Pour Thomas Valici, l’Europe compte trop de banques pour que celles-ci soient réellement profitables. Des activités de fusion-acquisition entre elles devront contribuer à développer des synergies. (Photo: Fondation Idea)

Pour Thomas Valici, l’Europe compte trop de banques pour que celles-ci soient réellement profitables. Des activités de fusion-acquisition entre elles devront contribuer à développer des synergies. (Photo: Fondation Idea)

Pour l’instant épargnées par la pandémie, les banques européennes souffrent surtout d’une faible profitabilité qui, à terme, pose question face aux défis à relever. La Fondation Idea a chargé Thomas Valici d’étudier ce contexte.

«Stress test à grandeur nature, l’arrivée soudaine de la crise sanitaire liée au Covid-19 a fortement mis à l’épreuve le secteur bancaire européen. Si elles ont pu être montrées du doigt lors de la crise financière de 2008, force est de constater que les banques européennes font preuve d’une certaine résilience. Toutefois, leur faible profitabilité risque, à terme, d’être encore plus entamée, tandis que les défis qu’elles devront relever pour rester compétitives seront d’autant plus grands», résume Thomas Valici, économiste en charge de la rédaction de l’étude «Banques européennes: résistantes mais peu profitables» publiée dans le numéro 18 de la revue «Décryptage» de la Fondation Idea.

Au moment où se déroulent les stress tests de l’Autorité bancaire européenne (EBA) et de la Banque centrale européenne (BCE), comment se portent les banques européennes?

Thomas Valici. – «Les banques européennes sont entrées dans la crise sanitaire bien mieux préparées que lors de la crise financière de 2008. Elles avaient davantage de fonds propres et de liquidité, de dépôts des ménages et des entreprises non financières. Elles ont aussi pu se refinancer en février, avant que les marchés primaires ne s’arrêtent temporairement. De plus, le taux de créances douteuses se situait bien en dessous du pic atteint en 2014. Ce coussin de sécurité a été essentiel pour garantir la confiance du système bancaire et a permis aux banques européennes de traverser cette crise sans trop d’encombres. Il devrait en outre permettre d’aider au mieux les ménages et entreprises et d’alimenter la future relance économique.

C’est paradoxal: plus robustes, les banques suscitent moins l’intérêt des investisseurs, comme en témoigne la chute de leurs valorisations boursières. Pourquoi?

«Il y a probablement la peur qu’elles souffrent des effets de la crise sur l’économie réelle, et notamment une hausse substantielle des créances douteuses. Mais c’est surtout la baisse de la rentabilité du secteur bancaire qui effraie les investisseurs. D’après les données du FMI, le retour sur actifs a été divisé par trois depuis 2000 pour s’établir avant la pandémie à +0,2%. Et le rendement des capitaux propres a quant à lui été divisé par quatre sur la même période pour atteindre 3,2%.

Un problème structurel de profitabilité

Quid de l’effondrement de la profitabilité? Quelles en sont ses causes et, surtout, ses implications pour le futur de cette industrie?

«Quand bien même la robustesse des banques européennes s’est nettement renforcée, il n’en demeure pas moins que leur faible profitabilité est en réalité un problème structurel au sein de la zone euro. Plusieurs raisons peuvent l’expliquer: le bas niveau des taux d’intérêt, la concurrence accrue avec les institutions financières non bancaires, le stock important des actifs, le désendettement, la réglementation, les dépenses et investissements liés à la digitalisation, la non-maîtrise des coûts, le manque de diversification, la faible croissance économique ainsi que la surbancarisation.

Les banques européennes devront donc réduire leurs coûts et améliorer leur efficacité opérationnelle (diminuer les effectifs en fermant des succursales et agences, investir et adopter de nouvelles technologies pour limiter les intermédiaires, sécuriser les transactions et développer de nouveaux produits et services), mais aussi procéder à des activités de fusion-acquisition entre elles pour développer des synergies (créer des économies d’échelle, améliorer leurs revenus et diversifier leurs activités et expositions géographiques).

C’est important: des banques peu rentables peuvent entraver la stabilité financière. D’une part, elles ne sont pas en mesure de générer des réserves, ce qui rend plus difficile de constituer des amortisseurs en cas de chocs imprévus. D’autre part, elles doivent se refinancer à un coût plus important, ce qui complexifie le refinancement en cas de besoin et la croissance des prêts. Enfin, les banques peu profitables et qui ne sont pas viables peuvent être amenées à prendre plus de risques pour compenser le manque de rentabilité.»