La fin de vie au Luxembourg, 10 ans après. (Photo: Legitech) 

La fin de vie au Luxembourg, 10 ans après. (Photo: Legitech) 

Monsieur le Dr Carlo Bock partage son point de vue et son expérience en tant que cancérologue et membre de la Commission Nationale de Contrôle et d’Évaluation de l’application de la loi du 16 mars 2009 relative à l’euthanasie et l’assistance au suicide.

La loi du 16 mars 2009 relative à l’euthanasie et à l’assistance au suicide autorise, sous certaines conditions, un patient à demander de mettre activement fin à sa vie.

Monsieur le Dr Bock, 10 ans après le vote de la loi, la question de l’euthanasie continue à diviser. Accéder à une telle demande, est-ce compatible avec l’éthique médicale?

De mon point de vue, le principe éthique prépondérant est celui de l’autonomie et de l’autodétermination du patient: c’est au patient de décider quel est son choix en fin de vie. Le patient est autonome dans sa décision, libre de disposer de soi, et je l’accompagne dans ce processus. En tant que médecin, respecter le choix de mon patient relève du principe de bienfaisance. Pour le bien de mon patient, je réponds à sa demande bien éclairée et réfléchie.

Je pense aussi que l’on ne doit pas nécessairement partager les valeurs du patient, et les choix qui en découlent, pour lui accorder la liberté de définir une «bonne mort» pour lui-même en fonction de ses valeurs et conceptions.

Il m’importe, au niveau de la société, d’avoir une approche libérale et tolérante qui respecte la diversité des valeurs (principe éthique de tolérance), y inclus lorsque les valeurs de l’autre ne sont pas nécessairement les miennes.

Pour moi, éthique et religion ne doivent pas être confondues. On peut avoir une objection de conscience en raison de sa religion ou de ses croyances. En même temps, j’aimerais que l’on respecte les valeurs et conceptions qui sont les miennes et qui me commandent d’accéder à la demande de mon patient.

Avez-vous toujours été en faveur d’une législation en la matière?

Depuis toujours, les médecins sont intervenus en fin de vie pour venir en aide à leurs patients, le cas échéant en abrégeant la vie en phase terminale par une sédation profonde demandée par les patients.

J’ai hésité sur la question de savoir s’il fallait légiférer ou non. Je craignais surtout la mise en place d’une procédure d’autorisation préalable, excessivement contraignante et bureaucratique. Cela aurait pu donner une sorte de tribunal qui se serait substitué au colloque singulier.

Heureusement, le législateur luxembourgeois a eu la sagesse d’opter pour un contrôle ex post calqué sur le modèle belge. Cela est, avant tout, dans l’intérêt des patients, ainsi que du respect de leur volonté et de leur intimité.

Quels sont, 10 ans après, les points essentiels à améliorer ou à reconsidérer pour l’avenir?

Je pense tout d’abord qu’il y a un vrai manque d’information sur l’euthanasie et l’assistance au suicide, ce qui constitue une entrave au respect de la volonté des patients. Il faudrait donc faire plus d’efforts à ce niveau.

Il y a aussi nécessité d’introduire au Luxembourg, pour des médecins intéressés par la question de la gestion de la fin de vie, une formation spécifique et ciblée sur l’euthanasie et l’assistance au suicide.

Il me semble également important d’introduire un tarif spécifique pour une consultation médico-éthique. Actuellement, cet échange important n’est pas rémunéré.

Une autre difficulté pratique majeure concerne l’objection de conscience dont peut, à juste titre, se prévaloir tout médecin. Pour autant, le patient gravement malade et qui se trouve en fin de vie ne devrait pas être confronté aux difficultés d’avoir à effectuer lui-même les démarches nécessaires pour trouver un médecin disposé à accéder à sa demande d’euthanasie.