Nicoletta Centofanti, directrice générale par intérim de la Luxembourg Sustainable Finance Initiative (LSFI), estime primordial le rôle des consommateurs dans l’accélération de la finance durable de la Place. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Nicoletta Centofanti, directrice générale par intérim de la Luxembourg Sustainable Finance Initiative (LSFI), estime primordial le rôle des consommateurs dans l’accélération de la finance durable de la Place. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Après deux années d’existence, la Luxembourg Sustainable Finance Initiative (LSFI) contribue à accélérer la transition du secteur financier en matière de durabilité. Sa directrice générale par intérim, Nicoletta Centofanti, revient sur sa mission de coordination des acteurs de la finance durable.

Quelle est l’origine de la LSFI?

Nicoletta Centofanti. – «Fondée en janvier 2020, la LSFI est le fruit d’une coopération entre le gouvernement luxembourgeois – au travers du ministère des Finances et du ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable – de Luxembourg for Finance et du Conseil supérieur pour un développement durable. L’idée de sa création remonte à 2018 avec la publication de la feuille de route nationale en matière de finance durable. Depuis lors, la LSFI a pour mission de coordonner les acteurs de l’écosystème de la finance durable au Luxembourg afin d’accompagner le secteur financier dans sa transition dans ce domaine et a été chargée d’élaborer la stratégie du Luxembourg pour une finance durable.

Comment s’organise votre rôle de coordination de l’écosystème de la finance durable du pays?

N.C. – «Nous portons une attention toute particulière à notre rôle de sensibilisation sur le sujet ainsi qu’à la compréhension des besoins du secteur financier afin qu’il puisse transitionner plus rapidement. À cet égard, nous interagissons énormément avec les acteurs clés de la finance durable au Luxembourg comme, par exemple, les associations du secteur financier, le monde académique et de la fintech, mais aussi avec les ONGs et la société civile, car nous considérons que les consommateurs de produits financiers contribuent également à accélérer la transition du secteur financier.

Rien qu’au cours de notre première année d’existence, nous avons tenu plus de 300 réunions avec les différents organisations partie prenantes. Cette démarche s’avère indispensable, nous permettant ainsi d’identifier au mieux les besoins du secteur financier et d’informer sur les meilleures pratiques existantes. Nous recensons d’ailleurs constamment les outils et standards dédiés à la finance durable, utiles à chaque type d’acteur.

Le secteur financier a commencé à travailler beaucoup sur le sujet, mais n’est pas encore arrivé à un niveau de maturité complet.
Nicoletta Centofanti

Nicoletta Centofantidirectrice générale par intérimLuxembourg Sustainable Finance Initiative (LSFI)

Comment s’articule votre mission de sensibilisation avec votre rôle de coordination?

N.C. – «Notre mission consiste à sensibiliser, mais n’a pas de sens sans une coordination des parties prenantes. Nous écoutons les besoins de chacun et réunissons les différents secteurs autour de la table. Par exemple, les acteurs secteur de la finance inclusive possèdent une large connaissance sur les aspects sociaux. Nous les mettons alors en relation avec les acteurs du secteur financier traditionnel. Nous devons exploiter les ressources déjà existantes au lieu de les réinventer. Bientôt nous allons aussi établir des groupes de travail pour trouver des solutions et des approches communes dans les sujets que nous avons identifiés pendant notre première année d’activité.

Selon vous, quel est le niveau du secteur financier luxembourgeois en matière de finance durable?

N.C. – «Le secteur financier a commencé à travailler beaucoup sur le sujet, mais n’est pas encore arrivé à un niveau de maturité complet. C’est notamment en raison des nombreuses réglementations européennes face auxquelles le secteur financier se cherche encore. Ce n’est pas un voyager en aller simple. Les institutions financières sont en train de s’organiser d’une manière stable et définitive pour gérer ce nouvel enjeu qui est assez clé. Même si nous nous trouvons dans une situation d’urgence, le changement attendu de la part du secteur financier ne peut pas se faire du jour au lendemain. C’est d’ailleurs l’une de nos raisons d’être en accompagnant les acteurs du secteur en identifiant les outils, les meilleures pratiques et les synergies possibles.

Pour Nicoletta Centofanti, les institutions financières doivent comprendre les méthodologies derrière les scores ESG. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Pour Nicoletta Centofanti, les institutions financières doivent comprendre les méthodologies derrière les scores ESG. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Le secteur financier n’est-il pas justement l’une des clés de la transition énergétique de l’économie?

N.C. – «Le moteur de la transition écologique est la finance. Toutes les entreprises sont financées par des institutions financières. C’est pourquoi il est essentiel de sensibiliser les acteurs du secteur financier et les aider à trouver les bons outils pour une transition durable significative et efficace, car ils ont le pouvoir de canaliser leurs flux de financement aux entreprises les plus vertueuses et les plus durables. Ce principe deviendra partie intégrante des processus des institutions financières, au même titre que l’ont été les règles anti-blanchiment. Dans la transition énergétique, la finance va être le facteur dominant.

Le facteur réglementaire s’est désormais emparé de la finance durable. Est-ce un sujet sur lequel vous accompagnez les institutions financières?

N.C. – «Nous ne sommes pas des experts de la réglementation. La réglementation reste à la fois large et complexe, en plus de changer régulièrement. Notre rôle est donc d’informer sur l’arrivée des nouvelles réglementations par le biais de notre bulletin d’information, de notre site web et d’autres plateformes, par exemple. De leur côté, les institutions financières sont largement au faîte des enjeux sur le plan réglementaire. La plupart d’entre elles participent d’ailleurs au différents groupes de travail portant sur ces sujets au niveau des associations sectorielles de la Place. De plus, les réglementations actuelles ne sont plus une surprise pour les institutions financières. Elles sont maintenant occupées à s’y préparer et à l’implémenter de la meilleure façon possible.

Les réglementations actuelles ne sont plus une surprise pour les institutions financières. Elles sont maintenant occupées à s’y préparer et à les implémenter de la meilleure façon possible.
Nicoletta Centofanti

Nicoletta Centofantidirectrice générale par intérimLuxembourg Sustainable Finance Initiative (LSFI)

Avant de parvenir à un tel degré d’intégration des critères de durabilité dans les processus de financement, les institutions financières ne devraient-elles pas avant tout solutionner les défis liés à la qualité des données ESG rapportées par les entreprises?

N.C. – «C’est un vrai défi, mais la donnée en tant que telle n’est pas le problème, car il existe plein de données. La question reste plutôt de savoir quelles données utiliser. Là où entre trois et cinq KPI sont nécessaires pour obtenir une image fidèle de la situation financière d’une entreprise, il en faut nettement davantage pour les mesures ESG. Face à ce défi, de nombreuses sociétés financières recherchent un KPI unique, qui résumerait la totalité des éléments. Ça ne fonctionne pas, car il faut garder une approche granulaire en matière de durabilité. Il faut, par exemple, analyser les chaînes d’approvisionnement.»

Ce n’est, en revanche, pas aux institutions financières d’en réaliser les due diligences et les audits, mais elles doivent comprendre les méthodologies utilisées. C’est une raison pour laquelle les scores ESG doivent démontrer davantage plus de transparence sur les méthodologies utilisées. De notre côté, nous allons lancer au début de l’année prochaine un groupe de travail dédié aux données ESG pour essayer de contribuer à résoudre ce problème. Sur notre site web, nous avons également listé les outils qui fournissent des données sur les diffèrent thématiques ESG d’une manière transparente et gratuite.»

Cette interview est issue de la newsletter Paperjam + Delano Finance, le rendez-vous hebdomadaire pour suivre l’actualité financière au Luxembourg.