«L’ensemble des partenaires s’est prononcé favorablement: l’État, l’intercommunalité et le maire Serge De Carli.» Son directeur de cabinet Matthieu Ziegler ne cache pas son enthousiasme à l’idée de voir Primark s’installer à Mont-Saint-Martin.
L’enseigne lorgne en effet le centre commercial Aushopping Pôle Europe, situé à 2 km de la frontière luxembourgeoise. Le feu vert de la Commission départementale d’aménagement commercial fait état d’une extension de 2.600 m2 pour accueillir l’enseigne de mode à bas coûts. Celle-ci reprendrait l’emplacement du Mango pour atteindre les 3.000 m2 de surface de vente.
Divergences de vues
Si fin février la Commission nationale d’aménagement commercial s’est auto-saisie du projet, cela n’inquiète pas le bras droit du maire de la localité frontalière qui souligne le suivi de la procédure, puisque le complexe commercial va dépasser le seuil des 20.000 m2 de surface de vente. «Le préfet de Meurthe-et-Moselle a émis un avis favorable et sans réserve sur le projet, ce dernier respecte toutes les normes», souligne-t-il.

«Le projet respecte toutes les normes», assure Matthieu Ziegler, directeur de cabinet du maire de Mont-Saint-Martin Serge De Carli, mais aussi directeur de cabinet de l’Agglomération du Grand Longwy. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)
Ombre au tableau, le maire de la commune voisine de Longwy, Jean-Marc Fournel, a déposé un recours contre l’implantation de l’enseigne. Entre le Pôle Europe au Nord et le centre E. Leclerc de Lexy au Sud, son centre-ville se retrouve pris en sandwich par des enseignes périphériques. «Le projet n’a pas fait l’objet de discussions au sein de notre territoire, nous avons découvert par la presse cette possible installation», dénonce-t-il avant d’épingler l’enseigne sur un autre aspect: le côté fast-fashion de Primark à l’heure où les enjeux de durabilité se font pressants.
Tout le territoire transfrontalier va profiter de l’attraction de Primark.
«Primark correspond à une demande, mais aussi à une capacité de la population, particulièrement importante en cette période d’inflation marquée», répond Matthieu Ziegler. Il estime que «tout le territoire transfrontalier va profiter de l’attraction de Primark, de Longwy à Arlon en passant par le Luxembourg».
Du côté du complexe commercial, l’heure est à la discrétion face à l’hypothétique arrivée de Primark. «Je ne suis pas habilité à communiquer sur le sujet, cela reste confidentiel», indique laconiquement Étienne Herbain, directeur d’Aushopping Pôle Europe.
«À ce jour, je n’ai pas d’information à vous transmettre concernant une éventuelle ouverture à Mont-Saint-Martin. Nos prochaines ouvertures concernent les villes de Mulhouse, Grenoble et Tours», répond une porte-parole de Primark France.
Primark ne fait rien comme les autres
Fondée en 1969 à Dublin sous le nom de Penneys (qu’elle conserve d’ailleurs dans le pays au trèfle), l’enseigne cultive une stratégie claire: des prix bas pour attirer un maximum de clients et miser sur l’achat impulsif. D’ailleurs, Primark n’a actuellement pas de portail en ligne hormis au Royaume-Uni où il s’est ouvert au click&collect l’an dernier.
Le discounter dispose de 400 points de vente répartis sur 14 marchés européens ainsi qu’aux États-Unis. Son objectif? Atteindre 530 magasins d’ici fin 2026. Clairement, il y a de l’expansion dans l’air et consolider son maillage dans la Grande Région semble logique. Primark est actuellement présent à Sarrebruck côté allemand, à Metz côté français et à Liège côté belge.
«Primark revendique une capacité d’attraction et de genèse de flux piéton tellement important qu’il négocie énormément d’avantages, soit au niveau du loyer soit au niveau des quais de déchargement», explique Jean-Luc Calonger, professeur de géomarketing et président du conseil d’administration du think tank Tocema Worldwide spécialisé en gestion de centres-villes.
Zéro stock, maxi-rotation
L’expert a suivi plusieurs implantations de l’enseigne irlandaise en Belgique et en France. Primark a pour habitude de décharger directement les tringles des camions pour les mettre en rayon. L’absence de stock se combine à un fort taux de rotation des collections.
La clientèle de Primark est très typée et s’intéresse peu aux enseignes environnantes.
S’il admet qu’elle génère des flux énormes, Jean-Luc Calonger souligne que «la clientèle de Primark est très typée et s’intéresse peu aux enseignes environnantes. Primark a en fait un taux d’exclusivité presque comparable à celui d’Ikea, cela signifie que les gens qui y font leurs achats ne fréquentent quasi pas d’autres enseignes lors de leur sortie shopping».
La fast-fashion? Primark l’assume, tout en communiquant également sur des démarches durables comme l’introduction de coton bio dans ses collections. «La connaît de grandes difficultés comme on l’a vu avec ou Cop. Copine, mais les discounters comme Shein et Primark sont des machines qui fonctionnent», assure Jean-Luc Calonger.
Primark aux portes du Luxembourg est donc théoriquement lancé, mais son issue reste encore incertaine au vu du parcours administratif sinueux. Si le projet se débloque, un permis de bâtir pourrait être délivré cette année pour une ouverture qui se profilerait en 2024.