Si le Fonds monétaire international (FMI) prend bien soin de préciser que ses prévisions sont soumises à beaucoup plus d’incertitudes que d’habitude – la faute à une guerre en Ukraine partie pour durer et à une pandémie de Covid «qui n’est pas jugulée» –, la dernière livraison de son rapport sur la stabilité financière dans le monde paru ce 11 octobre n’incite pas à l’optimisme.
Pour l’institution de Washington, «une contraction du PIB réel d’une durée d’au moins deux trimestres d’affilée» interviendra à un moment donné en 2022-23, dans environ 43% des économies représentant près d’un tiers du PIB mondial.
Les pays développés à la peine
La croissance des pays développés va fortement souffrir. Elle n’atteindra plus que 2,4% en 2022 et 1% en 2023. Aux États-Unis, la consommation en berne – avec un pouvoir d’achat rogné par l’inflation – a ralenti la hausse du PIB, passé de 5,7% en 2021 à 1,6% en 2022, pour finir, selon les projections, à 1% en 2023. Si la zone euro résiste mieux en 2022 avec une croissance de 3,1%, celle-ci s’écroulera en 2023 à +0,5%, touchée de plein fouet par la crise énergétique qui, selon le FMI, «n’est pas un choc passager». Les deux économies les plus touchées de la zone euro seront l’Allemagne et l’Italie qui, en 2023, afficheront des contractions de leur PIB a respectivement -0,3% et -0,2%.
Au Luxembourg, la croissance va également être fortement impactée: elle n’atteindra que +1,6% en 2022 et 1,1% en 2023.
L’Inde devant la Chine
Les pays émergents limitent les dégâts avec une croissance de 3,7% en 2022 et 2023. Le changement, c’est que la locomotive économique de ce bloc est désormais l’indicateur pour qui le FMI prévoit, en 2022 et 2023, des croissances de 6,8% et de 6,1%. En Chine, la croissance de 2022 à 3,2% – sa plus faible croissance en 40 ans – est très inférieure aux plans du gouvernement. Elle pourrait repartir de l’avant en 2023 avec une progression de son PIB de 4,4%. Les analystes observeront donc avec attention ce qui se passera lors du 20e congrès du parti communiste chinois, qui s’ouvrira ce 16 octobre.
La hausse du dollar – hausse qui traditionnellement touche les pays émergents victimes d’une fuite des capitaux – pourrait provoquer des turbulences financières de nature à contrarier la trajectoire de croissance des pays émergents, prévient le FMI.
Une inflation partie pour durer
L’inflation, qui atteindra +8,8% en 2020, devrait rester «élevée» plus longtemps que prévu et ralentir à 6,5% en 2023, puis à 4,1% en 2024 dans le monde, note Pierre-Olivier Gourinchas, économiste en chef du FMI. La faute à la guerre en Ukraine, aux fermetures d’usines en Chine imposées par la politique zéro Covid et à l’ouverture des vannes du crédit pour relancer l’économie mondiale au sortir de la pandémie.
Au Luxembourg, elle atteindra 8,4% en 2022 et 3,7% en 2023.
Pour l’économiste, les politiques de resserrement monétaire vont se poursuivre. Et il appelle les responsables politiques à utiliser la politique budgétaire pour «atténuer les pressions sur le coût de la vie tout en maintenant une orientation suffisamment restrictive, alignée sur la politique monétaire». Il détaille: «Les réformes structurelles peuvent soutenir davantage la lutte contre l’inflation en améliorant la productivité et en allégeant les contraintes d’approvisionnement, tandis que la coopération multilatérale est nécessaire pour accélérer la transition vers l’énergie verte et prévenir la fragmentation.»
Le FMI rapporte quand même une bonne nouvelle: le prix des denrées alimentaires, même s’il reste à des niveaux très élevés, est orienté à la baisse en raison de la reprise progressive des exportations ukrainiennes de céréales via la mer Noire.