Emil Stavrev et les quatre autres experts du FMI saluent la prochaine réforme fiscale et les efforts dans le secteur financier, tout en soulignant les défis du logement et de la perte de recettes fiscales qui suivraient un changement des règles internationales sur les multinationales. (Photo: Paperjam)

Emil Stavrev et les quatre autres experts du FMI saluent la prochaine réforme fiscale et les efforts dans le secteur financier, tout en soulignant les défis du logement et de la perte de recettes fiscales qui suivraient un changement des règles internationales sur les multinationales. (Photo: Paperjam)

La visite annuelle du Fonds monétaire international dresse des conclusions à peu près analogues aux précédentes, saluant la réforme fiscale à venir et les efforts en faveur de la résilience du secteur financier.

Chaque année, le FMI envoie une équipe évaluer les politiques économiques et financières de ses États membres. Cinq experts viennent de passer deux semaines au Grand-Duché et se sont fait une idée de l’évolution de l’économie luxembourgeoise après avoir rencontré les autorités (gouvernement, Banque centrale du Luxembourg…) comme des acteurs économiques et financiers.

En l’absence de séisme économique, les constatations du FMI ressemblent fort . «L’économie luxembourgeoise reste performante depuis plusieurs années et sa croissance dépasse celle de l’UE», entame Emil Stavrev, chef de la délégation du FMI. Une croissance dynamique qui continue de soutenir le marché du travail même si un ralentissement a été observé à 2,6% en 2019 contre 3,1% en 2018.

«Les risques auxquels est exposé le Luxembourg s’avèrent principalement externes», poursuit M. Stavrev, citant le protectionnisme rampant. «Les changements dans le paysage fiscal international pourraient provoquer des risques non négligeables en matière de recettes fiscales», avertit le FMI. Tandis que sur le plan national, c’est la hausse soutenue des prix de l’immobilier qui menace l’endettement des ménages.

Nous saluons la réforme fiscale ambitieuse qui est annoncée.

Emil StavrevexpertFMI

«Nous saluons la réforme fiscale ambitieuse qui est annoncée», indique M. Stavrev, adoubant «l’approche holistique assortie d’une application graduelle» envisagée par le gouvernement. Le FMI est séduit par le «paquet» reposant sur trois piliers: la généralisation de l’individualisation de l’impôt «afin d’encourager l’activité», la réforme de la taxation environnementale pour soutenir «les ambitieux objectifs du gouvernement en matière de changement climatique» et enfin la modernisation de l’imposition sur le foncier «afin de soutenir l’offre».

«Le Luxembourg a de la marge pour financer ces plans, toutefois il devrait préserver des coussins confortables étant donné les risques financiers induits par les réformes actuelles dans la fiscalité internationale», recommande le FMI, faisant allusion au rapatriement par les États-Unis des bénéfices réalisés à l’étranger par les multinationales américaines ou encore l’entrée en vigueur des nouvelles règles anti-évasion fiscale d’Atad 2 côté européen. Sans oublier «les changements fondamentaux en discussion qui pourraient donner des droits à l’imposition plus élevés aux juridictions dans lesquelles sont situés les clients des multinationales» – notamment ceux des Gafa. Le FMI préconise donc un excédent de 1% du PIB pour que le Luxembourg puisse absorber d’éventuelles pertes fiscales.

Plus de taxes sur les transports, le chauffage ou le foncier

Les recettes fiscales pourraient également être consolidées à travers plusieurs mesures, comme la hausse des taxes peu onéreuses sur les transports – frais d’immatriculation par exemple – ou encore l’abolition du traitement préférentiel pour la TVA sur le chauffage «tout en protégeant les plus vulnérables». Cette dernière mesure peut heurter puisque le chauffage figure parmi les besoins fondamentaux d’un ménage. «Mais si l’énergie est bon marché, les gens ne font pas l’effort de mieux isoler leur logement», argumente le FMI.

Celui-ci cite encore la «modernisation de la valorisation obsolète de la propriété». «On nous a dit que l’impôt foncier coûtait moins cher qu’un abonnement au câble», souligne M. Stavrev, estimant que le barème de la base imposable pour l’impôt foncier, datant des années 1940, méritait d’être remis au goût du jour.

Le FMI suggère également de «moderniser le zonage urbain» et d’alléger les règles administratives qui plombent la construction immobilière afin de libérer l’offre.

Le FMI salue les progrès réalisés et le fait que ses recommandations des années précédentes aient été suivies afin de renforcer la résilience du secteur.

Emil Stavrevexpert FMI

Concernant le secteur financier, «le FMI salue les progrès réalisés et le fait que ses recommandations des années précédentes aient été suivies afin de renforcer la résilience du secteur», poursuit M. Stavrev. Outre la consolidation de la supervision au niveau européen, les démarches de la CSSF visant à dresser un tableau des risques et à lancer des tests de capacité de liquidité sont encouragées par le FMI, qui prône encore la création d’indicateurs sur la liquidité et la maturité des actifs et de tests généralisés en matière de liquidités.

«Nous saluons la loi qui permet aux autorités d’agir sur les limites des emprunteurs, puisque le principal risque domestique du Luxembourg réside dans une crise immobilière et nous aimerions protéger les gens pour ne pas les surexposer au surendettement», indique M. Stavrev.

Le FMI soutient encore les avancées grand-ducales en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme alors que doit être transposée la directive AML5 au printemps. La création du Registre des bénéficiaires économiques (RBE), l’établissement d’un tableau national identifiant les secteurs les plus exposés au risque sont des pas appréciés. D’autres doivent encore intervenir cette année – surtout dans la perspective de la prochaine évaluation du Gafi à l’automne.

Les pensions encore dans la ligne de mire

Soucieux d’appuyer sur des points moins techniques, le FMI conclut son rapide panorama de l’économie luxembourgeoise par un appel à «doper le potentiel de l’économie et à rendre la croissance plus inclusive», que ce soit en faisant un effort sur le logement abordable ou sur l’employabilité de certaines catégories d’actifs, comme les femmes ou les seniors. Même si certaines recommandations sont politiquement sensibles: «Une réduction supplémentaire de la générosité du système d’État-providence en diminuant graduellement les bénéfices de la retraite anticipée accroîtrait la présence des seniors sur le marché du travail», suggère-t-il ainsi.

Car si le FMI n’a pas focalisé ses recommandations sur une réforme du système des pensions, comme «elles tiennent toujours, simplement nous avons pris la décision de concentrer notre résumé sur les enjeux débattus au niveau politique actuellement», précise M. Stavrev. Le FMI a d’ailleurs glissé dans son panorama post-visite quelques mots sur la nécessité de doter le Statec de davantage de personnel afin de répondre à une évaluation de plus en plus compliquée de la croissance – en témoignent les révisions fréquentes et les écarts entre prévisions et réalité.

Le rapport final de cette évaluation sera publié au mois de mai.