Perturbation des menstruations, risque de devenir infertile: le point sur ce qui est avéré ou non sur les effets du vaccin contre le Covid-19. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne/archives)

Perturbation des menstruations, risque de devenir infertile: le point sur ce qui est avéré ou non sur les effets du vaccin contre le Covid-19. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne/archives)

Si plusieurs femmes témoignent d’impacts du vaccin anti-Covid sur leurs menstruations, les études n’expliquent pas encore le lien de cause à effet. Certains craignent aussi qu’il les rende stériles. Les études actuelles démontrent le contraire, même si rien ne permet de prédire les effets à plus long terme. Cependant, le calcul bénéfice-avantage fait pencher la balance vers la vaccination, selon les experts interrogés.

En retard ou en avance, plus longues, douloureuses ou abondantes… Après avoir reçu leur vaccin contre le Covid-19, plusieurs femmes ont constaté des changements au niveau de leurs règles.

«Nous l’entendons en consultation», corrobore Pit Duschinger, gynécologue à Ettelbruck et président de la Société luxembourgeoise de gynécologie et d’obstétrique (SLGO). Il estime que cela reste minoritaire, «de l’ordre de 5%». Surtout, ce serait «réversible». Il ne dispose pas de statistiques mais constate qu’en général «tout disparaît après une demi-année». Rosa Padovano et Marc Peiffer, gynécologues à Luxembourg, confirment des retours similaires de patientes en consultation. Cela ne concerne qu’un «petit pourcentage».

Plus de 3.000 signalements en France, pas de chiffres au Luxembourg

En France, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a relevé 3.870 cas de troubles menstruels rapportés après la vaccination avec le vaccin de Pfizer-BioNTech et de 562 avec celui de Moderna, selon  et portant sur la période du 26 novembre au 9 décembre 2021. Elle détaille qu’il s’agit soit de saignements plus ou moins abondants, soit de retards des règles, soit de leur absence. «Ces effets sont survenus aussi bien après la première injection, qu’après la deuxième. Il s’agit majoritairement d’événements non graves, de courte durée et spontanément résolutifs». L’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé belge (AFMPS) fait elle aussi état de troubles menstruels après l’administration du vaccin, sans pour autant pouvoir établir de relation de cause à effet. Des sont en cours sur le sujet.

Au Luxembourg, , pour des données en date du 29 novembre, ne dit pas si des effets indésirables liés aux menstruations font partie des 2.016 déclarés depuis le début de la vaccination. Contactée, la Division de la pharmacie et des médicaments de la Direction de la santé n’a pas répondu à Paperjam.

Un lien direct ou indirect

Comment expliquer qu’un vaccin puisse, potentiellement, avoir un effet sur les menstruations? «Cela reste une énigme», admet Pit Duschinger. En attendant, il prescrit à ses patientes aux règles devenant douloureuses des anti-inflammatoires, «comme pour tout traitement de dysménorrhée non liée au vaccin». Le gynécologue Marc Peiffer devine: «En période de menstruation, les phénomènes inflammatoires sont largement augmentés.» Cela pourrait justifier que des femmes se faisant vacciner au moment de leurs menstruations constatent des perturbations. Même pour celles recevant leur dose en dehors de cette période, «les réactions diffèrent d’une personne à l’autre, certaines auront mal à la tête quelques jours, d’autres plusieurs semaines. Donc il se peut très bien qu’une femme qui n’a pas été vaccinée pendant ses règles ressente l’impact lors des prochaines.» Il précise que cela concerne les règles naturelles et non celles artificielles, provoquées par la pilule.

Je ne vois pas comment cela pourrait altérer la fertilité.

Marc Peiffergynécologue

Sur son site internet, émet plusieurs hypothèses. Celle d’un impact sur la «messagerie chimique du cerveau aux ovaires», sur la «messagerie chimique des ovaires à l’utérus» ou encore sur l’endomètre. Cela pourrait aussi venir de la «réponse du système immunitaire au vaccin» ou encore du «stress lié à la vaccination». Pit Duschinger ajoute qu’un «nombre important d’effets secondaires sont rendus publics parce qu’on vaccine des centaines de milliers de gens en même temps».

D’autres vaccins ont été suspectés de jouer sur les menstruations. Dans un rapport de 2015, , même si une n’a pas permis de conclure un lien direct.

Pas d’impact démontré sur la fertilité

Une autre question inquiète certaines personnes, les dissuadant même de se faire vacciner: peut-il y avoir un impact sur la fertilité? «Je ne vois pas comment cela pourrait altérer la fertilité», répond Marc Peiffer. «Il n’y a aucune répercussion, assez de grandes études le montrent», complète Pit Duschinger. . L’une d’entre elles, menée sur 36 couples et , conclut qu’il n’y a pas d’effet sur les performances ovariennes ou les caractéristiques des embryons lors de fécondations in vitro. Une autre, , a comparé le sperme de 45 hommes en bonne santé avant, puis plus de 70 jours après leur deuxième dose de vaccin. Elle ne constate pas d’effet non plus sur ces paramètres. Des données «peu nombreuses, mais tout à fait rassurantes», juge l’institut.

Deux médecins avaient signalé que les anticorps produits par le vaccin pouvaient rendre les femmes stériles parce qu’ils attaquaient une protéine impliquée dans la formation d’un placenta. «On a pu démontrer que c’était faux», rejette Pit Duschinger. Plusieurs experts parlent d’une très faible probabilité , expliquant que même si c’était le cas, la durée d’action des anticorps ne serait pas durable. ne note pas plus d’anomalies au niveau du placenta pour le groupe des 84 femmes enceintes vaccinées que dans le groupe témoin, sans vaccin, de 116 femmes.

Plus de bénéfices que de risques

Le vaccin ne semble donc pas jouer sur la fertilité, selon les données actuelles. Mais peut-on assurer que ce sera toujours le cas, même à long terme? «S’il y a des séquelles, nous le saurons dans quelques années», avoue Rosa Padovano. «Je ne pense pas que l’on puisse s’attendre à un impact sur la fertilité», rassure de son côté Marc Peiffer.

Je n’hésite pas une seconde et conseille la vaccination.
Pit Duschinger

Pit DuschingerprésidentSociété luxembourgeoise de gynécologie et d’obstétrique

«Cette question, nous pouvons la poser pour tout. En médecine, nous ne saurons jamais dire à 100% qu’il n’y a aucun danger», reconnaît Pit Duschinger. Il prend l’exemple du paracétamol, considéré comme sûr depuis des années pour soulager les douleurs des femmes enceintes, remis en question dernièrement. Plusieurs experts ont signé en septembre dans lequel ils listent plusieurs effets possibles sur le fœtus et demandent d’éviter son utilisation chez la femme enceinte, en attendant des études plus poussées sur le sujet. 

Malgré tout, «je n’hésite pas une seconde et conseille la vaccination» contre le Covid-19, maintient le gynécologue. Si certains craignent que le vaccin les empêche d’avoir un enfant, ils peuvent aussi s’inquiéter des effets d’une infection au Covid-19, nuance-t-il d’ailleurs. «Il n’y a pas de statistiques exactes là-dessus, il faudra l’observer après la sortie de crise.» Les femmes enceintes, d’abord exclues des premières vagues de vaccination parce qu’elles n’avaient pas été impliquées dans les essais cliniques, , tout comme dans d’autres pays. «Nous ne savons pas l’expliquer pour l’instant, mais une femme enceinte risque d’être plus malade si elle attrape le Covid.» Elle n’a en revanche pas plus de chances d’être infectée d’après le gynécologue. Le Conseil supérieur des maladies infectieuses (CSMI) pointe davantage de risques d’accouchement prématuré ou de fausse couche en cas d’infection. Des données suggèrent même que les femmes enceintes vaccinées transmettent leurs anticorps à leur bébé. De même lors de l’allaitement. Sans savoir pour combien de temps.