En vigueur au Luxembourg depuis le 1er janvier 2020, la directive ATAD2 devrait a priori impacter les sociétés luxembourgeoises dans tous les secteurs, y compris celui des fonds d’investissement. Toutefois, ses effets sont variables.

En octobre 2015, l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) rendait publiques ses recommandations finales visant à coordonner, à l’échelle internationale, la lutte contre l’évasion fiscale des entreprises multinationales. Cet ensemble de recommandations – appelé BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) – a débouché, en Europe, sur la mise au point par la Commission d’une directive contre l’évasion fiscale nommée ATAD (Anti-Tax Avoidance Directive).

«L’Europe a eu la bonne idée de se dire qu’on ne pouvait pas laisser les États européens fixer leurs propres règles anti-évasion fiscale, sans quoi une forme de concurrence déloyale aurait pu voir le jour», explique Vincent Remy, Tax Partner, Wealth & Asset Management chez EY Luxembourg. «La première version d’ATAD a donc été mise au point en 2016. Cette directive s’attaquait en priorité aux dispositifs hybrides, c’est-à-dire aux différences de traitement d’un paiement ou d’une entité, entre deux pays membres de l’Union européenne. Ceux-ci peuvent en effet entraîner une double déduction ou une déduction sans inclusion, dans le pays source du paiement et dans le pays du bénéficiaire.»

L’impact ATAD2

Transposée au Luxembourg dès 2019, la directive ATAD1 a rapidement dû être complétée. «Le problème avec ATAD1, c’est qu’elle se limitait aux dispositifs hybrides issus d’interactions entre les systèmes d’imposition des États membres. Pour une plus grande efficacité, le Conseil européen a décidé d’élargir les mesures de la directive aux pays hors UE», indique Vincent Remy. C’est cette nouvelle mouture de la directive, baptisée ATAD2, qui est entrée en vigueur au Luxembourg au 1er janvier 2020. Qu’est-ce qu’elle implique pour les entreprises multinationales, notamment celles actives dans les fonds d’investissement? «Les règles d’ATAD2 peuvent entraîner un refus de déduction fiscale, c’est-à-dire une augmentation de la charge d’impôts», poursuit le partner d’EY Luxembourg. «L’impact en matière de rendement pour l’investisseur peut donc être important.»

Dans le cadre de la transposition au Luxembourg de la directive ATAD2, le législateur a prévu une mesure de simplification à l’égard des fonds d’investissement de manière générale.
Vincent Remy

Vincent RemypartnerEY Luxembourg

Cela dit, dans le cadre de la transposition au Luxembourg de la directive ATAD2, le législateur a prévu une mesure de simplification à l’égard des fonds d’investissement de manière générale. «Une dérogation a en effet été prévue dans la loi luxembourgeoise en présence d’investisseurs qui détiennent moins de 10% des titres ainsi que moins de 10% des droits de participation aux bénéfices dans un fonds d’investissement. Dans un tel cas de figure, les règles ATAD2 ne devraient pas s’appliquer, de manière à ce que la déduction auprès du contribuable-payeur ne soit pas refusée», précise Vincent Remy. Les règles ATAD2 ont en effet vocation à s’appliquer en principe qu’entre entreprises associées, donc entre entités et/ou personnes physiques ayant un certain lien entre elles et étant de ce fait dans une position leur conférant un certain contrôle et un certain pouvoir de décision. Le choix de ce seuil de 10% est justement lié à cette notion de contrôle: dans le cadre d’un fonds d’investissement levant des capitaux auprès d’un certain nombre d’investisseurs, un investisseur ayant moins de 10% ne peut pas, en principe, avoir de contrôle effectif sur les investissements effectués par ce fonds.

Le Luxembourg est surtout reconnu dans le secteur des fonds pour sa fameuse boîte à outils, contenant des véhicules d’investissement adaptés à tous les besoins, mais aussi pour sa stabilité économique.
Vincent Remy

Vincent RemypartnerEY Luxembourg

L’existence de cette dérogation devrait permettre aux fonds d’investissement d’appréhender plus sereinement ATAD2. La raison en est simple: en général, ces fonds ont une base d’investisseurs large diluant le capital du fonds. «En outre, bon nombre d’investisseurs dans ces fonds jouissent d’un statut particulier», complète Vincent Remy. «Il s’agit souvent d’autres fonds, comme des fonds de pension, qui sont eux aussi exonérés fiscalement.»

Au final, le Luxembourg a transposé cette directive tout en choisissant les options proposées par celle-ci avec le souci de créer un environnement tenant compte des contraintes auxquelles le secteur est par ailleurs soumis. Pour le partner d’EY, en tout état de cause, «le Luxembourg est surtout reconnu dans le secteur des fonds pour sa fameuse boîte à outils, contenant des véhicules d’investissement adaptés à tous les besoins, mais aussi pour sa stabilité économique et politique, son importante force de travail consacrée au secteur des fonds, son régulateur réactif, etc.»