Alors que l’économie réelle a été profondément impactée par la crise du Covid-19, la finance, elle, a battu de nouveaux records en 2020. (Ilkustration: Salomé Jottreau)

Alors que l’économie réelle a été profondément impactée par la crise du Covid-19, la finance, elle, a battu de nouveaux records en 2020. (Ilkustration: Salomé Jottreau)

Alors que l’économie réelle a été profondément impactée par la crise du Covid-19, la finance, elle, a battu de nouveaux records en 2020. Le secteur des fonds sera toutefois confronté à de nombreux défis au cours des prochains mois.

Les superlatifs manquent pour décrire les événements qui, grosso modo depuis le début de l’année 2020, frappent l’ensemble de la planète. Symptôme de l’omniprésence croissante de l’homme, jusque dans les régions les plus sauvages du globe, mais aussi d’un monde dont les moindres fractions n’ont jamais été connectées, physiquement, de façon aussi efficace, la pandémie de Covid-19 a réintroduit dans nos esprits ce sentiment que beaucoup avaient oublié: la conscience de notre fragilité.

Face à un virus inconnu, particulièrement contagieux et emportant les plus vulnérables d’entre nous, des politiques publiques drastiques ont été mises en place. Les confinements successifs en sont sans doute le symbole le plus fort. Ils ont contribué à nous faire comprendre combien ces moments d’insouciance passés en famille ou entre amis étaient précieux, au restaurant, au théâtre ou dans une salle de concert. Ils ont surtout causé des dommages importants à l’économie, de nombreux secteurs se retrouvant tout simplement privés de revenus durant de nombreux mois, jusqu’à aujourd’hui, pour certains. Si le Luxembourg, à l’instar de nombreux autres pays, a rapidement pris le taureau par les cornes, en lançant des programmes d’aide qui ont permis à toute une série d’entreprises de limiter la casse, les conséquences réelles de cette crise inédite ne pourront être embrassées que sur le long terme.

La finance prend le large

Si le moment n’est donc pas encore venu de dresser un bilan des pertes encourues sur le champ de bataille du Covid-19, on peut déjà exclure de ce tableau comptable les acteurs des marchés financiers. Certes, une bourrasque de panique a bien fait vaciller ces marchés durant quelques semaines mais, l’effet de surprise passé, ils n’ont pas tardé à retrouver l’équilibre. Mieux, certains ont même battu des records. Pour s’en rendre compte, quelques chiffres valent mieux qu’un long discours: malgré une perte de 20% subie en l’espace record de 22 jours au mois de mars, les marchés actions internationaux ont fini l’année en hausse globale de 6,11%, selon l’index MSCI World. Si l’Europe, spécifiquement, s’en sort moins bien que la Chine sur l’année 2020, certaines de ses places financières ont réussi à tirer leur épingle du jeu en récoltant les fruits de cette effervescence sur les marchés. À commencer par le Luxembourg et son industrie des fonds.

La Place grand-ducale a certes été, elle aussi, ébranlée par la crise au mois de mars 2020. Au cours de cette période, pour la première fois depuis très longtemps, le montant des actifs sous gestion dans des fonds d’investissement luxembourgeois a chuté de plus de 11%. Mais le marché n’a pas tardé à reprendre sa marche en avant et à faire tomber les records. Il aura fallu moins de six mois pour que le volume de ces actifs retrouve son niveau d’avant la crise (4.882,41 milliards d’euros en novembre 2020) et, à la fin du mois de janvier 2021, la barre symbolique des 5 000 milliards d’euros était franchie (5 050,132 milliards d’euros). «Cette courbe ascendante se poursuit depuis. À la fin mars 2021, le volume d’actifs sous gestion au Luxembourg s’élevait déjà à près de 5 250 milliards d’euros, commente , présidente de l’Association luxembourgeoise des fonds d’investissement (Alfi). Sur les douze derniers mois, la progression est de 26,5%, ce qui démontre toute la capacité de résilience de notre industrie.»

Aujourd’hui, on constate que les marchés ont bien digéré la pandémie.
Olivier Carré

Olivier Carréfinancial services market leaderPwC Luxembourg

Une politique monétaire qui fait mouche

Cette asymétrie entre le krach vécu par l’économie réelle et le boom de la finance peut toutefois interpeller. «La raison en est pourtant simple: nous sommes confrontés à une crise économique, et non à une crise financière comme en 2008», tranche , investment funds partner au sein de Clifford Chance Luxembourg. Face à cette situation de crise économique, les réactions des banques centrales à travers leurs politiques monétaires ont eu pour conséquence de faire jaillir un flux de liquidités qui a alimenté les fonds d’investissement. «Ces programmes sont toujours en cours et continuent à bénéficier au secteur des fonds, notamment grâce aux investisseurs institutionnels comme les fonds de pension ou d’assurances, explique , financial services market leader au sein de PwC Luxembourg. Je pense que cette crise économique pourrait toutefois avoir des impacts à plus long terme sur certains domaines d’activité du secteur financier, par exemple la banque. Mais aujourd’hui, on constate que les marchés ont bien digéré la pandémie.»

Si le rôle de la politique monétaire menée depuis le début de la crise du Covid-19 est pointé par l’ensemble des acteurs du secteur financier comme l’un des éléments qui s’est avéré le plus efficace pour éviter le naufrage de la finance, il n’est pas le seul. «Les qualités intrinsèques de la place financière luxembourgeoise ont aussi joué, explique Corinne Lamesch. Aujourd’hui, nous pouvons notamment compter sur une clientèle internationale très diversifiée, avec des fonds distribués dans plus de 70 pays.» Pour la présidente de l’Alfi, la résilience du secteur financier, au Luxembourg à tout le moins, est aussi une bonne nouvelle pour l’économie réelle. «Il faut tout de même rappeler que, dans ce pays, plus de 30% du PIB est généré directement ou indirectement par le secteur financier. Si celui-ci se sort bien d’une crise comme celle du Covid-19, c’est toute l’économie qui s’en porte mieux. On l’a bien vu avec les chiffres sur la croissance. Alors qu’on annonçait une contraction du PIB luxembourgeois de l’ordre de 6% il y a quelques mois encore, nous n’avons finalement perdu qu’1,3% sur l’année. À l’avenir, les fonds d’investissement, en général, seront amenés à avoir une plus grande importance encore dans l’économie réelle.» 

La silencieuse montée en puissance de l’alternatif

La bonne santé du secteur des fonds, chiffres à l’appui, est donc indéniable et a de quoi réjouir dans le contexte que nous connaissons. Pourtant, en ce qui concerne le volume d’actifs sous gestion, ce tableau chiffré n’est pas tout à fait complet puisqu’il passe sous silence tout un ensemble d’actifs au succès grandissant. «Les chiffres annoncés font seulement état des actifs placés dans des fonds réglementés, relève en effet Paul Van den Abeele. Or, de notre point de vue, c’est bien dans les fonds non réglementés, alternatifs, que la croissance est la plus importante.» Cet attrait est surtout le fait d’investisseurs «professionnels» et non de personnes privées. «Les investisseurs privés investissent plus dans des fonds traditionnels, qui mélangent actions et obligations. C’est la faiblesse des rendements qui les pousse à adopter cette attitude, explique Olivier Carré. Par contre, les investisseurs professionnels comme les assureurs, les fonds de pension ou les banquiers cherchent de nouveaux canaux d’investissement, notamment les classes d’actifs plus alternatives comme le private equity ou les fonds de dette. Cela permet à la fois d’obtenir un meilleur rendement et de décorréler certains avoirs des marchés boursiers.»

Alors qu’il s’agissait d’une niche il y a quelques années, de 16 à 17% des actifs totaux de notre industrie sont aujourd’hui placés dans des fonds alternatifs.
Corinne Lamesch

Corinne LameschprésidenteAssociation luxembourgeoise des fonds d’investissement (Alfi)

Au sein de l’Alfi, on est bien conscient de cette croissance et du rôle essentiel que devraient jouer les fonds alternatifs dans le futur, tant pour la finance que pour l’économie réelle. «Alors qu’il s’agissait d’une niche il y a quelques années, de 16 à 17% des actifs totaux de notre industrie sont aujourd’hui placés dans des fonds alternatifs, indique Corinne Lamesch. Ces fonds se ‘démocratisent’ et intéressent aussi de plus en plus les ‘high net worth individuals’. Or les sommes investies dans ces fonds serviront à soutenir des PME, à construire des infrastructures, à financer les projets concrets de demain, ce qui est positif pour l’économie réelle.» Positive, la croissance des fonds alternatifs l’est aussi pour le Luxembourg et son industrie des fonds. «Le Luxembourg est une des Places les plus réputées au monde pour la structuration de fonds alternatifs. L’attrait grandissant pour cette classe d’actifs est donc une bonne nouvelle pour le pays», estime Olivier Carré.

Financer la transition durable

Bien entendu, tous les fonds alternatifs n’ont pas le même succès. Après cette année de crise, certains types d’investissements ont plus le vent en poupe que d’autres. «Les produits digitaux, les infrastructures, les fonds de dette ou l’immobilier sont les plus populaires aujourd’hui, résume Paul Van den Abeele. Mais la tendance est aussi aux investissements sur un plus long terme, qui offrent une plus grande protection. C’est le cas notamment dans l’immobilier, mais aussi dans le private equity. Cette durée plus longue convient particulièrement bien aux investisseurs institutionnels, qui ont des obligations sur 20, 30, 40 ou 50 ans.»

Au rang des tendances, il est impossible de ne pas évoquer également les investissements durables, respectant des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance). La nécessité de financer la transition écologique mais aussi le changement des mentalités des investisseurs sont sans doute deux des facteurs qui expliquent l’attrait croissant des gestionnaires de fonds pour ces produits. Selon Morningstar, 233 milliards d’euros ont été levés en Europe dans des fonds ESG en 2020, soit le double de l’année précédente. Et 120 milliards supplémentaires ont déjà été collectés au 1er trimestre 2021. «Les fonds qui intègrent la durabilité dans leur décision d’investissement ou qui ont un objectif d’investissement durable sont connus des investisseurs depuis un moment maintenant, mais l’entrée en vigueur, le 10 mars dernier, du règlement européen sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (Sustainable Finance Disclosure Regulation, ndlr) – devrait rendre ces investissements plus attractifs encore, en offrant plus de transparence à tous les acteurs du marché, explique Maren Stadler-Tjan, investment funds partner au sein du cabinet d’avocats Clifford Chance. De plus, les rendements aujourd’hui offerts par ces produits sont intéressants. Les choses bougent très vite et, pour de nombreux spécialistes, il est bien possible qu’il n’existe tout simplement presque plus de produits non durables d’ici quelques années.»

À la croisée des chemins

Pour les acteurs du secteur financier, le phénomène des investissements ESG n’est pas une mode passagère. Au contraire, nous venons de franchir un point de basculement en la matière et le retour en arrière sera sans doute impossible. «La mise au point de réglementations plus claires sur ces sujets témoigne d’une réelle volonté politique d’avancer dans cette direction. Au niveau européen, une trajectoire ambitieuse a été définie pour arriver à la neutralité carbone et le secteur des fonds est intégré à cette stratégie, note Olivier Carré. Ce mouvement induit toutefois un changement structurel pour le secteur, qui se répercutera aussi sur les banques, les assurances, etc. Désormais, des solutions adaptées à ces critères ESG plus clairement définis vont devoir être proposées aux investisseurs, et il faudra se conformer à de nombreuses réglementations liées au sujet. Les entreprises dans lesquelles on investit devront, elles aussi, adopter des mesures claires pour améliorer leurs standards environnementaux.»

À présent au cœur des préoccupations, l’investissement ESG pourrait, lui aussi, être un important levier de croissance pour une place financière luxembourgeoise qui a eu l’intelligence de se positionner rapidement sur le sujet. «L’Europe offre l’univers le plus large et le plus diversifié en matière de fonds ESG, relève Corinne Lamesch. Et le Luxembourg est un vrai pionnier en la matière, qu’il s’agisse de la création de fonds ou de leur labellisation, via LuxFlag. En outre, avec le Lux Green Exchange, nous avons également mis sur pied la toute première bourse verte. Tout cela explique qu’aujourd’hui un tiers des fonds ESG sont basés au Luxembourg.» Ces structures, en place depuis déjà quelques années, ont en réalité eu l’effet d’une bonne campagne marketing sur la réputation de Luxembourg. «Elles permettent de présenter la Place luxembourgeoise comme un lieu où le sujet de la durabilité a une importance réelle. Aujourd’hui, nous devons faire en sorte que les investissements durables soient une carte de visite similaire à celle que constituent déjà les fonds Raif ou Ucits, par exemple», ajoute Maren Stadler-Tjan.

Quand les coûts poussent à la consolidation

À l’heure actuelle, tout va donc pour le mieux pour l’industrie luxembourgeoise des fonds. Cela ne signifie toutefois pas qu’il faille s’endormir sur ses lauriers. Au cours des prochaines années, de nombreux défis se dresseront sur la route des acteurs du secteur. Et, paradoxalement, la montée en puissance des fonds ESG – et de la réglementation qui l’accompagne – pourrait venir bousculer le marché. «Le durcissement de la réglementation, notamment en matière de durabilité, ne facilite clairement pas la vie des petits acteurs, à l’exception des structures de taille si modeste qu’elles échappent à ces obligations, estime Paul Van den Abeele. Il est évident que les grosses structures sont mieux armées pour assumer le coût induit par la réglementation. Les petits acteurs, eux, devront faire supporter ces coûts supplémentaires à leurs clients, ce qui pourrait finir par poser problème. Le sujet de la réglementation ne se limite toutefois pas au durable. On assiste aussi à une inflation des règles liées notamment au blanchiment. Pour certains clients étrangers – asiatiques par exemple –, la difficulté qu’ils éprouvent à créer un fonds au Luxembourg devient même difficile à comprendre.» S’il n’y a pas d’alternative à la réglementation, il s’agit sans doute de trouver le bon équilibre, pour que celle-ci reste bien au service des investisseurs, sans constituer un frein trop important à la bonne marche des affaires.

Au fil du temps, on pourrait donc assister à des mouvements de consolidation entre acteurs de la Place. En augmentant ainsi leur taille et le volume de leurs actifs sous gestion, ces structures pourront mieux faire face aux nouveaux impératifs. «Cette tendance à la consolidation devrait s’accélérer au cours des prochaines années, annonce Corinne Lamesch. Mais cela ne veut pas dire qu’il ne restera plus de place pour des acteurs et des produits de niche. Au final, ce sont surtout les structures moyennes, entre les deux extrêmes, qui devraient souffrir le plus.» Cette vision est partagée par Olivier Carré. «Si le risque de consolidation est évident, il n’est pas forcément négatif: un marché qui bouge est toujours plus intéressant qu’un marché statique. En outre, je suis convaincu qu’il reste beaucoup de place pour les acteurs spécialisés. La question qui se pose pour les acteurs de taille plus modeste qui sont déjà installés sur la Place est de savoir s’ils se spécialisent ou s’ils choisissent de s’industrialiser. Ils courent surtout un danger en n’évoluant pas.»

La concurrence fait rage

On l’a dit, Luxembourg est sur les bons rails pour tirer profit des opportunités liées à la croissance des classes d’actifs alternatives. La Place dispose aussi toujours des mêmes atouts pour attirer les investisseurs qui souhaitent créer des fonds réglementés plus traditionnels. Mais, dans un environnement post-Brexit, il est crucial de ne pas laisser filer la concurrence, à l’affût de la moindre ouverture pour se détacher du peloton. «Le besoin d’innover est plus important que jamais, croit Olivier Carré. Nous devons parvenir à maintenir le niveau de sophistication que tout le monde reconnaît au Luxembourg, ce qui n’est pas évident, mais aussi être précurseurs sur certains domaines, à commencer par l’ESG.»

Dans un contexte post-Brexit, il est d’autant plus important de rester sur ses gardes. Le Luxembourg a certes tiré son épingle du jeu en attirant, principalement en 2019, une trentaine de sociétés britanniques ainsi que des fonds transférés avant le départ officiel du Royaume-Uni de l’Union européenne. Mais de nombreux concurrents ont fait de même, à commencer par l’Irlande. Suite au Brexit, Dublin a servi de solution de repli à de nombreux acteurs anciennement installés à Londres. «Il ne faut pas sous-estimer le risque de voir des pays comme l’Irlande prendre une avance considérable en mettant au point des régimes favorables pour les investisseurs. Le Luxembourg, heureusement, dispose d’une expertise et d’une histoire par rapport aux fonds d’investissement qui ne peuvent pas être rattrapées en deux coups de cuiller à pot», ajoute Paul Van den Abeele.

Éduquer et anticiper

Au-delà de la concurrence venue d’autres pays, il faut aussi garder un œil sur celle que représentent des structures privées, bien connues de chacun, comme les Gafa (Google, Amazon, Facebook, Apple). Ces géants du digital disposent en effet d’une expertise unique, mais aussi d’une connaissance fine des préférences d’un nombre considérable de citoyens à travers le monde. «Ces acteurs savent comment communiquer au mieux avec les clients, en utilisant des solutions digitales à la pointe. Ils disposent également d’une force de frappe financière très importante. S’ils venaient à investir le secteur des fonds, ils pourraient rapidement devenir incontournables», prévient Corinne Lamesch. Pour éviter d’en arriver là, il est donc crucial d’attirer au Luxembourg des sociétés et des professionnels qui travaillent sur les technologies les plus récentes, telle la blockchain. «Je dois dire que le Luxembourg s’en sort pas mal à ce niveau, notamment grâce à la Lhoft, qui abrite un écosystème intéressant pour un petit pays comme le Luxembourg, poursuit la présidente de l’Alfi. Mais il est aussi nécessaire d’étendre l’offre éducative. Nous avons par exemple participé à la refonte du programme du master en finances de l’Université du Luxembourg, pour permettre aux étudiants de développer des compétences plus proches de ce qu’attendent les acteurs du marché. Nous participons à des réflexions menées par des écoles de commerce pour enrichir et étendre la panoplie de l’offre curriculaire.»

Forte de sa réputation, la Place devrait parvenir à continuer à attirer les talents dont elle a cruellement besoin, voire à les former. Mais elle devra aussi arriver à s’adapter à d’importants changements au niveau réglementaire, notamment la révision des directives AIFM et Ucits, qui constituent le socle sur lequel s’est développée l’industrie luxembourgeoise des fonds au cours des dernières années (lire notre encadré). Une convergence en matière de surveillance prudentielle est également en cours de réflexion. «De notre point de vue, une surveillance de ce type étant exercée par l’Europe sur les banques, je ne crois pas qu’il soit nécessaire de l’appliquer également aux fonds d’investissement», commente Corinne Lamesch. Par ailleurs, la présidente de l’Alfi souligne la nécessité d’attirer plus d’investisseurs privés dans le secteur des fonds. «Certains ménages européens disposent de réserves de cash importantes, que nous devons pouvoir capter, notamment à travers des produits d’épargne-pension individuels. Selon nous, il faut que ces produits soient paneuropéens, car les citoyens bougent aujourd’hui beaucoup. C’est à nous de les lancer et de les développer pour continuer à faire grandir notre industrie. Mais il sera aussi nécessaire de former les citoyens à la finance, de leur offrir une réelle éducation financière qui leur permette de mieux en comprendre les mécanismes, la façon d’investir, les risques que cela représente, etc. Nous nous réjouissons, à ce titre, de la campagne lancée dernièrement par Luxembourg for Finance pour les citoyens grand-ducaux.»

D’une manière générale, pour faire face aux défis de demain et maintenir Luxembourg sur le podium des places financières mondiales, il faudra conserver et cultiver les réflexes adoptés depuis de nombreuses années: anticiper les tendances, être proactif, faire entendre sa voix et parfaire une boîte à outils qui suscite l’envie ailleurs en Europe. C’est tout le mal qu’on souhaite à l’industrie luxembourgeoise des fonds. 

Un agenda réglementaire chargé

La Place luxembourgeoise a toujours su s’adapter rapidement aux nouvelles réglementations européennes. Elle devra conserver cette attitude par rapport aux nouvelles législations en préparation.

Directives AIFM et Ucits

Les règles européennes appliquées aux managers de fonds alternatifs (AIFM) sont en cours de révision afin de mieux protéger l’investisseur et l’ensemble de l’économie européenne. Cette révision pourrait également conduire à un réajustement de la directive UCITS. Selon l’Alfi, la révision de certaines clauses – sur la délégation, notamment – ne s’avérait pas nécessaire et pourrait impacter l’industrie luxembourgeoise des fonds, dont la distribution hors Europe. 

Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR)

Nous l’avons dit, la finance durable est là pour durer. Afin de mieux encadrer les pratiques en la matière, les AES (Autorités européennes de supervision) ont mis au point une réglementation sur la divulgation d’informations sur la finance durable (SFDR). Celle-ci impose aux entités de communiquer clairement sur la classification des fonds, les incidences négatives liées à la durabilité, les politiques en matière de risques, etc. «Avec la taxonomie verte, cette réglementation pourrait bousculer l’industrie financière, au Luxembourg comme ailleurs», assure Corinne Lamesch.

Capital markets union 2.0 (CMU II)

Destinée à faire bénéficier les entreprises, investisseurs et consommateurs européens, où qu’ils soient situés, de l’argent investi sur les marchés financiers, la deuxième version de la «capital markets union» est présentée comme un levier de choix pour redresser l’économie suite à la crise du Covid, mais aussi pour répondre aux défis de la transition verte. «Son intérêt principal, pour nous, est de nous amener à réfléchir à la façon d’attirer plus d’investisseurs retail sur les marchés financiers», commente la présidente de l’Alfi.

Révision de l’Eltif

L’European Long-Term Investment Funds (Eltif) est un véhicule permettant de faciliter l’investissement – à travers des fonds alternatifs – dans des actifs à plus long terme, comme les transports et les projets d’infrastructures sociales (hôpitaux, énergie, etc.). La révision de cet outil vise notamment à s’assurer qu’il répond aux objectifs européens d’une croissance durable et inclusive. Touchant aux fonds alternatifs, la révision de l’Eltif pourrait aussi impacter Luxembourg.

Les fonds ESG peuvent-ils vraiment sauver la planète?

La montée en puissance des fonds ESG a de quoi poser question aux plus suspicieux d’entre nous. Des outils financiers, qui profitent aux plus puissants, peuvent-ils réellement changer la marche du monde et produire des effets concrets et durables sur le climat et la planète? «Les fonds ESG répondent à un besoin politique et de société, estime Olivier Carré. Ils permettent aussi, aujourd’hui, de réaliser des profits. Mais il s’agit là d’une condition de base pour les rendre attractifs. Ce qui est clair, c’est que les capitaux investis vont se déplacer vers des entreprises plus respectueuses des critères ESG. Cela contraindra un bon nombre de sociétés à revoir leurs pratiques. Celles-ci devront en outre effectuer un reporting régulier attestant de leur respect de ces critères. En ce sens, il n’est pas loufoque de penser que ces fonds durables auront un impact positif sur la planète.» Seul l’avenir nous dira si nous avions raison d’y croire ou non.

Cet article a été rédigé pour le supplément ‘Fonds d’investissement’ de  parue le 27 mai 2021.

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