Que se passerait-il pour des assurés victimes d’un accident de la route si leur assureur ou l’assureur de la partie adverse faisait faillite? De gros problèmes pour faire prendre en charge leur préjudice. Si au Luxembourg un tel cas ne s’est jamais produit, ce n’est pas un cas d’école. En septembre 2021, l’assureur roumain City Insurance qui revendiquait 45% de part de marché sur le marché des assurances au tiers a fait faillite, laissant ses clients sur le carreau. C’est pour pallier cette éventualité que la Commission européenne, dans sa directive (UE) 2021/2118 – la sixième directive sur l’assurance automobile – dispose que dans chacun des pays membres existe un fonds d’indemnisation qui prendra le relais pour indemniser les personnes victimes d’un accident de la route si d’aventure, l’entreprise d’assurance compétente fait faillite ou est en procédure de liquidation. Cette directive devait être transposée au plus tard le 23 décembre 2023.
Le Fonds de garantie automobile hors jeu
Le projet de loi 8184 modifiant la loi du 16 avril 2003 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs a été déposé par la ministre des Finances d’alors, le 23 mars 2023. Le choix n’a pas été fait de confier cette nouvelle mission au Fonds de garantie automobile (FGA) qui regroupe toutes les entreprises d’assurance autorisées à opérer dans la branche RC autos sur le territoire luxembourgeois et dont la mission est de réparer les préjudices causés sur le territoire luxembourgeois par un véhicule non assuré, un véhicule non identifié ou un véhicule couvert par une entreprise d’assurance insolvable.
Pourquoi ne pas avoir confié au FGA la nouvelle mission découlant de la sixième directive à une institution qui en assure une partie? Pour une raison avant tout technique: le mode de financement imposé par la directive est différent de celui du FGA. En effet, alors que le FGA est géré et financé par les entreprises d’assurances autorisées à exercer sur le territoire luxembourgeois, y compris les entreprises d’assurances étrangères qui commercialisent leurs produits sur le marché luxembourgeois en libre établissement ou par libre prestation de services, le mécanisme imposé par la directive (UE) 2021/2118 en matière d’indemnisation en cas d’insolvabilité d’une entreprise d’assurances est une structure de financement qui se limite aux apports des seuls assureurs de droit luxembourgeois.
Un financement en deux étapes
Place donc au Fond d’Insolvabilité en Assurance Automobile qui reprendra à son compte les missions d’indemnisation liées à l’insolvabilité d’un assureur jusque là couvertes par le FGA. Le FIAA est un établissement public placé sous la tutelle du ministre ayant le secteur des assurances dans ses attributions. Toutes les entreprises d’assurances de droit luxembourgeois sont tenues d’y adhérer et de cotiser.
Le financement du FIAA se fera en deux étapes. Ex ante, toute entreprise adhérente devra s’acquitter d’une cotisation équivalente soit à 0,5% de ses primes émises, brutes de réassurance, dans la branche d’assurances de la responsabilité civile véhicules terrestres automoteurs, nettes d’annulation soit à 0,125% de ses provisions pour sinistres. Le plus haut montant sera retenu. Une partie de cette somme sera imputée aux coûts de financement du FIAA.
Les assurés seront mis à contribution
Du côté de l’ACA, en se basant sur le chiffre des encaissements de 2022 – soit 180 millions d’euros –, et compte tenu de la croissance du secteur, la facture est estimée à environ 1 million d’euros. Un montant qui sera répercuté aux assurés entraînant de facto une hausse des primes comme l’avait confirmé en Commission le ministre des Finances . De combien sera cette hausse? Il est trop tôt pour le calculer et cela dépendra aussi de la concurrence que se livrent les assureurs sur ce créneau de l’assurance automobile. Notons que si la couverture de ce risque était jusqu’à présent assurée par le FGA, son transfert au FIAA ne sera pas synonyme de baisse de cotisation au FGA pour les assureurs.
Objectif: 300 millions d’euros de réserve
Mais ce n’est pas le financement ex ante qui inquiète le plus les assureurs. En cas de défaut d’une grande enseigne, les professionnels pourraient avoir à en assumer la charge ex post avec une contribution extraordinaire. Et là, le montant n’est pas plafonné par la loi. C’est ce point qui rend les assureurs nerveux au point de parler de .
La loi prévoit tout de même deux garde-fous. D’abord, lorsque le montant de la contribution supplémentaire risque de compromettre la liquidité ou la couverture du capital de solvabilité requis d’une entreprise, le Commissariat aux Assurances peut différer entièrement ou partiellement le versement de cette contribution. Différer pour six mois et pas supprimer cependant. La loi prévoit également que le FIAA pourra se doter de moyens financiers supplémentaires en recourant à des emprunts, des lignes de crédit et/ou des contrats de réassurance. Avec une garantie de l’État plafonnée à 300 millions d’euros.
300 millions, c’est le niveau de réserve jugé à ce jour optimal par les rédacteurs de la loi.
Les assureurs exclus du Comité de direction du FIAA
Combiner un financement partiel ex ante permettra d’assurer un coussin de liquidités et réduit ainsi les contributions «ex post», nécessaires en cas d’insuffisance des contributions collectées «ex ante». Un moyen selon les rédacteurs de la loi de réduire le risque systémique redouté par les assureurs.
L’autre point qui chagrine les assureurs, c’est la composition du Comité de direction dont ils sont exclus. En effet, ce Comité comprendra trois membres effectifs et trois membres suppléants. Le Commissariat aux Assurances en nommera deux – dont le président –, le ministre ayant les assurances dans ses attributions en nommera également deux. Les deux derniers seront nommés par le Grand-Duc sur proposition du gouvernement et seront issus de la magistrature. Une fermeture que dénonçait la Chambre de commerce dans son avis.