John Garvey et Olivier Carré (PwC). (Montage: Maison Moderne)

John Garvey et Olivier Carré (PwC). (Montage: Maison Moderne)

Le secteur financier s’apprête à composer avec les conséquences indirectes du Covid-19, tout en opérant rapidement des choix structurels pour un futur qui se résume en trois lettres: ESG. Revue des méga-tendances avec John Garvey et Olivier Carré (PwC).

Intervenir sur l’urgence du présent tout en préparant l’avenir. Si, contrairement à celle de 2008, la crise actuelle a placé les institutions financières du côté des «héros», le Covid-19 ne fait que renforcer les profonds enjeux auxquels elles doivent faire face. À commencer par des éléments tangibles.

«Le secteur financier était déjà bien digitalisé, ce qui lui a permis de poursuivre ses activités durant la crise», résume John Garvey, global financial services leader chez PwC. «Mais nous voyons d’ores et déjà que nos clients s’attendent à devoir gérer les conséquences indirectes de la crise et adoptent une forme d’orthodoxie budgétaire et de maîtrise de leurs coûts.»

Invité le 30 septembre dernier à intervenir lors du 19forum de PwC consacré au secteur financier, M. Garvey considère que le secteur bancaire est à un nouveau moment de vérité: «La question de la capitalisation sera essentielle pour les banques au moment de la reprise, de même que la diversification de la base de leurs revenus. Celles qui rempliront ces deux conditions pourront continuer à évoluer de l’environnement de taux d’intérêt bas que nous connaissons.»

«Au Luxembourg, nous constatons que tous les secteurs de la gestion d’actifs se portent bien», déclare , financial services market leader chez PwC Luxembourg. «Les acteurs alternatifs en particulier disposent d’argent frais pour saisir les opportunités de reprise d’entreprise qui se présenteront dans un avenir proche. Quant au secteur bancaire, nous remarquons dans l’ensemble que la crise ne fait qu’accentuer les difficultés que pouvaient connaître certaines institutions.»

Des difficultés structurelles qui jouent en faveur d’acteurs non bancaires occupant une place de plus en plus importante dans le financement de l’économie,

Autre défi pour le monde bancaire: retrouver ou maintenir un niveau de productivité élevé. Un exercice qui passera par une bonne compréhension de la répartition des tâches autour de la notion centrale de valeur ajoutée.


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«Les études que nous menons avec nos clients conduisent souvent à une surprise: celle de constater la perte de temps des collaborateurs senior à des tâches qui n’ont que peu de valeur ajoutée», ajoute M. Garvey. Et la pratique du télétravail influe justement sur la précieuse configuration des équipes. «Lorsque nous avons demandé à des CEO en mai ce qu’ils en pensaient, ils indiquaient que le travail à distance fonctionnait mieux que leurs espérances. Mais en leur posant à nouveau cette question en août, nous avons remarqué qu’ils ont changé d’avis quant à l’impact du télétravail sur la productivité, et surtout la perte du capital relationnel créé grâce aux interactions qui peuvent se produire en présentiel au sein de l’entreprise.»

La finance durable est une opportunité comparable à la loi de 1988 qui a transposé la directive européenne sur les Ucits.
Olivier Carré

Olivier Carréfinancial services market leaderPwC Luxembourg

Outre le digital et ses multiples implications, le secteur financier doit aussi consacrer d’importants moyens, et surtout opérer les bons choix s’il veut être un des vecteurs de la mutation vers une économie conduite autour des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance).

La 19e édition du forum organisé par PwC Luxembourg a justement fait la part belle à ce sujet en proposant d’aborder les services financiers «sous une autre perspective».

«La finance durable est une opportunité comparable à la loi de 1988 qui a transposé la directive européenne sur les Ucits», résume Olivier Carré. «Nous devons amorcer un mouvement ambitieux – tous secteurs confondus – en cette direction en nous appuyant sur différents leviers, dont la réglementation et la demande des investisseurs. Nous espérons que le gouvernement sera aussi une partie prenante importante de ce changement. L’alignement de tous est indispensable.»

La demande des nouvelles générations de concevoir le monde de façon durable sera-t-elle entendue? Les centres financiers affichent leur volonté d’aller dans ce sens, tout en tirant profit d’autres changements structurels, comme le Brexit, ou encore l’évolution de la situation géopolitique de Hong Kong.

«L’essentiel est d’être attentif à tous ces changements, notamment le nouveau positionnement de Londres. Comment ce méga centre financer qu’il demeurera va-t-il utiliser cette nouvelle liberté? C’est une question à laquelle nous devrons rester attentifs», ajoute Olivier Carré.

New York et Londres, ces deux centres qui continueront de donner un certain tempo dans une ère «ESG» indispensable. Il restera toutefois suffisamment de place pour les autres centres financiers régionaux ou spécialisés comme le Luxembourg pour défendre une approche complémentaire via différentes actions ciblées autour de leurs expertises.