Frank Engel, porte-parole de Fokus, veut augmenter les investissements de l’État dans le logement et les infrastructures, dans le cadre d’une croissance économique qu’il souhaite mutualiser avec la Grande Région. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Frank Engel, porte-parole de Fokus, veut augmenter les investissements de l’État dans le logement et les infrastructures, dans le cadre d’une croissance économique qu’il souhaite mutualiser avec la Grande Région. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

La bonne tenue des finances de l’État pourrait permettre de proposer des allègements fiscaux ciblés, annonçait la ministre des Finances, Yuriko Backes, le 30 janvier. Frank Engel, porte-parole de Fokus et tête de liste pour les législatives du mois d’octobre, estime qu’il ne s’agit là que d’une promesse électoraliste.

La campagne électorale semble déjà avoir commencé pour Fokus. Lors d’une conférence de presse, mardi 7 février, , le porte-parole et Spëtzekandidat du parti créé en 2022, a partagé sa vision de ce que devraient être les priorités d’un gouvernement. Davantage de logements plus abordables, des investissements publics boostés, un index à 3% et une limite de dette publique repoussée sont pour lui les priorités financières absolues en 2023, les réformes fiscales pouvant attendre.

Face aux crises, le gouvernement a dû agir vite et fort via des mesures ciblées. Avait-il tort? Il ne fallait pas d’intervention des finances publiques?

Frank Engel. – «Non. Au moment où il a fallu réagir sur les urgences, ils l’ont fait. Mais aujourd’hui, on veut une politique qui soit capable de réagir aux véritables préoccupations, et non construite en raison de visées purement électoralistes et qui structurellement ne résolvent rien.

Les possibles allègements fiscaux ciblés que la ministre des Finances  (DP) a annoncé vouloir instaurer en 2023 ont juste une visée électoraliste?

«Cette annonce n’est rien d’autre en effet qu’électoraliste et ne concerne que l’année budgétaire 2023. Elle annonce quelque chose qu’elle ne pourra pas faire, car cela n’a pas été entériné par le gouvernement et les partenaires de coalition. Il n’y a pas d’excédent budgétaire pour le demi-milliard que cela coûterait, car on parle plutôt de moins de déficit. Donc, quitte à le creuser quand même, mieux vaut installer des mesures durables plutôt qu’éphémères.


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Relâcher la pression fiscale serait pour vous une bonne chose, sur le fond?

«Je dis que si on le fait, il faut le faire de manière durable. Mais non, nos priorités vont ailleurs qu’à une grande réforme fiscale. Nous voulons soulager la pression sur le logement, qui doit être la priorité absolue.

Comment?

«Si j’avais 500 millions, je ferais une combinaison de plusieurs mesures. D’abord abolir le droit d’enregistrement de 6% à l’acquisition. Cela coûterait 350 millions à l’État et il resterait, par rapport à la marge de manœuvre dont parle Mme Backes, encore quelques centaines de millions d’euros avec lesquels on pourrait peut-être racheter des projets immobiliers. Il faut loger les gens, car il y a un flux de 10.000 personnes par an qui a priori ont besoin de 6.000 logements. Or on n’en construit que 2.000… Combien de temps cette charade va-t-elle continuer?

C’est votre proposition sur la quantité de logements. Et sur les prix?

«Il faut arrêter de demander trois mensualités de garantie, des frais d’agence exorbitants et il faut permettre à des gens qui ne gagnent pas 10.000 euros par mois de pouvoir louer un logement.

Dans le système que nous proposons, l’indexation s’arrête à 200.000 euros de salaire annuel car, à ce niveau, le bénéficiaire a tous les atouts pour négocier son augmentation.
Frank Engel

Frank Engelporte-paroleFokus

Sur la question de l’indexation des salaires, vous aviez au printemps émis l’idée d’un index social à 3%. Est-ce toujours d’actualité?

«Oui. Dans le système que nous proposons, l’indexation s’arrête à 200.000 euros de salaire annuel car, à ce niveau, le bénéficiaire a tous les atouts pour négocier son augmentation. Or, sur les plus petits salaires, comme le soulignait , présidente de l’OGBL, et jusqu’à 5.000 euros – qui est un salaire considéré comme médian au Luxembourg – l’indexation de 2,5% ne rapporte en réalité qu’un bénéfice de 1,7%. Notre proposition d’indexation à 3% vient en réalité combler cet écart pour que les 2,5% soient le bénéfice net réel pour ceux-là.

Vous avez parlé d’un système de financement de cet index par mutualisation. Pouvez-vous développer?

«Les secteurs d’activité qui emploient le plus de bas salaires concernés par cette indexation ne sont pas ceux qui génèrent le plus de profits. Horeca, tourisme, construction… En mutualisant le financement de l’indexation avec le secteur financier (banques, assurances, fonds…), on allège la charge sur ces PME, via la création d’une mutualité obligatoire.

Sur la dette publique, quelle serait votre ligne rouge?

«En période de haute inflation, si on avait 32% de dette, je ne pense pas que ce serait mettre le pays en danger. Des points entiers de pourcentages peuvent se résorber en une année s’il y a baisse de l’inflation et l’urgence est d’investir.

Si le parti de M. Frieden gagnait les élections, je ne serais pas fermé à un rapprochement de nos groupes, dans le cadre d’une coalition.
Frank Engel

Frank Engelporte-paroleFokus

Hormis le logement, où iraient vos autres priorités d’investissement?

«Dans la transition climatique et l’accélération de la production d’hydrogène notamment. Si on reprend la problématique des frontaliers: il faut du rail, des infrastructures routières, hospitalières… Le niveau des investissements publics à 2,5 milliards dont se vante Yuriko Backes n’est qu’à la moitié de ce qui a été annuellement investi lorsque était encore à la manœuvre. Il faut aussi exporter notre modèle de croissance dans les autres pays de la Grande Région et créer plus de coopération économique pour qu’un ressortissant de Bouzonville puisse travailler dans une entreprise luxembourgeoise à 15 minutes et non à deux heures de chez lui. Sur le modèle des métropoles transfrontalières qui existent déjà en Suisse.

Le retour de Luc Frieden dans la course électorale vous donne-t-il envie de vous rapprocher du CSV, parti que vous avez quitté en 2021?

«Individuellement, je vous répondrai évidemment non. Nous nous respectons mutuellement. Si le parti de M. Frieden gagnait les élections, je ne serais pas fermé à un rapprochement de nos groupes, dans le cadre d’une coalition.»