Entre les travailleurs frontaliers belges et l’administration fiscale de leur pays de résidence, il y a parfois eu de vives tensions. Notamment de par des contrôles fiscaux jugés «agressifs» par les premiers, et légitimes par l’autre camp. Cette tension, a appris Paperjam, devrait retomber nettement dans les mois et années à venir, puisque le fisc va faire preuve d’un certain assouplissement dans l’octroi de l’exonération des revenus perçus au Luxembourg.
«Il y a en effet une demande de la haute hiérarchie de l’administration fiscale et du ministère des Finances de lever le pied au niveau des contrôles, parfois vécus comme du harcèlement», explique Benoît Piedboeuf, député fédéral MR et bourgmestre de Tintigny, qui a plusieurs fois interpellé les différents ministres des Finances à ce sujet.
Le bon sens doit jouer
Dans une note diffusée aux services concernant les exercices fiscaux 2019 et 2020 (l’administration peut effectuer des contrôles de manière rétroactive, ndlr), il est indiqué que «le bon sens doit permettre de discriminer dans le traitement des dossiers». Certaines catégories d’employés seront particulièrement concernées: «L’exonération peut être octroyée pour des petits salaires dans les secteurs de la grande distribution et de l’intérim. Elle peut aussi être octroyée lorsque le certificat de rémunération mentionne du travail de nuit ou des horaires décalés (s’ils ne se produisent que pour des emplois attachés à un poste ‘fixe’)», indique le document lu par Paperjam.
A contrario, «vous veillerez à ne jamais octroyer l’exonération sans preuves solides dans les secteurs du transport routier, de la livraison, ni de la construction», mentionne la note. «Ce n’est pas choquant. D’abord, on ne peut accorder l’exonération de bonne foi à tout le monde au même moment. Ensuite, il ne faut pas être candide: il y a aussi des abus, des montages abusifs, du dumping social… Si des contrôles ont été lancés à certaines périodes, c’est aussi car on s’étonnait, par exemple, de voir autant de voitures immatriculées au Luxembourg circuler à Bruxelles ou Anvers. Le ministre des Finances m’a une fois dit qu’il y avait plus de personnes renseignées auprès de ses services comme ayant un lien avec le Grand-Duché qu’il n’y a d’habitants en province de Luxembourg (environ 285.000 habitants, ndlr)!»
Benoît Piedboeuf se félicite en tout cas «d’une injonction claire donnée aux agents de l’État et une évolution qui va dans le bon sens. On sort d’une logique de répression.»
Si les employés de la grande distribution et les intérimaires poussent un ouf de soulagement, les autres frontaliers belges, nombreux dans l’économie des services, l’artisanat ou la place financière, peuvent-ils en faire de même? «Il y aura encore des contrôles. Mais je répète que l’on va vers plus de compréhension, de souplesse… de manière générale, comme on me l’a expliqué», conclut Benoît Piedboeuf.
Une bonne nouvelle, alors que la fin de l’immunisation des jours de télétravail autorisés, fin de cette année, pouvait laisser craindre un nouveau zèle du ministère des Finances.
Le contribuable a la charge de la preuve
Pour rappel, pour être exonéré d’impôts en Belgique, un travailleur frontalier qui y réside doit être en mesure de prouver qu’il a bien travaillé sur le sol luxembourgeois, si ce n’est dans le cadre des 24 jours (34 à partir de 2022) de télétravail autorisés.
Et si, pour certaines professions non délocalisables (soignant(e) en hôpital, ouvrier en usine…), un contrat de travail et un descriptif de fonction suffisent, cela n’était pas le cas pour de nombreuses autres. Une cohorte de salariés obligés de prouver alors leur présence au Luxembourg via d’autres moyens: ticket de restaurant, preuve d’achat de carburant… Certains s’imposaient même un menu achat quotidien avec une carte de crédit pour disposer d’une preuve de leur présence via leur relevé mensuel.
Et nul n’était à l’abri, puisqu’entre . Avec pas mal de stress à la clé et, parfois, une somme rondelette à rembourser.