Les fonds immobiliers basés au Luxembourg font partie de ceux qui ont été identifiés comme présentant un risque d’instabilité financière dans le secteur de l’immobilier commercial de l’UE, dans le cadre d’un échantillon de 709 fonds analysés par l’Autorité européenne des marchés financiers. Le rapport, publié par l’autorité de régulation du marché le mardi 30 janvier, met en évidence des pressions macroéconomiques significatives – notamment une inflation élevée, une hausse rapide des taux d’intérêt et un ralentissement de la croissance mondiale – qui ont un impact sur le marché des fonds immobiliers. L’Esma a noté que ces fonds, qui ont augmenté de 375% au cours des cinq dernières années, sont parmi les plus exposés aux risques du marché immobilier.
Concentration sectorielle
L’analyse de l’Esma a porté sur des fonds représentant une valeur nette d’inventaire (VNI) totale de 578 milliards d’euros et des actifs sous gestion (ASG) de 851 milliards d’euros, soit 56% des ASG de tous les fonds immobiliers de l’UE. Le secteur est très concentré, 92% des actifs étant gérés dans cinq juridictions: Allemagne, Luxembourg, France, Pays-Bas et Italie. Sur le marché estimé de l’immobilier commercial de l’UE, les fonds d’investissement immobilier de ces juridictions représentent 18%, les fonds d’investissement immobiliers du Luxembourg représentant à eux seuls 22%, soit environ 4% du marché total de l’immobilier commercial de l’UE, ce qui souligne leur empreinte substantielle sur le marché.
Problèmes liés à l’effet de levier
L’Esma s’inquiète notamment de l’utilisation d’un effet de levier important par de nombreux fonds immobiliers (230 sur l’échantillon), qui ne représentent que 2% de la valeur nette d’inventaire totale de l’échantillon. Le ratio d’endettement médian des fonds RE est de 406%, le plus bas de toutes les catégories de fonds de l’échantillon de l’Esma, cette tendance étant particulièrement prononcée dans les plus grandes juridictions, notamment l’Allemagne et le Luxembourg. D’un point de vue systémique, l’empreinte agrégée des fonds immobiliers sur le marché est considérable, puisqu’ils gèrent un portefeuille totalisant 851 milliards d’euros, dont 445 milliards d’euros d’actifs immobiliers. En incluant tous les fonds immobiliers au-delà de l’échantillon de l’Esma, le secteur gère 952 milliards d’euros d’actifs immobiliers, ce qui équivaut à 27% du marché européen de l’immobilier résidentiel.
Inadéquation des liquidités
L’une des principales vulnérabilités identifiées dans le rapport est l’asymétrie des liquidités, un sous-ensemble de fonds présentant des asymétries importantes. Les fonds d’investissement immobilier de l’échantillon sont les plus exposés aux actifs les moins liquides, 89% du portefeuille n’étant pas liquidable dans les trois mois. Cet écart entre le pourcentage de la VNI qui peut être remboursé et le pourcentage des actifs qui peuvent être liquidés au cours de la même période constitue un risque potentiel de contagion pour les institutions financières. Bien que le décalage moyen entre la fréquence de rachat et la liquidité des actifs soit limité au Luxembourg, un sous-ensemble de fonds présente un décalage de liquidité important, ce qui témoigne de la diversité de la composition du marché des fonds RE ouverts et fermés dans la région.
Composition des investisseurs et risques potentiels
L’Esma a noté que la base d’investisseurs des fonds RE est principalement institutionnelle, représentant 80% à la fin de 2022, les assurances et les fonds de pension représentant respectivement 23% et 18% de la valeur nette d’inventaire (VNI). Cependant, les ménages jouent également un rôle important, détenant 22% de la VNI des fonds CRE. Le risque de contagion aux institutions financières est une préoccupation potentielle si les problèmes de stabilité financière affectent les fonds d’investissement immobilier, bien que les risques de contagion soient plus faibles dans les fonds détenus par les investisseurs de détail. Cela pourrait toutefois susciter des inquiétudes quant à la protection des investisseurs. Pour les fonds RE présentant des asymétries de liquidités, la fiabilité des engagements des investisseurs institutionnels constitue une préoccupation importante, en particulier en période de demande accrue de liquidités.
Surveillance réglementaire
À la lumière de ces résultats, l’Esma a souligné la nécessité d’un suivi vigilant et d’une gestion des risques dans le secteur des fonds RE. Plus précisément, au Luxembourg, où les fonds d’investissement immobilier présentent généralement un faible effet de levier, mais détiennent une part de marché importante dans l’UE, l’autorité nationale de régulation financière, la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF), a activement surveillé le secteur. Elle s’est notamment intéressée aux fonds d’investissement guidés par le passif (LDI), qui visent à faire correspondre les actifs d’investissement avec les engagements futurs et qui sont principalement utilisés par les investisseurs institutionnels. Les évaluations en cours de la CSSF suggèrent que les risques liés à ces fonds restent élevés, bien que les limites existantes soient jugées appropriées. En outre, des consultations ont été lancées en vue de maintenir les niveaux de résistance actuels de 300 points de base en tant que restriction de gestion supplémentaire pour les fonds d’investissement alternatifs dans les fonds LDI.
En conclusion du rapport, l’Esma a indiqué qu’elle continuerait à évaluer la nécessité d’émettre des conseils aux autorités nationales compétentes pour traiter les risques de stabilité financière identifiés, sur la base des informations reçues de leur part.
Le rapport de 22 pages est disponible .
Cet article a été rédigé par en anglais, traduit et édité par Paperjam en français.