Jean-Pierre Gomez. (Photo: Société Générale)

Jean-Pierre Gomez. (Photo: Société Générale)

Le reporting ESG est entré en vigueur le 10 mars 2021. En quoi consiste-t-il précisément pour les gérants d’actifs? Quelles sont les implications en termes de préparation et de moyens à mettre en place? Découvrez l’interview de notre expert Jean-Pierre Gomez (Head of Regulatory & Public Affairs chez Société Générale Luxembourg).

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Le Reporting ESG* est entré en vigueur le 10 mars 2021. En quoi consiste précisément ce Reporting pour les gérants d’actifs?

C’est plus qu’un reporting, et on devrait parler d’un reporting «1», plutôt que simplement «ESG2». Il s’agit de rassembler un très grand nombre d’informations diverses et variées, statiques et dynamiques, avec des analyses à réaliser sur les 15 plus gros investissements en matière de durabilité. 14 indicateurs de durabilité pour mesurer le risque négatif majeur qu’on appelle en anglais les PAI, c’est-à-dire «Principal Adverse Impacts», dont au moins un portant sur le climat et l’environnement, un autre sur le social, l’employé, les droits de l’Homme ou la lutte anti-corruption.

Il y a deux parties dans SFDR:

La 1re partie: celle applicable depuis le 10 mars 2021, qui consiste à décrire la stratégie d’investissement dans les documents dits précontractuels, à savoir le prospectus des  et des , les fonds d’investissement alternatifs.

Et la deuxième partie consiste à communiquer des données chiffrées à produire dans les rapports annuels ou le DICI3 ou le KID4 pour les fonds d’investissement.

C’est un reporting qui est désormais obligatoire. Les données extra-financières sont devenues au fil du temps aussi importantes que les données financières traditionnelles. Ce n’est plus un rapport qu’il est bon d’avoir. Il est réglementaire.

Qu’est-ce que ce Reporting implique et nécessite en termes de préparation et de moyens à mettre en place pour les gérants d’actifs?

Les  et les sociétés de gestion sont impactés en tant qu’acteurs du marché financier au niveau de la corporate ou de l’entité, mais aussi au niveau des produits financiers qu’ils mettent en place, qu’ils gèrent ou commercialisent auprès d’investisseurs. Ils doivent produire des informations, comme, par exemple, la politique de rémunération en matière de durabilité (c’est l’article 5 de SFDR), et, pour les produits financiers, fournir des données chiffrées ex-post qui seront incluses dans les rapports périodiques à destination des autorités nationales et européennes, mais également à destination du public.

Le 1er challenge, c’est de pouvoir interpréter au mieux le texte réglementaire dit de niveau 1, en essayant de jongler avec les autres règlements touchant à la finance durable, afin de trouver des synergies dans la mise en place d’outils et de développements informatiques et éviter des redondances et surtout des coûts inutiles.

Sur ce premier challenge, à quoi pensez-vous?

Je pense notamment au TCFD Reportingdont on parle beaucoup, mais qui n’a pas encore de cadre juridique et n’est pas réglementaire. Cette Task force sur les informations financières en matière de climat est une initiative lancée par le Financial Stability Board, le FSB, ou Conseil de Stabilité Financière en français. Et ce Reporting TCFD serait obligatoire en 2025.

Le second challenge, et non des moindres, est celui des données disponibles. Pour pouvoir les produire, il faut les trouver, ce qui est loin d’être évident, même si les fournisseurs traditionnels de valeurs boursières comme MSCI travaillent d’arrache-pied pour y subvenir. En effet, il faut que les sociétés listées et non listées de plus de 250 ou 500 employés construisent les données demandées et communiquent ces informations extra-financières.

Quant aux valeurs non cotées, pour , qui sont aussi soumis à SFDR, que faisons-nous?

À cela s’ajoute l’absence d’uniformisation ou de standardisation tant en termes de définition universelle du risque de durabilité que de méthodologie pour évaluer correctement les critères E, S et G. Le règlement «taxonomie», en revanche, de l’UE, le règlement 2020/852 du 18 juin 2020, par exemple, ne tient pas compte du critère S pour «social» dans les 6 objectifs environnementaux qu’il a fixés.

Les standards techniques n’ont pas encore été publiés à ce jour. Quand rentreront-ils en vigueur, et peuvent-ils remettre en cause la préparation des gérants d’actifs?

Non, pas tout à fait. Une tentative de version, supposée finale, a été publiée le 2 février 2021, suivie d’une lettre des ESAs6 demandant à la Commission européenne certains éclaircissements sur les articles 8 et 9 en lien avec le règlement «taxonomie» de la finance verte, notamment.

Entre-temps, une consultation des ESAs, en date du 17 mars 2021, a été lancée. Les réponses reçues jusqu’au 12 mai 2021 serviront à proposer une version réellement finale pour la rentrée de septembre 2021.

Si tout va bien, il ne restera plus que l’endossement par la Commission européenne de ces normes techniques réglementaires pour une application prévue initialement au 1er janvier 2022, mais qui sera probablement décalée. D’ici là, les gérants d’actifs, sociétés de gestion, acteurs des marchés financiers essaieront de trouver des «solutions temporaires» leur permettant de s’aligner un tant soit peu sur SFDR et le reporting à mettre en place.

1 SFDR: Sustainable Finance Disclosure Regulation, ou règlement européen relatif à la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers

2 ESG: Environmental, Social, and Corporate Governance, ou Critères environnementaux, sociaux et de gouvernance

3 DICI: document d’information clé pour l’investisseur

4 KID: Key information Document for investors

5 TCFD Reporting:  ou groupe d’expertise sur le climat

6 ESA: European Supervisory Authorities ou autorités de supervision européennes