Des 15 années passées à la tête de la Fondation de Luxembourg, Tonika Hirdman tire un bilan positif: «Cela a été très intéressant, très enrichissant et très inspirant d’accompagner des gens qui ont en commun la volonté de s’engager pour autrui.» (Photo: Eva Krins / Maison Moderne)

Des 15 années passées à la tête de la Fondation de Luxembourg, Tonika Hirdman tire un bilan positif: «Cela a été très intéressant, très enrichissant et très inspirant d’accompagner des gens qui ont en commun la volonté de s’engager pour autrui.» (Photo: Eva Krins / Maison Moderne)

Ce 17 janvier, la Fondation de Luxembourg fête ses 15 ans. L’occasion de faire un bilan, mais aussi d’annoncer un nouveau projet ambitieux et en phase avec les préoccupations actuelles: le lancement d’une fondation dédiée à la lutte contre le changement climatique.

Face à un bilan plus que positif, la directrice générale, , se remémore les débuts de l’aventure lorsque fut annoncée la création de la Fondation de Luxembourg. «Il y a 15 ans, aucune structure par laquelle les donateurs pouvaient être accompagnés n’existait. Créer une fondation était alors très compliqué. En 2008, lorsque nous préparions notre lancement, en plein milieu de la crise financière, il y avait des doutes dans ce contexte difficile quant au fait que les gens puissent consacrer de l’argent à des projets philanthropiques.» Avec 107 fondations créées, dont plus d’une centaine encore en activité à la fin 2022, «nous avons prouvé que la volonté de s’engager pour autrui est constante et que la philanthropie a su évoluer et s’adapter aux temps changeants et aux besoins».

Au début, la plupart des fondateurs étaient des résidents d’autres pays qui venaient au Luxembourg en tant que clients des banques privées. Il aura fallu à peine cinq années pour que la plus grande partie des donateurs soit composée de résidents. «Cela témoigne de la progression de notre notoriété. Au début, ils ne savaient pas ce que nous faisions, ils ont attendu de voir si cela marchait.» 56% des donateurs sont des résidents luxembourgeois. 11% ont leur domicile en Belgique, 10% en Allemagne, 9% en France et 6% en Suisse. «La fondation compte même un donateur d’Afrique du Sud.»

Un projet personnel, collaboratif et international

Accompagner les fondateurs pour trouver des projets, assurer le suivi de ces projets ainsi que la gestion des fondations hébergées, telles sont les missions de la Fondation de Luxembourg. Pour expliquer le succès de l’aventure, Tonika Hirdman met en avant trois caractéristiques en autant de mots-clés.

«Personnel», d’abord. «Chaque fondation, chaque projet est personnel. Et nous offrons à tous un soutien personnalisé.»

«Collaboratif», ensuite. «L’essence de la Fondation de Luxembourg, c’est les collaborations. Nous avons une structure qui permet à différents donateurs de mutualiser les moyens nécessaires au suivi et à l’accompagnement des projets. Ce caractère collaboratif se retrouve également dans nos partenariats avec les organisations bénéficiaires. Je vous donne un exemple: lors du lancement de la Fondation Covid-19, au tout début de la crise, nous nous sommes appuyés sur le réseau de nos organisations bénéficiaires afin de diriger les donations des sociétés donatrices là où il y avait les plus grands besoins.»

Il y a 15 ans, la naissance de la Fondation de Luxembourg avait été annoncée par Luc Frieden – entouré par Tonika Hirdman et Pierre Bley. Ce même Luc Frieden, qui, en qualité de Premier ministre, prononcera ce 17 janvier un discours. (Photo: Fondation de Luxembourg)

Il y a 15 ans, la naissance de la Fondation de Luxembourg avait été annoncée par Luc Frieden – entouré par Tonika Hirdman et Pierre Bley. Ce même Luc Frieden, qui, en qualité de Premier ministre, prononcera ce 17 janvier un discours. (Photo: Fondation de Luxembourg)

Le troisième mot-clé, c’est «international». «Si notre ancrage est luxembourgeois, notre ambition était dès l’origine d’accompagner les donateurs venant de toute l’Europe qui voulaient soutenir des causes internationales. Depuis notre création, nous avons été actifs dans 80 pays. Dont certains au contexte compliqué, comme l’Afghanistan, le Yémen, la Syrie ou l’Ukraine. Nous voulons être partout où il y a des besoins de la manière la plus intelligente possible. La Fondation de Luxembourg offre une approche simplifiée pour s’engager dans la philanthropie. Les fondations que nous accueillons n’ont pas de personnalité juridique, elles dépendent du statut juridique de la Fondation de Luxembourg. Et ce sont des fondations financières, autrement dit, elles ne sont pas opérationnelles. Pour agir sur le terrain, nous choisissons le meilleur partenaire possible (ONG, institutions bénéficiaires…), avec lequel une convention sera signée. Pour ce qui est du contrôle, nous ne pouvons pas nous permettre d’aller sur place – nous le faisons quand il le faut... Le projet est suivi par rapport à la convention passée et le financement est débloqué tranche après tranche en fonction des reportings reçus. Ici, chaque fondation est supervisée et pilotée par un comité de gestion composé du fondateur, d’un membre indépendant et de moi-même, en tant que représentante de la Fondation de Luxembourg. Et c’est ce comité qui prend toutes les décisions.»

La philanthropie par l’exemple

Quel est le portrait type d’un créateur de fondation? Il y a trois profils principaux, résume Tonika Hirdman. «D’abord, les personnes âgées qui n’ont peut-être pas d’enfants et qui souhaitent que le fruit de leur travail serve à quelque chose d’utile qui leur tient à cœur. Il y a ensuite les hommes ou les femmes d’affaires, des entrepreneurs qui ont réussi leur vie professionnelle et qui veulent donner les mêmes opportunités à d’autres. Et il y a les familles qui voient la philanthropie comme une façon de partager leurs valeurs.»

Trois profils, trois exemples. Locaux.

Premier exemple: la Fondation Schleich-Lentz. «C’était une formation dormante créée du vivant de la fondatrice, Antoinette Schleich-Lentz, alors âgée de 90 ans. C’est au moment de son décès que la fondation est devenue active. Artiste, elle avait une vision: transformer sa maison au Limpertsberg pour accueillir des étudiants. Il aura fallu deux années pour transformer la demeure en foyer étudiant pouvant accueillir huit personnes. Ces locaux sont gérés par l’Université et son atelier est utilisé par une association locale de céramique qui organise des ateliers.

Et nous avons lancé l’an dernier deux bourses artistiques qui dépendent et portent le nom de cette fondation.»

Violette et Pélican

Deuxième exemple, l’entrepreneur qui a réussi. «La Fondation du Pélican a été fondée par Pierre Hippert-Faber, un pharmacien qui avait par ailleurs un grand patrimoine immobilier. Il a créé sa fondation quand il avait environ 80 ans. Du fait de son métier, il était très inspiré par la biomédecine et, pour encourager la recherche, il a accordé des bourses à des doctorants dans ce domaine au Luxembourg. Il a dépensé 2,5 millions d’euros. Actif jusqu’au bout, il assurait le suivi et rencontrait des lauréats. À son décès, il a légué son patrimoine immobilier à sa fondation. Nous sommes en train de préparer un projet phare dans la recherche scientifique biomédicale avec l’Université qui devrait être lancé d’ici l’été. La Fondation du Pélican est notre fondation la plus importante.»

Troisième exemple: la fondation familiale. «La Fondation La Violette a été créée par pour ses trois enfants afin de commémorer la mémoire de leur mère, Christine Tesch-Goblet d’Alviella, décédée d’un cancer. Cette fondation a été créée pour eux et, désormais, François Tesch n’est plus impliqué et a laissé les commandes à ses enfants. Le projet tourne autour de l’art-thérapie et l’objectif est d’aider les personnes atteintes d’un cancer à améliorer leur vie ou tout simplement à revivre à travers l’art. Nous avons créé un programme avec des art-thérapeutes et des psychologues. Programme que nous avons proposé au Centre de réhabilitation du château de Colpach. L’an dernier, il y a eu 40 séances qui ont touché 128 patients.»

Création d’une fondation climat 

Depuis son lancement, la Fondation de Luxembourg a collecté 330 millions d’euros d’actifs et, sur ce montant, 75 millions ont été alloués à des projets d’intérêt général. La totalité des fonds collectés sera bien dédiée à la philanthropie, mais une fois les projets financés, il faut encore les monter. Ce qui prend du temps.

En 2022, 75% des financements étaient destinés à soutenir des causes en Europe. Dont 47% au Luxembourg. «Le Luxembourg, c’est là où la plupart des donateurs résident, mais c’est aussi le pays qui reçoit le plus.» Et au Grand-Duché, ce sont les domaines de la recherche et de la santé qui sont le plus soutenus avec 48,6% des financements. Une tendance que la crise du Covid a accélérée. Viennent ensuite la lutte contre la pauvreté et pour la cohésion sociale (21,6%), l’éducation (18,2%), la culture et la diversité (7,8%) et la biodiversité et la lutte contre le changement climatique (3,8%). Sur ce dernier point, le Luxembourg se distingue. Globalement, le sujet du changement climatique et de la biodiversité, c’est 2% des sommes allouées à la philanthropie. Moitié moins qu’au Luxembourg.

C’est ce bon score luxembourgeois qui a conduit les responsables de la Fondation de Luxembourg à travailler sur le lancement d’une fondation sur le climat. Une fondation annoncée en ce jour d’anniversaire comme la plus belle des bougies. «L’idée est de permettre à des sociétés de contribuer à des projets qui seront présélectionnés et qui seront suivis. Ce sera une fondation ouverte sur le modèle de celles dédiées aux crises du Covid et de l’Ukraine. Si ces deux fondations ont été montées dans l’urgence, ce projet est issu d’un travail préparatoire qui a duré deux ans. Aujourd’hui, nous avons déjà un engagement financier de l’ordre de 250.000 euros, le minimum pour démarrer les activités. C’est une grande initiative qui nous engage et que l’on trouve très pertinente.»

La fondation climat devrait débuter ses activités d’ici quelques mois.