leurs chiens, problème qui touche aussi bien la Belgique que le Luxembourg.

Côté belge, le processus de formation au sein de la police est drastique et commence dès le recrutement du chien. Celui-ci doit avoir autour de 18 mois. Et passer un test pour évaluer s’il est sociable, s’il n’est pas agressif, s’il ne craint pas les coups de feu… Critères obligatoires pour être retenu.  Ensuite, une bonne formation signifie, pour l’animal, huit heures par jour pendant une semaine. Plus rapide que la formation d’un chien de détection de stupéfiants, qui dure «trois à quatre mois».

Lors de ces entraînements, on apprend notamment au chien l’attaque arrêtée, soit une interruption de l’attaque demandée, même si l’individu visé n’est plus qu’à quelques mètres de lui. Même s’il l’a déjà attrapée avec sa gueule, «en criant une fois son nom, il doit s’éjecter de la personne». Mais le chien subit aussi des exercices d’obéissance de base comme «assis, couché», de mise en situation pour lui «donner du courage», même dans un bâtiment au sol glissant avec de la musique à un volume élevé par exemple. Pour ne pas perdre ses acquis, le chien doit revenir «au moins une fois par mois» au club canin pour mettre à jour son apprentissage, explique Gérard Mullenders.

Plus vous tirez sur la laisse, plus le chien va serrer sa prise.

Gérard MullendersfondateurLes Dragons de Latour

Le maître-policier doit lui aussi apprendre les bases pour travailler avec son chien d’intervention. «En venant de 9h à 16h tous les jours pendant une semaine, il sera formé», estime Gérard Mullenders.

Certes, on ne peut pas maîtriser à 100% l’animal. «Il peut arriver de devoir crier deux fois avant qu’il ne lâche», illustre-t-il. Des circonstances particulières peuvent aussi aggraver la situation. «Le chien n’aime pas les personnes ivres, parce qu’elles n’ont pas une démarche assurée. Si on lui donne un coup de pied, cela va le surexciter», cite-t-il. Même si, à la fin, «le maître-chien doit pouvoir faire lâcher le chien» en toutes circonstances.

L’agent concerné dispose d’une aptitude professionnelle belge

Voilà pour la police belge et l’analyse d’un maître-chien professionnel sur le bon entraînement à avoir avant de pouvoir patrouiller.

Au Luxembourg «il n’y a pas de législation spécifique», explique , CEO de G4S. L’entreprise a donc décidé que ses agents cynophiles (qui travaillent avec un chien) devaient avoir suivi une formation validée dans un des pays membres de l’Union européenne. Leurs chiens doivent avoir un certificat de sociabilité et d’aptitude, être sensibilisés et formés aux techniques de légitime défense, s’entraîner régulièrement (environ une fois par semaine) dans un club canin, et être vaccinés contre la rage. Sachant que l’agent est recruté en binôme, avec son chien. Un maître-chien référent chez G4S vérifie que toutes les conditions sont respectées.

C’était le cas de l’agent qui tenait le chien lors de l’incident du week-end dernier, assure-t-il. Il dispose d’une «aptitude professionnelle en tant qu’agent de sécurité cynophile», délivrée en Belgique. Il a suivi un total de 127 heures de formation, mais pas spécifiques au métier de maître-chien.

Le nombre d’heures nécessaire pour obtenir le certificat d’agent cynophile varie d’un pays à l’autre, précise Laurent Jossart. Le site  affiche par exemple, au Grand-Duché, une formation de 10 jours.

Un état d’excitation extrême

Alors, comment expliquer que l’agent n’ait pas maîtrisé l’animal? «Il faut se remettre dans le contexte», répond-il. «Nos agents ont été attaqués à multiples reprises, cela a duré entre 20 et 30 minutes. Le chien était dans un état d’excitation extrême.» Ce qui explique pourquoi il a retiré sa muselière. Et attrapé l’assaillant, au niveau de «son pantalon, et pas directement à la jambe» et «entre 15 et 20 secondes», le temps que le chien réagisse aux ordres et le lâche. Sans connaître en détail l’état de la personne, Laurent Jossart indique qu’elle serait sortie rapidement des urgences. «Malheureusement, dans la vidéo, on ne voit que le passage à charge contre nous. J’espère qu’avec l’enquête judiciaire, nous aurons plus d’éléments.»

Dans la vidéo, on ne voit que le passage à charge contre nous.

Laurent JossartCEOG4S

Interrogée sur la formation de ses agents cynophiles, la police grand-ducale nous renvoie vers son site internet. On y apprend seulement que le groupe canin se compose de 18 maîtres-chiens et de 17 chiens, principalement des bergers malinois, mis à disposition du policier par la Police et vivant dans l’environnement familial de leur maître. Celui-ci fait partie de l’Unité de garde et d’appui opérationnel (Ugao).

Après publication de cet article, la police luxembourgeoise a répondu aux questions de Paperjam. Découvrez comment ils forment leurs maîtres-chiens