Serge de Cillia, CEO de l’ABBL (Association des banques et banquiers, Luxembourg). (Photo: ABBL)

Serge de Cillia, CEO de l’ABBL (Association des banques et banquiers, Luxembourg). (Photo: ABBL)

La commission Von der Leyen prendra ses fonctions le 1er novembre prochain. Que faut-il en attendre? Quelles devraient être ses urgences et ses priorités? La réponse de l’ABBL.

Un nouveau cycle législatif européen vient de commencer. Le nouveau Parlement européen vient de se constituer et une nouvelle Commission va entrer en fonction en automne. C’est le moment de réfléchir aux priorités pour les cinq années à venir.

Force est de constater que ces dix dernières années ont connu, avec la réponse apportée à la crise financière de 2008 et le projet de l’union des marchés des capitaux – à saluer! –, une inflation législative dans les services financiers. Prises individuellement, la plupart des mesures mises en place font sens, mais cette montagne réglementaire a engendré une explosion des coûts réglementaires et de conformité.

Selon , ce coût se chiffrait à 458 millions d’euros pour le secteur bancaire luxembourgeois (environ 1% du PIB luxembourgeois). Ces frais pèsent sur une industrie en pleine révolution digitale et pénalisée par l’environnement de taux d’intérêt bas, voire négatifs.

Un premier souhait à la Commission européenne serait de réfléchir à deux fois à la nécessité et surtout à l’impact de ses projets de mesures réglementaires avant de lancer de nouvelles initiatives législatives.
Serge de Cillia

Serge de CilliaCEO de l’ABBL

Un premier souhait à la Commission européenne serait de réfléchir à deux fois à la nécessité et surtout à l’impact de ses projets de mesures réglementaires avant de lancer de nouvelles initiatives législatives ou de procéder à la révision de textes plus anciens. Souvent, la mise en œuvre des mesures prend du temps (pour les banques, les clients et le marché) et revenir perpétuellement sur les mêmes textes peut perturber l’économie financière européenne face à une concurrence mondiale.

Dans un ordre d’idée similaire, nous appelons la Commission à garder à l’esprit l’équilibre fragile entre la stabilité financière à assurer et le fait de permettre aux banques de financer l’économie tout en favorisant une croissance saine. Un moment critique sera ainsi la publication de la proposition législative de transposition des nouvelles règles du comité de Bâle («Bâle 4») en droit européen.

En matière de fiscalité, l’ABBL salue les récentes initiatives de la Commission européenne en matière de révision du régime de TVA applicable aux services financiers. En effet, la TVA représente un coût net qui a été chiffré aux alentours de 572 millions d’euros en 2017 pour le secteur financier et des assurances au Luxembourg.

Afin que les banques puissent également profiter de l’évolution digitale continue, un cadre réglementaire neutre d’un point de vue technologique demeure une condition sine qua non.
Serge de Cillia

Serge de CilliaCEO de l’ABBL

En ce qui concerne le dégrèvement/remboursement de retenues à la source applicables aux investissements transfrontières, au-delà du simple code de conduite existant, la Commission pourrait s’inspirer des standards «TRACE» élaborés par l’OCDE, en vue d’une simplification et d’une harmonisation plus poussées des procédures de dégrèvement des retenues à la source applicables aux revenus de capitaux mobiliers.

La digitalisation amène des défis et des opportunités. Nombre d’acteurs non bancaires entrent sur le marché traditionnel de la banque. La Commission européenne devrait veiller à élaborer des règles de concurrence saines basées sur le principe «mêmes services, mêmes règles, même supervision». Afin que les banques puissent également profiter de l’évolution digitale continue, un cadre réglementaire neutre d’un point de vue technologique demeure une condition sine qua non.

Concernant le volet prudentiel, l’ABBL souhaite voir une modification de la réglementation qui, actuellement, est encore coûteuse car traitant le «software» comme un coût plutôt qu’un investissement, dont il s’agit en réalité. Les banques s’attendent également à plus de clarté sur l’application des technologies DLT et de l’intelligence artificielle en finance pour pouvoir bénéficier pleinement de la digitalisation.

L’ABBL estime qu’il faut privilégier la qualité, c’est-à-dire l’utilité, et la lisibilité des informations, surtout si celles-ci sont adressées à un public pas toujours averti.
Serge de Cillia

Serge de CilliaCEO de l’ABBL

Les banques luxembourgeoises saluent le projet continu de l’union des marchés des capitaux. Cette construction, plutôt que d’être dictée d’en haut, devrait se faire de façon organique à travers un cadre réglementaire motivant et donnant les moyens aux acteurs concernés. Parmi les actions les plus urgentes sont à citer une harmonisation de la retenue à la source, un alignement des procédures nationales d’insolvabilité, la promotion du partage transfrontalier des risques ainsi qu’une relance du secteur européen de la titrisation.

Sur les marchés financiers, la législation de nos jours va dans le sens d’une plus grande quantité d’informations mise à disposition voire «imposée» aux acteurs, professionnels ou clients. L’ABBL estime qu’il faut privilégier la qualité, c’est-à-dire l’utilité, et la lisibilité des informations, surtout si celles-ci sont adressées à un public pas toujours averti. Ainsi, nous aimerions voir la Commission européenne endosser un rôle de leader pour stimuler les États membres à s’investir davantage en matière d’éducation financière. En effet, celle-ci est indispensable pour faire participer les investisseurs de détail d’une part à l’union des capitaux et d’autre part à prévenir le surendettement.

Un dernier souhait à la Commission européenne et au législateur européen serait de finaliser rapidement les différents projets en matière de finance durable (taxonomie, obligations vertes, etc.) et de s’assurer d’une cohérence indispensable entre les différents textes législatifs.

L’ABBL  dans le cadre de l’initiative financière du programme environnemental des Nations unies (UNEP FI) et nombre de ses membres sont prêts à intensifier leur engagement dans la voie de la finance durable. La base législative commune européenne enfin prête en sera un outil précieux.