Guy Ertz, Chief Investment Advisor chez BNP Paribas Wealth Management. (Photo: Maison Moderne)

Guy Ertz, Chief Investment Advisor chez BNP Paribas Wealth Management. (Photo: Maison Moderne)

Les fortes fluctuations quant aux attentes de baisse de taux d’intérêt ont généré une augmentation de la volatilité dans les marchés financiers ces derniers mois. Quelles ont été les sources de ces fluctuations?

La banque centrale américaine avait été forcée d’augmenter fortement son taux directeur entre mars 2022 et juillet 2023 en raison de la flambée des prix et donc de l’inflation et du risque d’une spirale prix-salaire. En effet, la hausse de taux d’intérêt augmente le coût du crédit et diminue la demande de biens et services ainsi que de main-d’œuvre et tend donc à diminuer l’inflation. On peut dire aujourd’hui que la banque centrale a bien géré cette normalisation au vu du mouvement spectaculaire du taux d’inflation qui a baissé de 9% à 3% depuis juin 2022. La stabilité remarquable des anticipations d’inflation à 5 et 10 ans suggère que les autorités monétaires ont maintenu leur crédibilité ce qui a permis de limiter les hausses des salaires. Mais pourquoi donc attendre avant de baisser les taux?

 La baisse spectaculaire a été principalement liée à une forte baisse de l’inflation de l’énergie et des biens grâce notamment à la normalisation des chaînes d’approvisionnement. L’inflation des services comme les services médicaux et les tarifs aériens reste élevée et est donc source d’inquiétudes. Il convient toutefois de noter que le mois de janvier est influencé par les hausses de prix de début d’année et des ajustements saisonniers. Cela génère une volatilité supplémentaire. L’année dernière, par exemple, les chiffres de l’inflation mesurée par l’indice de prix à la consommation de janvier et février ont connu une forte hausse qui s’est inversée par la suite. Nous pensons que les chiffres de janvier peuvent retarder la convergence vers l’objectif d’inflation à moyen terme de 2%, mais ne remettent pas en question la trajectoire de désinflation.

 Le principal risque haussier pour l’inflation reste la dynamique des salaires. Les indicateurs avancés de la demande de travail suggèrent une baisse importante qui devrait limiter les hausses de salaire à l’avenir. En effet, les ouvertures de postes sont en forte baisse et l’enquête d’opinion NFIB auprès de petites et moyennes entreprises fait apparaître que moins d’entreprises sont inquiètes quant au fait de trouver des travailleurs. Le taux de chômage reste faible, mais ceci est probablement lié au fait que les entreprises évitent de licencier sachant qu’elles auront beaucoup de mal à trouver des travailleurs qualifiés en cas de reprise économique («labor hoading»). Au vu de ce diagnostic et des anticipations d’inflation assez stables, nous estimons donc que le risque de spirale prix-salaires reste faible. 

 Le cycle de baisse des taux directeurs des banques centrales n’est donc pas remis en cause. Nous nous attendons à ce que la Fed commence à baisser ses taux directeurs non plus en mai, mais en juin. En effet, d’ici là on aura la mise à jour des projections économiques de la Fed et des nouvelles données macroéconomiques. Le cycle de baisse des taux devrait être mieux réparti dans le temps et nous prévoyons 100 pb de baisse des taux cette année et 100 pb l’année prochaine. Nous estimons le taux de fin de cycle à environ 2,75%. Ce taux serait atteint en 2026.

Quant à la BCE, les membres veulent être rassurés quant à l’évolution des salaires et des bénéfices des entreprises. Ces données ne seront disponibles qu’après la réunion d’avril. Par conséquent, nous continuons d’anticiper une première baisse en juin avec 75 pb de baisse cette année. Nous prévoyons une baisse supplémentaire des taux de 75 pb en 2025 avec un taux de dépôt de 2,5% d’ici la fin de l’année 2025. Ce taux serait également le taux de fin de cycle.