Les questions juridiques liées au télétravail constituent un défi que les entreprises doivent relever avec leurs salariés pour trouver un accord commun.  (illustration : Maison Moderne / photo : Brucher Thieltgen & Partners) 

Les questions juridiques liées au télétravail constituent un défi que les entreprises doivent relever avec leurs salariés pour trouver un accord commun.  (illustration : Maison Moderne / photo : Brucher Thieltgen & Partners) 

Plus que jamais, les entreprises cherchent à introduire davantage de flexibilité en matière de lieu et de temps du travail. Malgré l’existence de freins, fiscaux et sociaux notamment, le télétravail devrait perdurer et être formalisé dans les contrats. Il doit reposer toutefois sur un commun accord de l’employeur et du salarié.

Si la flexibilité du travail ne constitue pas une préoccupation récente, les demandes pour celle-ci ont évolué. «Il y a quelques années, les requêtes que nous recevions à propos de la flexibilité du temps de travail émanaient des employeurs. Dans une optique de productivité, ces derniers cherchaient à optimiser le travail en introduisant davantage de souplesse», explique Marie Bena, Partner au sein du cabinet Brucher Thieltgen & Partners. Certaines sociétés pouvaient en effet avoir besoin de leurs collaborateurs sur site au cours de périodes particulièrement intenses et nécessiter ensuite une présence moindre. Ils souhaitaient pour cela s’appuyer sur un plan d’organisation de travail.

Aujourd’hui, ce besoin de flexibilité n’émane plus des mêmes personnes et se traduit dans des termes différents. «Celui-ci est souhaité par des salariés qui ne se sentent pas prêts à revenir au bureau à temps plein et demandent à poursuivre le télétravail. Les employeurs sont donc contraints de revoir leurs modèles pour garder leurs talents et en attirer de nouveaux.»

Des freins à la liberté complète du télétravail

Dans ce contexte, le cadre légal (la convention du 20 octobre 2020 relative au régime juridique du télétravail et la circulaire de la CSFF 21/769 telle qu’amendée par la circulaire CSSF 22/804 applicable aux entités surveillées notamment) va servir de support à la mise en place du télétravail par les employeurs.

La particularité du Luxembourg est de compter chaque jour 200.000 frontaliers sur son territoire.

Marie BenaPartner au sein du cabinet Brucher Thieltgen & Partners

Des freins juridiques vont toutefois limiter la pratique du home office. «Les entreprises qui se tournent vers ce dernier le font pour favoriser le bien-être du collaborateur. La particularité du Luxembourg est de compter chaque jour 200.000 frontaliers sur son territoire. Habituellement, les accords bilatéraux avec les pays frontaliers limitent le travail à distance pour des raisons fiscales et sociales. Si pour l’instant ces accords sont suspendus, le régime normal devrait être de nouveau de rigueur à partir du 30 juin.» Les employés allemands, belges et français seraient alors autorisés à télétravailler respectivement 19, 34 et 29 jours par an sans aucun impact sur leur fiscalité. Au-delà de ces seuils, tout jour presté dans le pays d’origine serait imposé dans celui-ci. Une situation qui impacterait non seulement le collaborateur, mais également l’employeur. Celui-ci devrait mettre en place au niveau de la gestion des salaires un système d’implémentation tenant compte de ces jours prestés en dehors du territoire luxembourgeois pour, le cas échéant, reverser aux autorités fiscales étrangères ce qui leur est dû. Sans oublier la problématique relative à l’affiliation à la sécurité sociale (seuil de 25 % du temps de travail).  

 En matière de télétravail, les frontaliers ne sont pas soumis aux mêmes lois en fonction de leur pays de résidence.  (Maison Moderne)

 En matière de télétravail, les frontaliers ne sont pas soumis aux mêmes lois en fonction de leur pays de résidence.  (Maison Moderne)

Consciente de l’intérêt de pouvoir travailler depuis chez eux pour les frontaliers, l’Assemblée nationale française a récemment adopté une résolution dans le but de susciter une réflexion européenne et obtenir un accord global. «Cette réflexion est urgente, car il est acquis que de nombreuses entreprises vont conserver cette habitude. Certaines d’entre elles ont déjà mis en place une politique en la matière.» Après la fin des accords, le télétravail devrait donc rester réglementé. «Dans le cas où ce dernier est autorisé, il devra en outre être effectué dans un périmètre raisonnable, le plus souvent au domicile de l’employé. Le smartworking consistant à travailler d’où on veut quand on veut pouvant poser un problème en termes de temps de travail, de sécurité et de confidentialité des données, ne rentrera pas dans le cadre de cette pratique.»

Les clés d’une transition réussie: définir un cadre précis

Pour redéfinir le télétravail et trouver le bon équilibre, les entreprises devront mettre en place un cadre précis pour la mise en œuvre d’une flexibilisation pérenne selon des règles claires et partagées. «Selon la Convention de 2020, cette pratique doit résulter d’un commun accord entre les deux parties et mentionner les modalités (quotas de jours, heures durant lesquelles le salarié doit être joignable, indemnisation, etc.). L’employeur ne peut donc l’imposer et les salariés ne peuvent pas évoquer de droit au télétravail, car celui-ci n’existe pas.» C’est donc sous la forme d’un avenant au contrat que le home office doit être formalisé lequel devra prévoir les modalités du passage ou du retour vers la formule classique de travail.

Au Luxembourg, la loi votée mercredi 16 mars par les députés va dans ce sens. Elle prévoit en effet l’obligation pour les entreprises de plus de 150 salariés de consulter leur délégation du personnel avant la mise en place d’une politique de télétravail et d’obtenir leur accord.

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