«La fiscalité a beaucoup été mise en évidence au cours de cette campagne… mais pas forcément la fiscalité des PME! Or c’est un sujet primordial, facteur de recettes, de compétitivité et d’attractivité. Mais les PME ne votent pas, elles…» L’économiste en chef de la Chambre de commerce, Christel Chatelain, préconise un retour de l’impôt sur les collectivités et de l’impôt commercial communal «vers la moyenne européenne».
Soit 20% pour 2022 pour les pays de l’OCDE contre 24,94% pour les entreprises luxembourgeoises dont le revenu imposable dépasse les 200.000 euros annuels (taux qui descend progressivement jusqu’à 22,80% pour les sociétés qui ont un revenu inférieur ou égal à 175.000 euros).
Aujourd’hui, vu la trajectoire des finances publiques, l’État ne peut plus être un arroseur social.
«Ce que nous attendons du prochain gouvernement, c’est qu’il se saisisse de cette question le plus rapidement possible après sa formation et qu’il publie une feuille de route pour les six premiers mois», explique l’économiste. «Aujourd’hui, vu la trajectoire des finances publiques, l’État ne peut plus être un arroseur social» comme il l’a été ces dernières années. Entre une dette publique autour des 30% vers 2027, les investissements massifs annoncés pour faire redémarrer le bâtiment et la construction de logement et ce mur des retraites qu’aucun candidat n’a le courage de regarder en face – c’est nous qui soulignons ce dernier point – la réforme de la fiscalité est essentielle, beaucoup plus large que la seule réforme dans la perspective des PME.
«Ils auront beaucoup moins de marges de manœuvre et ils devront faire de la politique: considérer les coûts et les opportunités. Il y a des mesures et les études de l’Union des entreprises luxembourgeoises (UEL) le montrent, qui sont neutres sur le plan des recettes fiscales pour l’État, comme la simplification administrative, par exemple. Il faudra faire preuve de sélectivité, de priorisation… et avoir le courage de se pencher sur la réduction des dépenses publiques», avance Christel Chatelain. «Les décisions à prendre ne seront pas faciles!»
Attirer et retenir les talents par la fiscalité
Sans compter que le budget n’est aujourd’hui «pas très transparent» et «on a parfois l’impression qu’on fait du coupé-collé année après année, sans rendre des comptes par objectif, par défi, par impact. Il faudra revoir l’architecture budgétaire pour rendre sa lecture et les choix plus faciles», dit-elle encore.
Et si l’économiste cite le retour à la moyenne européenne de l’IRC/ICC, cet axe n’est que le quatrième dans le catalogue des mesures présentées ce mardi à la mi-journée à la Chambre de commerce, derrière l’introduction de mesures fiscales ciblées pour attirer et fidéliser les talents, l’introduction (déjà en cours) d’incitatifs fiscaux en matière de transition digitale et environnementale et l’introduction d’une réserve immunisée pour investissement. Les quatre autres axes sont l’amélioration du régime fiscal des indépendants, les mesures fiscales pour dirigeants d’entreprises, l’amélioration du cadre fiscal dans le cadre de la transmission d’entreprise et le renforcement de la sécurité juridique et de la simplification administrative.
Même si, lors des différents débats, les têtes de liste ou leurs représentants ont écarté la question de la fiscalité des interrogations des entreprises, «la fiscalité est un sujet transversal», dit Christel Chatelain, qui a beaucoup d’impact sur toute une série de problématique, du logement à l’attractivité des entreprises jusqu’à la survie des entreprises.
Inquiétude galopante
Parce qu’au fond, c’est de cela qu’il s’agit: selon le baromètre de l’économie de la Chambre de commerce, «les entreprises de moins de 100 personnes étaient particulièrement inquiètes de l’évolution de leur activité économique sur la deuxième moitié de l’année et prévoyaient des résultats en baisse. Les secteurs de la construction et du commerce, qui représentent à eux deux près d’un tiers du nombre total de PME (31,9%), étaient particulièrement pessimistes. Parmi les PME interrogées, les très petites entreprises (TPE) de moins de 10 personnes exprimaient une inquiétude forte concernant l’avenir de l’économie luxembourgeoise sur les deux ou trois prochaines années par rapport aux entreprises de 500 personnes et plus.»
Non seulement le pays enregistre une chute de 13,7% des créations d’entreprises, mais l’inflation et les indexations ont entamé leur bénéfice déjà parmi les plus faibles d’Europe.