Romain Tisné, Talantlers (Photo: Olivier Toussaint)

Romain Tisné, Talantlers (Photo: Olivier Toussaint)

Les évolutions technologiques et culturelles de cette dernière décennie ont bouleversé le marché de l’emploi. Hier, les salariés étaient attachés à des types de contrats comme le CDI, synonyme de stabilité et de sécurité. Aujourd’hui, les travailleurs recherchent flexibilité et liberté.

Le déclin du contrat à durée indéterminée: et si on nous offrait plus de souplesse?

Les évolutions technologiques et culturelles de cette dernière décennie ont bouleversé le marché de l’emploi. Hier, les salariés étaient attachés à des types de contrats comme le CDI, synonyme de stabilité et de sécurité. Aujourd’hui, les travailleurs recherchent flexibilité et liberté.

Demain, les talents en perpétuelle quête de sens auront des carrières délinéarisées. Même si le contrat à durée indéterminée reste le plus courant, de nombreux recrutements sont conclus par des contrats ou des statuts dits «précaires». Cependant, le déclin du CDI ne sonne-t-il pas le début d’une nouvelle ère sur le marché de l’emploi? Dans cet article, nous tentons de décrypter les raisons de ce changement de paradigme et les grandes tendances de demain.

Fin du CDI: ode à un ami qui nous quitte

«Tu nous entoures d’un drap de sécurité et de stabilité. Né d’une volonté de voir le monde changer, tes ancêtres ne pouvaient se douter de ton impact dans nos vies. Tu nous as permis d’apprécier les plaisirs de la vie, tu nous as offert la possibilité d’avoir des vacances, d’acheter un toit, d’appréhender l’avenir avec sérénité. Tu as façonné nos identités en société par des titres officiels et des plans de carrière balisés. Plusieurs fois tu as vacillé, comme lors de cette pandémie où tu as été critiqué alors que les États te maintenaient en soins intensifs. Toujours à l’écoute, tu as pourtant essayé de t’adapter. Il est temps pour nous autres talents de nous émanciper, pour nos entreprises de se transformer, pour nos États de te trouver un successeur et pour nos banquiers d’accepter ta disparition. C’est avec une immense tristesse que nous te pleurerons, très cher ami: le CDI.»

Le Contrat à Durée Indéterminée a eu un réel impact social. Mais désormais, les talents ne mettent plus ses avantages au cœur de leurs préoccupations. Les cadres envisagent des transitions et reconversions au cours de leur carrière professionnelle et les futurs travailleurs rêvent d’indépendance. En parallèle, les entreprises restent plus prudentes avant de proposer des contrats à durée indéterminée. Le manque de visibilité sur leurs performances à venir, les erreurs de recrutement coûteuses et la nécessité de s’adapter à de nouvelles méthodes de travail amènent les employeurs à repenser leur rapport au capital humain.

La transition vers un nouveau mo(n)de du travail

Ces dernières années, notre société a été marquée par des événements qui vont changer les règles du jeu.

Une rupture générationnelle

La génération Y se caractérise par un besoin de renouvellement et de variété dans l’activité professionnelle. Aussi appelée «génération du zapping», elle fuit l’ennui et déteste que ses compétences soient mal ou sous-utilisées. En effet, nous autres, les millennials, aimons apprendre constamment et recherchons sans cesse à acquérir de nouveaux savoir-faire. Nés à l’ère du numérique, nous aspirons à une vie de nomade en ligne avec nos valeurs.

Une rupture technologique

La crise du COVID-19 a brutalement modifié nos modes de travail. Elle a démontré l’efficacité du travail à distance par la dématérialisation de l’information, les solutions cloud et divers moyens de communication. La plupart des actifs des activités tertiaires sont désormais capables de télétravailler de n’importe où grâce à Internet… lorsque le cadre réglementaire le permet… Par ailleurs, l’innovation continue des nouvelles technologies va rendre les compétences techniques des talents plus rapidement obsolètes, ce qui les poussera à se former régulièrement ou à changer de métier plus fréquemment.

Un marché de l’emploi qui évolue

Même si le CDI reste la norme au sein des entreprises, il semblerait que la part des embauches sur des contrats flexibles devienne importante. Le contrat à durée indéterminée ne répond plus à lui seul aux besoins exprimés par les employeurs ou par les talents. Par ailleurs, le recours à des prestataires de services augmente, mais ces solutions du «tout externalisé» ont des limites et reflètent la nécessité d’une rupture plus profonde sur le marché du travail.

Le marché de l’emploi du futur

Face aux changements, des alternatives existent, mais elles ne semblent pas suffisantes et adaptées à la conjoncture actuelle. Le CDD, le recours à des indépendants, le portage salarial sont connus de tous et certains concepts comme le «CDI projet» émergent. Même si le recours à ces solutions permettra de répondre aux évolutions du marché de manière ponctuelle, il devient inévitable d’imaginer des alternatives nouvelles plus structurantes et adaptées afin de répondre aux dysfonctionnements existants.

Dans son «Two Loop Model», le Berkana Institute explique qu’un système dominant doit mourir pour qu’un nouveau système émerge. Et, pour transformer le travail, nous devrons identifier les pionniers de nouvelles méthodes, avec de nouveaux statuts, et un nouveau rapport au travail. Par la force des choses, ces pionniers se connecteront les uns aux autres pour endosser une double fonction. Alors que certains pourraient créer progressivement des «communautés de pratiques» ayant pour but d’influencer un système émergent, d’autres joueraient un rôle de stabilisateurs du système existant pour l’accompagner vers sa disparition et acter la transition.

Les entreprises devront s’adapter à l’émergence de contrats et de profils atypiques afin de répondre à leurs besoins et d’accompagner les talents dans le développement de leur carrière professionnelle. La fin du CDI peut être perçue comme une forme de risque, mais c’est aussi une opportunité indéniable. 

Et, grâce à la numérisation des échanges et des relations professionnelles, les talents deviennent une communauté puissante et solidaire qui multiplie le partage de contenus, d’informations, et de projets dans une logique entrepreneuriale ou (intra)preneuriale. Les associations professionnelles et autres fédérations se développent pour devenir des acteurs incontournables et valoriser leurs membres.

Alors que tout nous pousse au changement, le besoin de nous interconnecter devient essentiel. À l’avenir, l’individu laissera place à la communauté et c’est inévitablement ensemble que nous allons imaginer et organiser la suite. Une question reste ouverte: comment réussirons-nous à créer un niveau de confiance suffisant entre les acteurs pour que le collectif prenne le pas sur l’individu? Pour monter à bord de nos projets sur ces sujets ou simplement échanger, contactez-nous sur .

Support Editorial: Hélène Sam