Les chiffres ne veulent pas tout dire. Néanmoins, dans le cas présent, ils illustrent bien à quel point l’Administration de la Chambre des députés a vu son travail augmenter avec l’apparition de la crise sanitaire. «De janvier 2020 à maintenant, nous avons eu 81 séances plénières, dont 73 depuis le déclenchement de l’état de crise», dévoile ainsi Laurent Scheeck, secrétaire général de la Chambre des députés. À titre de comparaison, et cela même si l’année parlementaire va d’octobre à octobre, il y avait eu 45 plénières en 2019, 51 en 2018 et 43 en 2017. Le nombre de sessions a donc doublé.
Même constat en ce qui concerne les réunions de la Conférence des présidents et du Bureau de la Chambre: 73 réunions depuis le début de la crise, pour 52 en 2019 et 31 lors de chacune des deux années antérieures. On notera que 32 des 73 réunions ont eu lieu dans le format inédit qui rassemble la Conférence des présidents et le Bureau de la Chambre, cela afin de recevoir «des informations sur la situation de la part du Premier ministre, de la ministre de la Santé et du gouvernement».
La commission de la santé a évidemment été également très sollicitée: 82 réunions depuis début 2020, contre 20 en 2018. «Au total, depuis le début de l’année passée, il y a eu 969 réunions de commissions», indique l’Administration. Habituellement, il y en a 500 à 600 annuellement.
Plus de 2.000 questions parlementaires, dont 230 reconnues comme urgentes, ont été posées. Il y en avait eu 1.510 l’année d’avant, et environ la moitié seulement les années précédentes. En ce qui concerne les questions urgentes, il y en a eu 20 en 2019, 27 en 2018 et 9 en 2017.
On ne se plaindra jamais d’avoir trop de travail.
L’Administration parlementaire a donc tourné à plein régime: sessions, réunions et questions demandant un important travail en amont. «Nous sommes contents d’être restés opérationnels en permanence et de l’être encore, et on ne se plaindra jamais d’avoir trop de travail», souligne Laurent Scheeck. Qui ne doutait pas un seul instant que les équipes, en tout une centaine de personnes réparties dans une douzaine de services, sauraient relever le challenge. «. L’équipe est agile et ne ménage jamais ses efforts. Je vais même dire qu’on est à notre meilleur quand on connaît des crises. On en a un peu l’habitude. L’Administration a bien entendu un devoir d’impartialité, mais nous évoluons dans un milieu politisé, où des crises, petites ou grandes, surgissent de temps en temps.»
Logiquement «très fier de cet effort collectif», Laurent Scheeck se souvient des nombreux écueils qu’il a fallu surmonter. «Le but premier était d’assurer l’essentiel, de faire notre travail administratif quotidien pour que les députés puissent faire leur travail politique.» L’Administration a dû en tout cas se réorganiser très vite, en basculant en mode télétravail, «en mettant en place la visioconférence, en imaginant des protocoles sanitaires pour les agents, les députés et les membres du gouvernement». Il a fallu repenser les séances plénières, organisées un temps dans trois salles différentes «avec le président qui allait de l’une à l’autre chercher les votes, avec le devoir de respecter les prescriptions de la Constitution». Ensuite, il y a eu le déménagement vers le Cercle Cité, «nécessaire, car, pour des débats autour de textes qui abordent des droits fondamentaux, il faut que tout le monde soit réuni au même endroit».
Un tsunami législatif
Avec le recul, Laurent Scheeck voit trois étapes dans le déroulé des événements. «. . Là, on a dû faire face à un tsunami législatif avec de 30 à 50 textes en trois semaines, notamment des règlements pris qui devaient devenir des lois.» Mais il n’y avait pas d’autre alternative que d’assumer, «car sans cela, nous aurions été face à un vide juridique. Encore une fois, connaissant la qualité des équipes, je ne me faisais pas de souci.» La troisième étape, il la nomme «vivre avec le Covid», elle est en cours depuis l’automne, et les règlements qui reviennent de manière régulière.
Le secrétaire général de la Chambre salue en tout cas «cette volonté politique claire d’avoir voulu garder le débat démocratique intact. Et l’Administration a contribué à sa mise en œuvre. est un ancien parlementaire et a eu ce réflexe parlementariste. Dans d’autres pays, on a agi beaucoup par décrets. Au Luxembourg, le débat est resté.» Grâce aussi «au président de la Chambre, (DP), qui est toujours resté calme», mais également au Conseil d’État, «qui a beaucoup travaillé». De quoi évoquer «un effort solidaire entre institutions pour traverser cette crise. Et l’Administration a donc contribué au maintien de la démocratie.»
Des pistes pour être encore meilleur demain
Une crise qui aura aussi joué le rôle de révélateur de ce qui va et de ce qui va moins bien, «car tout n’a pas été parfait». Laurent Scheeck voit plusieurs pistes pour améliorer encore le fonctionnement de l’Administration. Et permettre à tous de «travailler de manière plus efficace». Ainsi, le service des commissions va être élargi et celui des comptes rendus repensé. Les processus décisionnels vont aussi être améliorés. Tandis qu’une stratégie digitale moderne a été soumise dès le mois de novembre dernier. Sans oublier la cellule expertise «en vue d’améliorer le flux d’informations à destination des députés pour leur travail législatif et de contrôle», et pour laquelle trois postes ont été ouverts.
Et si le surcroît de travail a «conduit à des formes de fatigue», la crise a aussi révélé les talents de nombreux agents et «nous garderons des souvenirs forts des moments de solidarité». Fier que son Administration ait été en permanence opérationnelle, Laurent Scheeck l’est aussi «de cette capacité à trouver des solutions originales, qui ont dans le même temps respecté toutes les exigences constitutionnelles». Mais aussi, et avant tout, «je suis surtout heureux que nous n’ayons eu aucun décès ni parmi les agents administratifs ni parmi les députés. Cela n’a malheureusement pas été le cas dans tous les pays.»